Christopher Scott
Construite en 1902 à l’aide de contributions faites par des prospecteurs d’or, l’église anglicane St. Paul est un des premiers édifices que rencontrent les visiteurs en arrivant à Dawson. Impressionnante structure en panneaux de bois beige au clocher effilé située en face du fleuve Yukon à l’angle de la rue Church et de la Première Avenue, ce lieu de culte peut accueillir 250 personnes. Il a servi de cathédrale du diocèse du Yukon jusqu’en 1953, au moment où Dawson perdait son statut de capitale territoriale.
Aujourd’hui, à la suite du déclin de la population de Dawson depuis l’époque de la Ruée vers l’or et du changement des mœurs, l’église doit composer avec une congrégation moindre. Il incombe aux quelque trente paroissiens actifs de garder en état un bâtiment qui a été classé lieu historique national. C’est pour faire face à cette problématique que la Paroisse a soumis à la mi-janvier une demande de financement au Fonds de développement communautaire du gouvernement du Yukon pour permettre des rénovations qu’on souhaite réaliser cet été.
D’après la pasteure Laurie Munro, il s’agit de trois priorités : d’abord, remplacer du bois pourri sur le toit et une partie des murs; ensuite, installer des gouttières pour prévenir des dégâts d’eau, et finalement, acheter des ventilateurs plus performants que ceux qui sont en place actuellement pour renvoyer vers le bas la chaleur qui a tendance à s’échapper au plafond.
« Pour moi, le point de bascule est arrivé lorsque nous nous sommes rendus un jour [à l’église] et nous avons découvert des monticules de neige sur un de bancs », se rappelle la pasteure en poste à Dawson depuis trois ans, pour témoigner de l’urgence des réparations qui sont à effectuer. En entrevue, la pasteure précise que le toit qui s’est détérioré au fil des ans laisse couler beaucoup d’eau, ce qui a pour conséquence d’endommager les structures du bâtiment. De plus, un plafond très haut et voûté, et qui n’est pas isolé en raison de sa désignation historique, crée un espace énorme qui doit être chauffé au moyen d’un poêle à bois, si bien que pendant les mois d’hiver, la petite congrégation n’ouvre l’église que pour les événements spéciaux et se réunit pour le culte de chaque dimanche dans une chapelle située dans un bâtiment à côté.
« Il serait merveilleux de pouvoir employer [l’église] à longueur d’année », commente la pasteure Munro, en remarquant qu’en préparation des événements d’hiver où l’on attend un grand achalandage tels les funérailles et le culte de Noël, il faut commencer à alimenter le poêle à bois trois jours d’avance. « Mais le coût en termes de travail humain et d’argent est trop élevé. »
Or, dans ce contexte, c’est la survie même ainsi que la pérennité d’une structure patrimoniale qui est en jeu, et selon les témoignages, c’est un fardeau que la modeste congrégation de St. Paul peine à assumer toute seule.
« [Les travaux] maintiendront le bâtiment solide, plutôt que de le laisser tomber en pourriture », résume la pasteure.
Selon Mme Betty Davidson, membre actif de la Fabrique, il est à espérer qu’à la suite des rénovations il sera possible de prolonger la période de l’année pendant laquelle l’église est ouverte grâce à une meilleure rétention de la chaleur par les ventilateurs. Actuellement, le bâtiment reste en fonction du mois d’avril à la fin septembre environ.
Aussi, d’après Mme Davidson, si les paroissiens se livrent depuis quatre ans à des souscriptions dans la communauté – en ramassant des objets recyclables, notamment – dans l’espoir de financer par eux-mêmes une partie des rénovations, ces efforts n’ont toutefois fourni qu’un dixième de la somme requise. Or, si la Paroisse ne veut pas dévoiler le montant exact qui a été sollicité auprès du gouvernement, on laisse entendre qu’il s’agit de plusieurs dizaines de milliers de dollars.
Ajoutons en dernier mot qu’en plus de remplir sa vocation religieuse, la Paroisse St. Paul demeure engagée socialement dans sa communauté, et prête son bâtiment, entre autres, à l’usage du Festival de musique de Dawson City qui a lieu chaque été. Aussi, au fil des ans, la congrégation a été prise en charge par plusieurs personnages colorés, dont certains sont devenus de véritables légendes qui ont façonné l’histoire du Yukon. On pense, par exemple, au révérend Isaac Stringer, évêque et explorateur (« l’évêque qui a mangé ses bottes » pour assurer sa survie lorsqu’il était perdu dans le bois), et au révérend Richard Martin, célèbre trappeur, musheur et prédicateur issu de la Première nation Hwëch’in qui a servi sa communauté en tant que diacre pendant plus de quarante ans à partir des années 1920 après être devenu aveugle à la suite d’un accident de chasse.