Marie-Hélène Comeau
Le projet de construction d’un nouveau terrain de camping est à l’origine d’un nouveau conflit entre la Première nation Tlingit de la rivière Taku et le gouvernement du Yukon. Un litige qui risque maintenant de se transporter en cour.
La Première nation Tlingit de la rivière Taku vient de déposer une poursuite contre le gouvernement du Yukon. Elle lui reproche d’avoir omis de la consulter adéquatement avant de prendre la décision de construire un terrain de camping situé au sein du territoire traditionnel des Tlingits le long de la route d’Atlin.
Le nouveau terrain de camping d’où origine le conflit sera construit sur la rive est du lac Atlin, juste au nord de la frontière avec la Colombie-Britannique. Il est situé au sein du territoire traditionnel revendiqué par les Tlingits de la rivière Taku et approuvé par le gouvernement fédéral en 1984 avec le soutien du Conseil des Premières nations du Yukon, mais dont le cas n’est toujours pas réglé. Un territoire, doit-on également préciser, qui est situé à cheval sur la frontière de la Colombie-Britannique et le Yukon.
Malgré tout, la Première nation Tlingit de la rivière Taku peut affirmer ses droits et titres dans la région. Le gouvernement du Yukon est ainsi légalement tenu de consulter la Première nation lorsque des décisions sont prises concernant l’utilisation de ce terrain. Pourtant, ce ne serait qu’en mars 2013, par le biais des bulletins de nouvelles que la Première nation a eu vent pour la première fois du projet qui allait avoir lieu à cet endroit.
En permettant la construction du terrain de camping, le gouvernement du Yukon porte ainsi atteinte aux droits et titre ancestral des Tlingits en violant son obligation légale de consultation. D’où la nécessité du dépôt de la présente poursuite.
Pourtant, le communiqué de presse émis par le gouvernement du Yukon en janvier dernier spécifiait qu’une consultation s’est bel et bien tenue avec les Premières nations de Carcross/Tagish et Tlingits de la rivière Taku. Cette consultation aurait permis de déterminer et de comprendre quelles étaient les préoccupations de ces dernières au sujet du projet.
À ce sujet, le porte-parole de la Première nation Tlingit de la rivière Taku n’a pu être joint au téléphone, alors que le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord responsable des ententes territoriales renvoie la balle au gouvernement du Yukon, et ce dernier ne veut émettre aucun commentaire.
« Le dossier est complexe puisque le terrain visé implique à la fois trois paliers gouvernementaux, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, territorial et la Première nation Tlingit de la rivière Taku », explique le porte-parole du gouvernement du Yukon, Dan Macdonald. « Pour l’instant, nous n’avons pas de commentaires à émettre, le gouvernement étudie en ce moment le dossier », ajoute-t-il.
Conseil Ross River
En 2011, un cas similaire avait forcé le Conseil Dena de Ross River à poursuivre en justice le gouvernement du Yukon dans une histoire de concession minière.
Le Conseil Dena de Ross River dont les revendications territoriales sont toujours en négociations avait avancé qu’il était tout de même du devoir du gouvernement de consulter les Premières nations avant de permettre à toutes compagnies d’y effectuer des travaux. Car, en permettant aux compagnies de s’y établir, la décision du gouvernement risque d’avoir des répercussions sur le processus de réappropriation légale des droits et titres des terres revendiquées.
La Première nation Dena Ross River a obtenu gain de cause devant les tribunaux. La Cour suprême du Yukon a statué qu’il était du devoir du gouvernement du Yukon de consulter les Premières nations, incluant celles dont les revendications territoriales n’étaient toujours pas signées. Une consultation est donc obligatoire avant d’accorder une concession minière à une compagnie ou de permettre l’exploration minière des lieux. Cette décision légale a d’ailleurs forcé le gouvernement du Yukon l’an dernier à apporter des changements à sa Loi sur les mines.
Malgré la conclusion de ce litige, l’histoire aujourd’hui semble curieusement se répéter. C’est au mois de mars 2013 que la Première nation Tlingit de la rivière Taku apprenait avec surprise le projet de construction d’un nouveau terrain de camping sur son territoire ancestral. Aucune consultation selon la Première nation n’aurait eu lieu, contredisant les allégations du gouvernement.
Et puisque l’histoire se répète, ce sera le même avocat qui a défendu le dossier du Conseil Dena de Ross River, Stephen Walsh, qui vient de déposer la poursuite au nom de la Première nation Tlingit de la rivière Taku.
Terrain de camping au lac Atlin
L’annonce officielle de la mise en branle du projet s’est faite en janvier dernier mettant ainsi le feu aux poudres. Le gouvernement du Yukon annonçait officiellement qu’un nouveau terrain de camping allait accueillir ses premiers campeurs dès 2015. Le projet dont les travaux commenceront au printemps va tenir compte des recommandations relatives à la faune, au patrimoine et à la pêche présentées à l’issue du processus d’évaluation, peut-on lire dans le communiqué de presse récemment émis par gouvernement.
« Nous désirons minimiser les impacts que le terrain de camping aura sur l’environnement et sur les gens qui habitent dans les environs », a déclaré le ministre de l’Environnement, M. Currie Dixon.
Les travaux d’aménagement des aires de camping, des abris-cuisine, des toilettes extérieures, des sentiers pédestres et d’une aire de jeu devraient commencer sous peu. Le projet de construction d’une rampe de mise à l’eau des embarcations est reporté jusqu’à ce qu’un plan de conservation des populations de poissons du lac soit arrêté.