Françoise La Roche
Le parcours de vie de Claire Desmarais ne s’apparente pas à celui de la plupart des femmes de sa génération. Issue d’une famille francophone de Saskatchewan, elle fait sa rentrée scolaire dans une école anglophone alors qu’elle ne parle pas un mot d’anglais. « Je ne me souviens pas d’avoir appris l’anglais, alors je suppose que c’était assez facile », raconte Claire.
Femme de talent et d’ambition, Claire veut devenir médecin. Déception, ses notes s’avèrent trop basses pour être admise en faculté de médecine. Qu’à cela ne tienne, elle se tourne alors vers des études en chimie et en psychologie. Une fois les diplômes obtenus, elle dit à une amie : « Go North ». Le Yukon l’accueille et… l’ensorcelle! Voilà le début d’une vie qui emprunte des sentiers non battus.
Fermière à temps partiel
Claire Desmarais achète la ferme familiale avec sa sœur en 1974. Partagée entre son amour du Nord et celui de la ferme, elle passe six mois par année à gérer la ferme en Saskatchewan et l’hiver, elle revient au Yukon pour vivre avec son conjoint. « Quand on a décidé d’acheter la ferme, il y avait une vieille maison qui datait de 1920 sur la terre. Elle était abandonnée depuis une quinzaine d’années. Mon père s’en servait comme entrepôt à grains. On aimait la maison, mais il fallait faire des rénovations. J’ai commencé à les faire et j’ai trouvé cela très amusant », explique-t-elle.
Il y avait peu de femmes seules qui géraient des fermes à cette époque. Claire raconte en riant : « Souvent, on allait chercher des pièces de machinerie pour faire des réparations et le vendeur nous disait : “Et ton mari, tu es certaine que c’est ça qu’il veut?” On avait bien du fun avec cela. »
Ébéniste en devenir
Pendant seize ans, Claire Desmarais effectuera des allers-retours entre la Saskatchewan et le Yukon. « En 1980, j’avais fait assez de travail avec le bois pour moi-même ou pour de petits contrats », dit Claire. « J’ai décidé que c’était le temps que j’aille à l’école pour apprendre davantage ou encore trouver quelqu’un avec qui travailler. J’ai trouvé Kim Quency de Treeline Woodwork. “Pourquoi tu ne m’essaies pas pour deux semaines”, lui ai-je demandé. J’ai travaillé pour lui dix hivers. »
Entre-temps, elle se construit un atelier, une maison et un garage sur son terrain au Mont Lorne. Après avoir passé dix ans au service de Treelin Woodwork, Claire sent le besoin de relever un nouveau défi. Elle veut produire ses propres dessins. Elle ouvre alors son propre atelier, dont l’équipement ferait l’envie tout bricoleur dilettante.
« Ce que j’aime dans mon travail, c’est que c’est toujours différent. Une des choses vraiment intéressantes, c’est de travailler avec les clients. Les connaître un peu. C’est de cette façon-là que tu peux imaginer ce qu’ils aiment. Je travaille avec des gens qui ont des idées vraiment fixes de ce qu’ils veulent et avec d’autres qui se fient à moi. »
Les essences que Claire privilégie sont le pin local, le bouleau, le chêne, le cerisier et l’érable. Elle a aussi travaillé le contre-plaqué et l’a transformé en kayak dont la finition se compare à la table d’harmonie d’un violon. Cette embarcation est une œuvre d’art. Elle a aussi construit une chaloupe entièrement en pin.
Pompière volontaire
Depuis dix-huit, la caserne de Mont Lorne compte Claire Desmarais parmi ses volontaires. Elle est la plus ancienne membre de l’équipe. Jour et nuit, elle porte un émetteur-récepteur radio mobile et comme un scout, elle est toujours prête.
L’entraînement est rigoureux et il faut être en forme. « Depuis les trois dernières années, avec la Commission santé et sécurité au travail, nous devons atteindre les mêmes niveaux de compétences en matière d’entraînement que les pompiers à temps plein. Cet automne, tous les pompiers volontaires devront passer un test de conditionnement physique. Peut-être que je ne serai plus capable d’être pompière », s’inquiète Claire.
Rythme de vie
Depuis quatre ans, Claie Desmarais prend trois mois de congé l’été. Mais cette année, c’est quatre mois. « J’en suis au point où je dis aux clients que j’aimerais bien faire leur projet, mais pouvez-vous attendre? » Alors, si vous voulez un meuble sur mesure, Claire Desmarais vous le construira avec plaisir en tenant compte du Yukon Time. Après tout, elle a choisi de s’installer au Yukon pour les bonnes raisons.