Pierre-Luc Lafrance
Le lancement de la campagne des Douze jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes a eu lieu le mardi 25 novembre au Collège du Yukon. Maryne Dumaine, directrice générale par intérim de l’organisme Les EssentiElles et Hillary Aitken, la coordonnatrice des programmes du Centre de femmes Victoria Faulkner, agissaient à titre de maîtresses de cérémonie.
Cette année, le thème de la campagne est « Utilise les bons mots ». Le but est de sensibiliser les gens à la façon dont le vocabulaire utilisé pour décrire la violence dissimule la réalité, et ce, dans plusieurs secteurs : système légal, médias, même dans notre langage courant. Par des mots vagues ou imprécis, nous contribuons à cacher la violence.
Renée-Claude Carrier proposait un atelier sur ce sujet le lendemain à la bibliothèque de Whitehorse. « Le choix des mots qu’on utilise a un impact. Si on veut que les policiers comprennent ce qui s’est passé, que l’explication soit claire en cours et que la victime puisse s’en remettre, il faut utiliser les bons mots. » Elle a offert plusieurs exemples frappants. « Si je vais à la banque pour faire un braquage, est-ce qu’on appelle ça une transaction financière? Alors pourquoi est-ce que lorsqu’une personne est attaquée par les parties génitales d’une autre on appelle ça du sexe? » Elle a aussi cité l’exemple du tourisme sexuel qui relève plutôt du viol d’enfants et l’emploi de nombreux euphémismes comme querelle domestique, conflit ou relations abusives alors qu’on devrait parler de violence conjugale.
D’ailleurs, elle a fait remarquer que souvent, les gens se concentraient sur la victime plutôt que sur l’agresseur. « Au lieu de se demander pourquoi elle ne le quitte pas, il faut se demander pourquoi il la frappe. »
Encore aujourd’hui, une femme sur quatre au Canada est victime d’agression sexualisée. Tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire ou ancien partenaire. Les chiffres concernant les agressions sexualisées sont trois à quatre fois plus élevés au Yukon que dans le reste du Canada.
Des femmes comme les autres
Tosh Southwick, directrice de la First Nation Initiatives au Collège du Yukon, rappelait que les femmes des Premières nations sont plus touchées que les autres par les cas de violence (elles sont deux fois plus nombreuses en pourcentage à être victimes d’agression sexualisée). Pour elle, il y a quelque chose de malsain dans la façon de traiter le sujet, comme si c’était la norme que ça arrive dans ces communautés. « Pourquoi dit-on qu’une femme des Premières nations a disparu? Est-ce qu’on dit qu’une femme caucasienne a disparu? Ce n’est pas seulement un problème propre aux Premières nations ou au territoire, c’est un problème national. » Elle souhaite que sa fille puisse grandir dans un monde où on la fera sentir importante et qu’elle sache que si quelque chose lui arrive, il y aura des conséquences.
Pas qu’une question de femmes
Maryne Dumaine a rappelé que la question a longtemps été vue comme un problème de femmes, mais que les hommes aussi font partie de la solution. « 97 % des agressions sexuelles sont faites par un homme contre une femme, pourtant, la majorité des hommes sont contre la violence faite aux femmes. Ils ont donc un rôle à jouer, en parlant et en prenant leurs responsabilités. »
D’ailleurs, l’organisme Ruban blanc Yukon (White Ribbon Yukon) a choisi de s’impliquer dans la campagne en proposant un feu de camp au Collège du Yukon le 3 décembre dès 16 h 30 pour parler du rôle des hommes pour contrer la violence faite aux femmes.
La campagne des Douze jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes prendra fin le 6 décembre avec une émission spéciale de Rencontres sur ce sujet sur les ondes de CBC à 17 h. La veille, il y aura une cérémonie commémorative de la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes à midi à l’édifice Elijah Smith.