Marie-Hélène Comeau
L’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon (YESAB) a déposé une ébauche d’un projet de remplacement des générateurs diesel usés du barrage de Whitehorse par un système fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL). C’est au tour maintenant du Conseil de la Régie des entreprises de service public du Yukon de faire connaître sa décision.
À cet effet, l’organisme Énergie Yukon rencontrait au début avril la Régie des entreprises de service du Yukon dans le but de présenter les retombées économiques positives d’un tel changement. Car, rappelons-le, cette dernière a été mandatée par le ministre de la Justice du Yukon, M. Mike Nixon pour procéder à un examen officiel du projet et pour présenter ses recommandations au plus tard à la mi-avril.
Toutefois, le projet est loin de faire l’unanimité au sein de la population et des groupes environnementaux yukonnais qui redoutent l’impact environnemental d’une telle décision. Car les conséquences d’adopter un système au gaz naturel liquéfié pourraient avoir des répercussions importantes à la fois au Yukon et à l’extérieur de ses frontières.
Le gaz naturel à tout prix?
Il y a plus de cinq ans, les méthodes d’extraction du gaz naturel se sont modifiées avec l’apparition de la fracturation hydraulique et le forage horizontal. Le prix du gaz naturel obtenu par cette nouvelle méthode d’extraction est plus que jamais avantageux comparé à celui du diesel, d’où l’explication de sa nouvelle popularité. Toutefois, son extraction entraîne des fuites de gaz importantes aux retombées environnementales néfastes, accélérant le changement climatique, auquel s’ajoute également la contamination des eaux souterraines potables.
« Dès que les coûts de transport du gaz pour son acheminement au Nord augmenteront, le gouvernement logiquement envisagera d’en faire alors l’extraction à partir du territoire même du Yukon avec les conséquences désastreuses qu’on connaît sur le réchauffement climatique et la contamination des eaux potables », s’inquiète Jean-Paul Pinard, intervenant lors des audiences pour la Société de conservation du Yukon. « Ce qui est toutefois le plus alarmant avec ce scénario est la dépendance qui serait alors créée envers l’énergie fossile. Il y a une urgence de réduire cette dépendance en se tournant dès maintenant vers l’énergie renouvelable », insiste-t-il.
Cette inquiétude est partagée par la population yukonnaise qui était au rendez-vous lors de la consultation publique informelle.
« Je ne soutiens pas le gaz naturel liquéfié. Je considère que ce n’est pas une solution viable pour le futur », a souligné Aubin Tuzlak en écho aux inquiétudes soulevées ce soir-là.
Rencontres avec la Société de conservation du Yukon
L’organisme d’État Energie Yukon désire utiliser le gaz naturel liquéfié pour répondre à la demande de production d’énergie du barrage de Whitehorse durant les grands froids d’hiver. Le système en place permet de produire environ 75 mégawatts alors que la demande en hiver grimpe jusqu’à environ 82 mégawatts. C’est pour combler cette différence que les génératrices sont nécessaires. Mais les turbines en place sont vieilles et désuètes, d’où la nécessité de les remplacer.
L’avocat expert en négociations des entreprises de services publics et de l’exploration des gaz, David Austin, s’est rendu au Yukon pour représenter la Société de conservation du Yukon lors des audiences formelles se déroulant en journée. Ce dernier a profité de la tribune pour soulever de nombreuses questions sur les solutions existantes au Yukon. Les structures déjà en place sur les terres des Premières nations pourraient en effet servir de solution pour combler la demande d’énergie. Toutefois, Énergie Yukon n’y fait aucunement allusion dans son discours. Questionné à ce sujet, David Morrison, directeur général d’Énergie Yukon a confirmé ne pas avoir étudié ce scénario, admettant du même souffle ignorer si les Premières nations étaient au courant de la possibilité de développer des pistes de solutions à partir de leurs ressources déjà en place.
La consultation se terminait le 2 avril dernier et les résultats seront connus le 15 avril. Dans l’éventualité que le projet soit accepté tel quel, la Société de conservation du Yukon n’a pas l’intention de baisser les bras.
« Si le Conseil de la Régie des entreprises de service public du Yukon accepte la proposition d’Énergie Yukon de changer les turbines usées pour celles fonctionnant au gaz naturel liquéfié, on devra alors retourner donner notre point de vue au YESAB. Ce dernier n’a déposé pour l’instant qu’une première ébauche de son étude sur l’impact environnemental », confie Jean-Paul Pinard.
Shell Canada se rétracte
L’organisme Énergie Yukon avait planifié s’approvisionner en gaz auprès de Shell Canada à son usine de Jumping Pound, en Alberta. Toutefois, la compagnie s’est tout récemment rétractée forçant Énergie Yukon à trouver une nouvelle source d’approvisionnement. L’achat se ferait donc à partir de l’usine de gaz naturel liquéfié de FortisBC à Delta, en Colombie-Britannique qui alimente depuis quelques années la communauté d’Inuvik. Les coûts liés à ce changement ne sont pas connus pour l’instant.