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le Mercredi 4 février 2015 11:25 Scène locale

Un rapport qui crée des remous

Peter Becker, Jean-François Deslauriers et Jacqueline Veilleux de Frack Free Yukon Alliance ont rencontré les médias le 21 janvier pour présenter leur position concernant le rapport remis par le comité spécial d'examen des risques et des avantages de la fracturation hydraulique. Photo : Pierre-Luc Lafrance.
Peter Becker, Jean-François Deslauriers et Jacqueline Veilleux de Frack Free Yukon Alliance ont rencontré les médias le 21 janvier pour présenter leur position concernant le rapport remis par le comité spécial d'examen des risques et des avantages de la fracturation hydraulique. Photo : Pierre-Luc Lafrance.

Pierre-Luc Lafrance

Le 19 janvier, Patti McLeod, la présidente du comité spécial d’examen des risques et des avantages de la fracturation hydraulique, a remis un rapport très attendu à l’Assemblée législative. Le rapport de 25 pages propose 21 recommandations pour encadrer la fracturation hydraulique au territoire. Toutefois, les membres du comité n’ont pu trouver un consensus sur cette technique, ce qui a déçu plusieurs groupes qui espéraient que la fracturation hydraulique soit interdite au territoire ou, du moins, qu’il y ait un moratoire.

Peter Becker, Jean-François Deslauriers et Jacqueline Veilleux de Frack Free Yukon Alliance ont rencontré les médias le 21 janvier pour présenter leur position concernant le rapport remis par le comité spécial d'examen des risques et des avantages de la fracturation hydraulique. Photo : Pierre-Luc Lafrance.

Peter Becker, Jean-François Deslauriers et Jacqueline Veilleux de Frack Free Yukon Alliance ont rencontré les médias le 21 janvier pour présenter leur position concernant le rapport remis par le comité spécial d’examen des risques et des avantages de la fracturation hydraulique. Photo : Pierre-Luc Lafrance.

Notons que le comité a été établi par décret pris par l’Assemblée législative le 6 mai 2013. Il a été dissous après le dépôt du rapport. Il était composé de représentants des différents partis politiques. Outre Mme McLeod, on y trouvait Lois Moorcroft (vice-présidente), Currie Dixon, Darius Elias, Sandy Silver et Jim Tredger.

La fracturation hydraulique est un sujet controversé au Yukon, encore plus que dans le reste du pays. Plusieurs citoyens ont manifesté sur la place publique et plus de 8 000 personnes, soit plus de 25 % de la population totale, ont signé une pétition contre cette méthode d’extraction des hydrocarbures. Le rapport ne traite pas ou très peu des avantages (ou de l’absence d’avantages) économiques liés à la fracturation hydraulique.

S’il n’y a pas de consensus global, les membres du comité se sont tout de même entendus sur certains points, comme l’importance d’avoir l’assentiment des Premières nations avant d’approuver un projet. Les autres recommandations traitent de l’importance de voir les impacts économiques, les effets sur l’environnement (eau, air, terre) et sur la santé humaine avant d’aller de l’avant.

Toutefois, les membres du comité n’ont pu s’entendre sur des points majeurs, comme l’importance d’avoir un appui de la population avant d’aller de l’avant dans ce domaine. Le groupe Yukoners Concerned about Oil & Gas déplore également que les membres ne se soient pas entendus sur le fait que la fracturation hydraulique puisse être pratiquée ou non de façon sécuritaire, que la fracturation hydraulique puisse ou non être permise au Yukon, et si oui ou non, il faut procéder à l’élaboration de règlements spécifiques à la fracturation hydraulique.

On peut trouver le rapport sur le site de l’Assemblée législative : http://www.legassembly.gov.yk.ca/.

De nombreuses réactions

Plusieurs groupes ont réagi à la suite du dépôt du rapport. Alors que du côté du gouvernement, on affirmait qu’on allait s’asseoir pour prendre connaissance des recommandations avant de décider quoi que ce soit, la Société pour la nature et les parcs du Canada, chapitre Yukon, déplorait que les membres du comité n’aient pas explicitement demandé un moratoire sur la fracturation hydraulique. Toutefois, les membres de l’organisme reconnaissent que le rapport final démontre que la fracturation hydraulique ne peut pas être faite de façon sécuritaire, et que la population yukonnaise s’y oppose. « Il est clair que le comité a entendu les voix de la population yukonnaise, des Premières nations et des experts dans le domaine, et cela a résulté en 21 recommandations qui, ensemble, constituent de facto un moratoire sur la fracturation au Yukon », soutient la directrice générale de l’organisme Gill Cracknell.

Lois Moorcroft s’est exprimée au nom du NPD du Yukon. Elle estime que les preuves scientifiques présentées au comité sont claires : « Il n’y a pas de moyens sécuritaires de pratiquer la fracturation. Les impacts négatifs de la fracturation hydraulique sont juste trop risqués, spécialement si on les compare aux bénéfices que les Yukonnais pourraient recevoir par le biais d’investissements dans les énergies renouvelables. »

Son collègue Jim Tredger ajoute : « Lors des travaux du comité, nous avons entendu des centaines de Yukonnais qui étaient dans une écrasante majorité opposée à la fracturation hydraulique. »

Une sortie de Frack Free Yukon Alliance

Le 21 janvier, le groupe Frack Free Yukon a présenté une conférence de presse pour réagir au dépôt de ce rapport. Jacqueline Vigneux, Peter Becker et Jean-François Deslauriers étaient sur place pour présenter la position de ce groupe de citoyens engagés dans une lutte contre la fracturation hydraulique afin de protéger la santé et la prospérité du Yukon.

Pour ce groupe, la teneur du rapport se concentre sur la mise en place de paramètres permettant éventuellement d’autoriser la fracturation hydraulique. M. Deslauriers soutient que cela irait à l’encontre du souhait des citoyens du Yukon. D’ailleurs, il soutient que le rapport déforme grossièrement l’apport de Yukoners Concerned about Oil & Gas lors des consultations. Pour lui, c’est particulièrement évident lorsque le comité, dans ses recommandations, demande d’autres études sur les impacts environnementaux. Il soutient que Free Yukon Alliance a compilé et examiné des recherches extensives sur les effets et les impacts de la fracturation hydraulique à travers le monde, et que la littérature sur le sujet amène à la conclusion que cette méthode ne peut être appliquée de façon sécuritaire. Il ne comprend pas que le comité ait pu ignorer des documents qu’il a eus entre les mains.

« Des dizaines d’autres juridictions ont mené des recherches plus poussées que tout ce que le Yukon peut se permettre de faire, et plusieurs ont édicté une interdiction complète de cette pratique. La France, le Québec, la Californie, le Texas et Hawaï sont quelques-uns des joueurs importants qui ont choisi d’interdire la fracturation hydraulique sur leur territoire. »

M. Deslauriers trouve aussi particulier que le comité recommande au gouvernement de respecter l’entente avec les Premières nations. « En d’autres mots, on demande que le gouvernement du Yukon respecte la loi. »

« En général, le comité a manqué la vue d’ensemble et le diable se cache dans les détails. Il est temps pour le monde et le Yukon d’amorcer un mouvement pour se défaire de la dépendance aux hydrocarbures, et de développer plus activement d’autres sources d’énergie (solaire, éolienne, géothermique, hydrogène) et de cesser d’investir de l’argent, du temps et de l’énergie à presser les dernières gouttes d’énergie fossile qui se trouvent dans le sol. »