Fred Lauk
Savez-vous ce que devient le plastique de nos déchets? Il est envoyé en Chine où environ un tiers sera retourné ici une fois trié pour être recyclé. Le reste servira de combustible pour des centrales ou simplement mis en décharge. Selon Statistique Canada, ce sont donc 324 000 tonnes de matières plastiques qui sont revenues en 2008 contre 2,8 millions non utilisées. Jusque-là, les alchimistes cherchaient la pierre qui change les métaux en or. À Whitehorse, on a une machine qui transforme le plastique en essence. En or noir, donc.
Un beau jour, Andy Lera reçoit un coup de fil d’un de ses amis qui lui dit de regarder un reportage concernant une machine capable de transformer le plastique en huile. Le plastique étant issu du raffinage du pétrole, il n’est pas illogique que le processus soit inversable. Ni une ni deux, le dynamique Yukonnais étudie les plans et réussit à fabriquer un exemplaire modèle réduit de ladite machine. « C’était il y a trois ans, se souvient Andy, je la faisais fonctionner grâce à mon barbecue, je voulais vérifier que ce n’était pas un canular. J’ai bel et bien réussi à produire un peu de pétrole. »
La silhouette mince, la barbe indispensable et les yeux azur, brillant d’intelligence, Andy Lera n’est pas homme à laisser les choses au hasard. « Oh! je suis un spécialiste en un peu tout, j’ai fait quelques inventions… », répond-il modestement lorsqu’on lui demande quel est son métier de base. On n’en saura pas plus. Seulement que sa vie aura toujours tourné autour de l’environnement et de la Terre. Pour preuve, il a conçu et construit – littéralement – tout seul une maison tellement bien isolée que la facture de chauffage de deux mois hivernaux se montait à cent dollars!
Ainsi, son entreprise Rising Sun Innovations a réalisé une étude de faisabilité et a récolté les fonds nécessaires pour l’achat d’une machine auprès du gouvernement, du Fonds de recherche du Yukon et de la Société de recyclage P et M.
C’est désormais vers le recyclage du plastique que s’est tournée son attention. Ainsi, en septembre 2012, la société japonaise Blest reçoit une commande du Yukon pour l’achat d’une de ses NGV-200, un des modèles qu’elle propose. « J’ai passé un an à faire des tests, se souvient Andy. Désormais, elle est en phase de production. Mais il faut bien avoir en tête que c’est un projet-pilote. »
Bon, et comment ça marche? Par pyrolyse (soit la décomposition des éléments constitutifs par la chaleur). En fait, c’est aussi fastidieux que compliqué. Disons que ça ressemble un peu à la distillation de l’alcool avec un système complexe de refroidissement. En tous les cas, cela permet de traiter tous les plastiques, y compris ceux de piètre qualité (soit pour les spécialistes, les catégories 2, 4, 5 et 6) pour en faire du pétrole. Les chiffres sont aussi simples qu’alléchants : un kilogramme de plastique plus un kilowatt par heure électricité égalent un litre de pétrole synthétique brut. Et lorsqu’on saura que le litre de pétrole revient à trente cents (contre environ 65 sous pour le normal), on applaudira!
Ce type de produit est tout à fait adéquat pour chauffer un bâtiment, c’est d’ailleurs comme cela qu’on a chauffé tout l’hiver le bâtiment de P et M. Néanmoins, faute de raffinage, ce carburant n’est pas vraiment idoine pour être mis dans les moteurs sensibles de nos voitures. Cependant, Andy se targue d’avoir fait fonctionner son tracteur grâce à ce carburant « vert » mélangé à du diesel conventionnel. Il est donc encore un peu tôt pour parler de remplacement total du carburant automobile, mais les perspectives sont encourageantes.
Justement, à ce jour, la machine tourne à plein régime et permet de fabriquer environ 180 litres de brut par jour. La prochaine étape sera d’amplifier la capacité de la machine, et ensuite de raffiner le pétrole obtenu. En tous les cas, il ne serait pas étonnant de voir l’hiver prochain quelques bâtiments chauffés par ce moyen d’avenir.