Nelly Guidici
La route de l’Alaska a été construite par le génie de l’armée des États-Unis en 1942 lorsque le Japon occupait certaines îles Aléoutiennes et qu’une liaison terrestre entre l’Alaska et le reste du continent a été jugée indispensable. Longue de 2 451 kilomètres, elle relie Dawson Creek en Colombie-Britannique à Fairbanks, en Alaska en passant par Watson Lake, Teslin, Whitehorse, Haines Junction, Burwash Landing et Beaver Creek au Yukon.

Le site de Silver City au bord du lac Kluane (au nord de la route de l’Alaska) revêt un riche patrimoine francophone. Photo : Nelly Guidici.
Collaboration entre le Yukon et la Colombie-Britannique
Il y a douze ans, l’idée de mettre en valeur le patrimoine de la route de l’Alaska aux abords de Dawson Creek a émergé parmi les gens de cette communauté en Colombie-Britannique. Parcs Canada qui a été sollicité afin de donner son avis dans ce projet a estimé que la totalité de la route de l’Alaska pouvait faire l’objet d’un travail sur son patrimoine en tant que corridor culturel. Ainsi, la Société de la communauté de la route de l’Alaska (Alaska Highway Community Society) en Colombie-Britannique et la Société du patrimoine de la route de l’Alaska (Alaska Highway Heritage Society) au Yukon travaillent ensemble afin de désigner le corridor de la route de l’Alaska en tant que lieu historique national du Canada. Si tout se déroule comme prévu, une cérémonie pourrait avoir lieu en 2017 au moment du 75e anniversaire de la construction de cette route et du 150e anniversaire de la Confédération. La vision ultime de ces deux organisations est de s’assurer que la route de l’Alaska soit reconnue comme l’un des itinéraires historiques les plus importants en Amérique du Nord.
Par ailleurs, l’un des objectifs du projet est de créer une structure qui permettrait au tourisme de se développer dans les communautés longeant cette route et mettre en avant ce patrimoine. Sally Robinson, membre du conseil d’administration précise lors d’une entrevue que les touristes pourront vivre une expérience différente : « Ça ne concerne pas seulement l’histoire, ce sera une expérience culturelle dans chaque site. »
Silver City, Burwash Landing et le patrimoine francophone
La partie nord de la route de l’Alaska revêt une importance particulière au regard du patrimoine francophone. En effet, les frères Louis et Eugène Jacquot, originaires de l’Alsace en France sont arrivés en 1898 au territoire du Yukon pendant la ruée vers l’or. Ils ont construit un comptoir commercial ainsi qu’un hôtel et ont participé à la fondation de Burwash Landing au bord du lac Kluane en 1904. Yann Herry, membre francophone du conseil d’administration de la Société du patrimoine de la route de l’Alaska depuis la fin de l’année 2014, estime que cette portion de la route revêt une importance primordiale : « Dans ce projet, mon intérêt est surtout dans la préservation du patrimoine francophone. À Silver City par exemple, on trouve toutes les étapes de l’histoire du Yukon : la présence des Premières nations, la ruée vers l’or, la période entre les deux guerres mondiales, la construction de la route par l’armée américaine et aujourd’hui, le développement économique minier ou la chasse au gros gibier. Ce site est vraiment une image de l’histoire du territoire. » Le site de Silver City a été reconnu par la division historique du Yukon comme un site à valeur historique. Cependant, pour désigner l’endroit site historique en tant que tel, il faut l’accord et l’implication des propriétaires qui sont originaires et résidents de l’état de l’Alaska. « Pour pouvoir avancer dans le projet, il faut l’engagement du propriétaire qui n’est pas là pour le moment. Mais une prise de contact a été faite avec la famille et nous en sommes aux premiers pourparlers », explique M. Herry. La réussite de ce projet permettra peut-être la mise en place de structures touristiques permettant aux visiteurs de vivre une expérience mettant en avant l’oralité. « J’ai toujours pensé que la francophonie devant avoir ses institutions au niveau de l’histoire et du patrimoine. Ce qui m’a toujours frappé avec la francophonie, ce sont les histoires que les gens racontent. Ce patrimoine oral est aussi associé aux sensations que l’on peut vivre au Yukon, comme le froid ou l’humidité dans les mines », conclut M. Herry.