C’est à Whitehorse que le premier ministre Stephen Harper a entamé lundi 19 août sa tournée annuelle du Grand Nord canadien.
Délaissant la question de la souveraineté nationale et de la présence militaire dans l’Arctique – un thème régulièrement exploité par le conservateur à l’occasion de ses huit précédentes tournées dans le Nord – la visite de M. Harper était cette fois résolument placée sous le signe du développement économique.
Loin d’être anodin, ce nouveau positionnement affirme une nouvelle fois l’intérêt du gouvernement pour les ressources minières et la manne énergétique que renferme le sous-sol du Yukon.
« À l’occasion de ma huitième tournée annuelle dans l’Arctique, je me réjouis à l’idée de parler aux gens du Nord de notre ferme engagement à défendre notre souveraineté, tout en investissant et en créant les conditions propices au développement économique, au perfectionnement des compétences et à la création d’emplois », a déclaré par voie de communiqué Stephen Harper.
Un Centre nordique d’innovation minière
À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 19 août aux ateliers Quantum Machine Works de Whitehorse, le premier ministre a annoncé qu’un investissement fédéral de 5,6 millions de dollars serait alloué sur quatre ans à la création d’un Centre nordique d’innovation minière (CNIM). Le gouvernement du Yukon participera au projet à hauteur de 5,5 millions de dollars.
Sous la houlette du Collège du Yukon, ce nouvel établissement doit aider les Yukonnais à acquérir les compétences nécessaires à l’obtention d’un emploi dans les florissants secteurs de l’exploration et de l’exploitation minière.
La construction du Centre sur le campus Ayamdigut devrait débuter au début de l’année prochaine, et durer environ trois ans. Les travaux devraient générer la création de 40 emplois.
« Notre gouvernement agit […] pour que les gens du Nord tirent le maximum des abondantes ressources naturelles que recèlent leurs territoires », a déclaré le premier ministre. « L’investissement de notre gouvernement dans ce nouveau centre vise à combler les pénuries critiques de main-d’œuvre auxquelles la région fait face, tout en offrant aux citoyens du Yukon et du Nord un meilleur accès à l’éducation et à la formation qui peuvent mener à l’obtention de très bons emplois. »
520 diplômes sur cinq ans
Établissement d’enseignement, de formation et de recherche, le CNIM formera notamment ses apprenants aux métiers d’opérateur d’équipement lourd, de mineur de fond, de mécanicien de chantier, d’électricien ou encore de soudeur industriel.
Selon le cabinet du premier ministre, le Centre effectuera également des travaux de recherche appliquée et de développement axés sur les difficultés spécifiques du Nord, afin d’accroître et d’améliorer la compétitivité du secteur minier du Yukon.
À l’heure actuelle, le Collège du Yukon possède déjà un simulateur de pilotage d’équipement lourd ainsi qu’une unité mobile longue de seize mètres destinée à assurer des formations relatives aux métiers de la mine.
Au cours des cinq premières années, le CNIM sera en mesure de diplômer 520 étudiants. Une partie de l’investissement de 5,6 millions de dollars sera par ailleurs destinée à la création d’une école de métiers mobile qui sera mise en œuvre dans les communautés et sur les sites miniers du territoire.
Activité minière en berne
Interrogé sur la fluctuation du cours des métaux et son influence sur la gestion des effectifs des trois grandes mines du territoire, Stephen Harper affirme que le fait de disposer d’une main-d’œuvre locale permettra de réduire le coût lié au transport des employés originaires de l’extérieur du territoire, et donc de garder les mines ouvertes et viables.
Selon lui, ce sont ces dépenses qui seraient principalement à l’origine de la vague de licenciements qui a frappé la mine Wolverine au mois de juin dernier. L’entreprise Yukon Zinc avait pourtant mis en avant la chute des prix du zinc et de l’argent pour justifier le fait de réduire sa production de 40 % et sa main-d’œuvre de 30 %. Pour les mêmes raisons, l’entreprise Alexco Resource avait également dû réduire ses effectifs.
Harper annonce la prorogation du Parlement
Le premier ministre a par ailleurs profité de sa conférence de presse à Whitehorse pour annoncer qu’il demandera prochainement au gouverneur général David Johnson la prorogation du Parlement. Ce processus entraînera la fin de la session parlementaire en cours, la fin des travaux des comités parlementaires et l’abandon des projets de loi actuellement à l’étude.
La prochaine session parlementaire s’ouvrira donc probablement au mois d’octobre sur un nouveau discours du Trône introduisant les nouvelles orientations du gouvernement pour la deuxième moitié de son mandat.
Plusieurs voix de l’opposition, dont celle du Thomas Mulcair, chef du NPD fédéral, se sont élevées pour dénoncer la volonté du premier ministre de se soustraire aux questions des parlementaires concernant notamment les dépenses douteuses de plusieurs sénateurs conservateurs.
Stephen Harper a également mis fin aux rumeurs en annonçant officiellement qu’il mènera les conservateurs lors des prochaines élections de 2015.« La réponse à la dernière question est, bien entendu, oui. Je suis en réalité déçu que vous ayez senti le besoin de me le demander », a-t-il ironiquement déclaré.
Au BBQ conservateur
La veille de son intervention, à l’occasion du barbecue de soutien au parti conservateur organisé à la ferme Northfork, à 25 minutes au nord de Whitehorse, le premier ministre avait annoncé que 84 des 100 promesses formulées lors de la dernière campagne électorale avaient été tenues. Le reste, a-t-il précisé devant un public conquis d’avance, sera accompli après le discours du Trône à venir.
À l’entrée du ranch, une bonne dizaine de militants tenus à l’écart des festivités s’étaient déplacés pour manifester leur opposition à la fracturation hydraulique du territoire. Une bonne partie des personnes présentes se réclamaient du mouvement Idle No More et exigeaient que la lumière soit faite sur plusieurs disparitions et décès de femmes autochtones au Canada.
Sur le terrain, aucune chance pour eux d’approcher le premier ministre au centre d’un impressionnant convoi de véhicules noirs et blindés traversant la campagne yukonnaise.