Nelly Guidici
Le 2 décembre 2014, le juge Ron Veale de la Cour suprême du Yukon rendait sa décision en faveur des plaintifs (les Premières nations de Na-cho Nyak Dun, Tr’ondëk Hwëch’in, la Société de conservation du Yukon et la Société pour la nature et les parcs du Canada) dans le cas du développement de la région de la rivière Peel. En accord avec l’Umbrella Final Agreement signé par le gouvernement du Yukon et les Premières nations du territoire en 1993, le développement de la région Peel aurait dû se faire en collaboration avec les Premières nations et le peuple yukonnais. Or, en rendant il y a un an une décision qui va à l’encontre des conclusions rendues par la commission, le gouvernement n’a pas respecté l’équilibre qui aurait dû être maintenu dans le cadre du travail collaboratif entre les différentes parties. Maître Thomas Berger, avocat des Premières nations et des organisations de protection de l’environnement, a exprimé son sentiment à la suite du jugement : « La justification de ce processus est une grande victoire pour les Premières nations, les organisations environnementales, et tous les Yukonnais. En fin de compte, une des dernières grandes régions sauvages du monde sera protégée. »
Lors d’une entrevue donnée à la mi-décembre, Gill Cracknel, directrice du conseil au sein de S.N.A.P. pour le territoire du Yukon, précise que cette victoire est celle de tous ceux qui ont défendu la cause : « Ce n’est pas seulement une victoire pour les plaintifs, mais pour tous ceux qui ont généreusement donné leur temps, leur argent et ont prêté leur voix pour la cause de la rivière Peel. » À ce moment-là, le gouvernement du Yukon n’avait pas fait savoir s’il allait faire en appeler de cette décision de justice. Cependant, pour Mme Cracknel, continuer le processus judiciaire n’est pas la solution : « J’espère sincèrement que le gouvernement va accepter la décision du juge, car ça n’a pas de sens de continuer en cour! »
L’aspect démocratique a été très important dans cette affaire, car nombreuses sont les personnes qui ont vu un danger pour la démocratie canadienne. « Nous sommes heureux, car la décision du juge Ron Veale va dans le sens de ce que nous croyons. Le jugement montre la voie à suivre et nous pouvons maintenant passer à l’étape suivante », explique Mme Cracknel. Dans le cas où le gouvernement ferait appel de la décision, les défenseurs de la rivière Peel seront encore là pour faire entendre leur opinion : « Nous serons encore là pour défendre la cause le cas échéant ».
Le 16 décembre 2014, dans l’une des salles du Centre culturel des Kwanlin Dün, une grande fête a été organisée afin de remercier le public et célébrer la victoire. Plus d’une centaine de personnes étaient venues applaudir les représentants des Premières nations impliquées, de la S.N.A.P., de la Société de conservation du Yukon, mais également des aînés qui ont largement contribué à défendre la cause. Jimmy Johnny de la Première nation de Na-cho Nyak Dun portait son fidèle chapeau et a été beaucoup applaudi. Très investi tout au long du processus, il s’est régulièrement exprimé en public pour faire valoir son point de vue et l’importance de protéger cette région qu’il connaît très bien.
Roberta Joseph, chef de la Première nation Tr’ondëk Hwëch’in, a exprimé sa joie de voir que la décision de justice protège l’intégrité de l’accord final (U.F.A) qui est absolument essentiel. « Tous ces efforts n’ont pas été accomplis pour nous, mais bien pour les sept prochaines générations », a ajouté Mme Joseph devant le public. Elle a été chaleureusement applaudie à l’issue de son discours. Un gâteau représentant une rivière avec la mention « Protected » (protégée) préparé par la députée de l’opposition Kate White a clôturé de façon gourmande cette soirée forte en émotions.
Cependant, le temps de la célébration aura duré peu de temps puisque le 30 décembre 2014, le gouvernement du Yukon annonçait sa décision d’en appeler du jugement rendu.
« Grâce à cet appel, le gouvernement souhaite clarifier le fait qu’un gouvernement démocratiquement élu conserve l’autorité des décisions finales sur les terres publiques. Avec plusieurs plans d’utilisation des terres supplémentaires qui sont encore en cours de développement, le gouvernement du Yukon reconnaît l’impact que cette décision pourrait avoir sur le processus de planification de l’utilisation des terres sur le territoire ainsi que sur l’avenir économique du Yukon. Le gouvernement du Yukon croit que cette affaire a des implications importantes pour le territoire, faire appel est une réponse bonne et responsable », a déclaré le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources Scott Kent. « Il s’agit de notre démocratie, notre économie et notre avenir », conclut-il.
L’année 2015 promet d’être forte en rebondissements dans ce dossier qui fait décidément couler beaucoup d’encre.