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le Vendredi 30 mai 2014 9:30 Scène locale

L’importance de demeurer soi-même

Ryan Leef travaille fort pour améliorer sa maîtrise du français. Photo : fournie.
Ryan Leef travaille fort pour améliorer sa maîtrise du français. Photo : fournie.

Pierre-Luc Lafrance

Ryan Leef est député du Yukon sur la scène nationale depuis 2011, alors qu’il a défait le député sortant Larry Bagnell par 132 voix. Il a grandi au territoire et s’est d’abord fait connaître à titre d’athlète, puisqu’il a excellé en course de fond, représentant même le Canada au Championnat du monde. Avant de se lancer en politique, il a connu une belle carrière au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Nous l’avons rencontré afin qu’il nous parle de son parcours et de ses projets. À noter que si la majorité de l’entrevue s’est déroulée en anglais, le député a tenu à parler en français, particulièrement lorsqu’il était question de l’importance de la langue.

Ryan Leef travaille fort pour améliorer sa maîtrise du français. Photo : fournie.

Ryan Leef travaille fort pour améliorer sa maîtrise du français. Photo : fournie.

Aurore boréale (A.B.) : Avec le climat politique ambiant et le cynisme des gens envers les politiciens, qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer en politique?

Ryan Leef (R.L.) : J’ai grandi ici. Je suis devenu un coureur de longue distance grâce à l’appui de la communauté. Les commanditaires qui ont encouragé mes rêves d’athlète, ce qui m’a mené jusqu’au Championnat du monde où j’y ai représenté le Canada.

Tout ce que j’ai fait au territoire, du moins depuis que je suis un adulte, c’est dans l’objectif de redonner à ma communauté. J’ai toujours cru que c’était ma responsabilité. J’ai été bénévole à titre d’entraîneur auprès des jeunes pour qu’ils aient les mêmes chances que moi. Dans la GRC, j’ai été au service de la population en général. Puis, quand j’ai eu l’occasion de me présenter en politique, je me suis dit que c’était l’occasion la plus significative qui m’était offerte de redonner à ma communauté.

Quant au cynisme que les gens ont envers la politique et les politiciens, j’en suis conscient. Les gens se questionnent souvent sur nos motivations. De mon côté, je suis content d’avoir la possibilité de dire à tout moment jusqu’à quel point c’est fantastique d’être Yukonnais.

A.B. : Quel est le rôle d’un député pour vous?

R.L. : Quand on prend ce poste, on ne reçoit pas de description de tâches. Alors, chacun doit s’adapter selon sa personnalité. Je crois que le rôle de député est différent selon la région du Canada qu’on représente, car les réalités ne sont pas les mêmes. Nous avons une seule voix au Yukon, nous avons un grand territoire et nous sommes loin d’Ottawa. Il faut donc faire en sorte d’avoir une voix forte pour être sûr de ne pas être oublié.

Je vois mon rôle de la façon suivante : je dois m’assurer d’amener le message du Yukon à Ottawa et qu’il soit écouté et non de ramener le message d’Ottawa au territoire.

À l’échelle locale, je crois que les gens attendent de leur député qu’il utilise ses expériences, sa personnalité, ses intuitions, sa créativité. Je suis un athlète, un coureur. La santé et un mode de vie sain ont toujours fait partie de mes valeurs, alors c’est sûr que je m’en sers dans cette carrière. Les gens veulent voir ce que les députés sont vraiment.

Au Yukon, je dois être disponible et accessible, c’est ce que les gens attendent de moi. En fait, je crois qu’il faut être une voix humble chez soi, mais une voix puissante à Ottawa.

A.B. : Vous êtes député depuis trois ans, quels sont vos plus grands accomplissements à ce poste?

R.L. : En fait, je crois que le plus grand accomplissement jusqu’à maintenant, c’est le projet de loi C-583 sur lequel je travaille et qui devrait être débattu en juin. Ce projet de loi viendrait modifier le Code criminel en ce qui concerne l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. J’ai mis beaucoup d’accent sur ce dossier, car je crois qu’il représente un grand besoin au territoire. Le Code criminel ne reconnaît pas de statut particulier aux gens qui souffrent de troubles causés par l’alcoolisation fœtale, et ceux-ci doivent faire face à la Justice de la même façon que les autres citoyens sans que leur état soit pris en compte.

Je souhaite qu’il y ait une différence dans la façon dont nous prononçons des peines à ces gens. Dans le Nord, nous avons un plus grand pourcentage de prisonniers qui souffrent de ce type de trouble.

Je crois qu’il faut travailler sur la prévention, l’éducation, l’aide, les soins de santé. Bien sûr, le projet de loi ne comprend pas tous ces aspects, mais j’espère que cela va inspirer des changements en justice sociale et en santé.

A.B. : D’ici les prochaines élections, quels seront les plus grands défis pour les Yukonnais et les Canadiens?

R.L. : Même si nous sortons d’une récession, l’économie mondiale est encore fragile et le Canada en fait partie. C’est toujours une réalité canadienne, mais aussi yukonnaise. Pour que le Yukon soit fort, que les taxes demeurent basses, il faut que le Canada soit fort.

Si on contrôle sa destinée, on peut bâtir son propre futur. Il faut donc s’assurer d’avoir une économie canadienne forte et de garder une vue d’ensemble. L’objectif demeure toujours le même : garder le niveau de taxation le plus bas possible pour les familles canadiennes.

A.B. : Le vérificateur général du Canada s’est montré très critique envers l’Agence canadienne du développement économique du Nord (CanNor), disant, entre autres, que l’agence ne surveille pas adéquatement les contributions qui en découlent. Quel est votre avis à ce sujet?

R.L. : Les recommandations sont toujours les bienvenues. L’agence a accepté toutes les recommandations et si on lit bien le rapport, on se rend compte que 80 % des recommandations ont été apportées ou sont en voie de l’être. Je suis donc content de voir que l’Agence a été proactive dans ce dossier.

Pour ce qui est du Yukon, on n’en connaît pas exactement la situation parce que les recommandations touchent l’ensemble des trois territoires sans s’attarder sur ce qui se fait dans chacun d’entre eux. Peut-être que le bureau de Whitehorse est correct à 100 % ou encore que l’ensemble des problèmes provient d’ici.

D’un autre côté, je comprends que les gens veulent savoir ce qui se passe avec leur argent. De mon côté, j’espère que le programme va s’améliorer et devenir plus fort afin que les bénéfices soient encore plus importants pour le Yukon.

A.B. : Selon vous, quelle est l’importance de la langue française et de la culture francophone pour le Yukon et le Canada?

R.L. : Au Yukon, la communauté franco-yukonnaise a contribué à notre histoire, à notre culture et à notre identité. La présence francophone est inscrite dans nos racines, avec la traite de la fourrure, les prospecteurs, les mineurs. La liste de tous les francophones qui y ont contribué serait trop longue. On retrouve des noms francophones pour plusieurs endroits du territoire. Les francophones ont contribué à faire du Yukon ce qu’il est devenu.

Je crois aussi que la culture francophone et celle du Yukon se rejoignent : l’esprit d’aventure, la créativité, la possibilité de saisir les occasions, déterminer la façon de mener sa vie. Ce n’est pas pour rien qu’on a la deuxième plus importante communauté francophone en pourcentage à l’extérieur du Québec.

D’ailleurs, de plus en plus de non francophones participent aux activités de la communauté. On le voit avec le succès des programmes d’immersion.

De mon côté, j’essaie d’améliorer mon français. Je le comprends de mieux en mieux et j’essaie de trouver des occasions pour parler davantage.