Fred Lauk
À un peu plus d’un mois du retour vers son Québec natal où il est appelé par le diocèse, l’abbé Gosselin nous reçoit pour faire un bilan de ses douze années de mission à Whitehorse.
La première impression que l’on a lorsqu’on rencontre l’abbé Gosselin, c’est son humilité et son dynamisme. « Oh, tu n’as qu’à m’appeler Claude, comme tout le monde! Mais normalement, c’est monsieur l’abbé! », explique-t-il simplement avec un grand sourire.
Originaire du Québec où il a été ordonné prêtre au sein de l’ordre diocésain des Oblats, l’abbé Gosselin s’occupe du Comité francophone Saint-Eugène-de-Mazenod où il assure un service pastoral en français. Il s’occupe aussi de la Petite Pasto, un éveil religieux pour les enfants de deux à six ans qui a fait naître des groupes. « Tu sais, c’est un peu ça la métaphore de la multiplication des pains. » Les enfants ont une grande place dans la communauté, ils en sont le dénominateur commun.
« Je pensais venir pour bâtir, en fait, j’ai reçu », clame l’abbé Gosselin, jamais avare d’un bon mot, surtout lorsqu’il s’agit de la communauté. « Je m’émerveille de la présence de Dieu en eux. Parfois, je les aide à trouver la foi, je suis un peu un accoucheur de Dieu. »
En plus de ses missions eucharistiques de service religieux, éducation de la foi, écoute et accompagnement, le prêtre s’implique beaucoup dans la vie locale, notamment par l’intermédiaire d’un réseau d’entraide. Le mot oblat qui désigne la confrérie laïque à laquelle appartient l’abbé ne vient-elle pas du latin oblatio : don?
Envoyé en mission au Yukon il y a douze ans, le sympathique homme d’Église explique qu’il ne connaissait pas le territoire. « Comme pour beaucoup d’autres, le Nord, c’est le bout de la route. Il me fallait trouver une façon de vivre équilibrée entre prières et vie active. Et le Nord, c’est les deux. »
Ce contemplatif a su tirer profit des bienfaits de la nature
Cette nature tient une place importante dans ses activités : ski de fond, pêche, randonnée. « Il me faut garder l’humilité de ne pas m’approprier Dieu, car ici, il nous dépasse. » L’homme possède la réflexion et la modestie de celui qui sait écouter. « Tu sais, Dieu était au Yukon bien avant que j’arrive. » D’ailleurs lorsqu’une de ses ouailles a des questionnements quant à la spiritualité, il lui est arrivé de lui enjoindre : « Allez, va faire une montagne » et d’expliquer l’évident parallèle entre une randonnée et la foi : « Quand tu marches, au bout d’un moment, tu fatigues. Alors, tu regardes derrière toi et tu retrouves le courage qui te vient intérieurement, et tu continues de monter! Si tu veux parler, ce sont les montagnes qui t’écoutent. »
« Lorsque je suis arrivé ici, j’ai senti le vent de revendication culturelle de la part des francophones », explique le prêtre qui a fait passer le nombre de ses fidèles d’une demi-douzaine à plus de soixante. Une des missions de son prédécesseur était de sauver la langue. Son œuvre a su amener une pierre à l’édifice, les cartes qu’il envoie personnellement aux fidèles sont comme un lien avec eux, sans oublier notre journal qui lui a ouvert ses colonnes. « Mais je ne suis pas là pour donner des leçons. Si on veut des leçons, on va voir un prof! », explique joyeusement le prêtre qui ne parlait pas anglais à son arrivée.
Bientôt, ce seront les fidèles de la paroisse de Saint-Roch Saint-Sauveur de la ville de Québec qui profiteront de sa générosité et de ses bons mots.
Lorsqu’on évoque le départ de l’abbé, le champ lexical de la Nativité est remplacé par celui du deuil. « C’est comme partir de sa propre famille. » Début mars arrivera pour le remplacer le père Emmanuel, qu’il ne connaît pas. Pour sa part, Claude rentrera en ermitage dans une cabine pour partir du territoire en silence.
« C’est mon côté contemplatif. Tu sais, je ne suis pas arrivé au Yukon par les grands magasins, le Yukon c’est une maison : j’y suis entré par la nature, et quand c’est terminé, je pars avec la nature. Lorsqu’on se sent bien dans le Nord, on s’y sentira bien toute sa vie.
– Alors, tu y reviendras?
– Je ne partirais jamais! »
Et il éclate de son beau rire communicatif.
On souligne son départ
Près de 200 personnes se sont réunies le dimanche 19 janvier au sous-sol de la cathédrale Sacré-Cœur dans le cadre d’un souper fraternel pour souligner le départ de Claude Gosselin. Ce fut l’occasion pour ses paroissiens et ses amis de lui rendre hommage, mais surtout de passer du bon temps en sa compagnie. Monseigneur Gary Gordon, évêque de Whitehorse, était sur place. Des enfants ont chanté des chansons, accompagnés à la guitare et d’un diaporama retraçant le parcours yukonnais de Claude Gosselin.