Lorsque André Côté et quelques camarades bénévoles se sont associés en 1981, ils n’imaginaient certainement pas qu’en l’espace de 30 ans, leur projet se muerait en un organisme structuré comptant plus de vingt salariés.
Après 18 ans d’absence – sa dernière visite remonte à 1995 –, le premier président de l’Association franco-yukonnaise (AFY) était de retour au territoire pour un séjour en famille.

André Côté (à droite) et son fils Normand sont venus avec leur famille visiter le territoire qu’ils ont quitté en 1983. André Côté a été le premier président de l’Association des francophones du Yukon. Photo : Thibaut Rondel
« Pas vraiment les bienvenus »
Arrivé au Yukon en 1974 « pour le travail », indique-t-il, le jeune homme de 28 ans travaillera près de dix ans à la mine Whitehorse Copper. La fermeture du site, en janvier 1983, sera pour lui synonyme de retour au Québec.
Au cours de son séjour, André Côté évolue dans un milieu majoritairement anglophone, et la nostalgie du pays ne tarde pas à le gagner. La politique québécoise n’arrange en rien la relation avec la majorité.
« Au milieu des années 1970, nous n’étions pas vraiment les bienvenus en dehors du Québec », se souvient-il. « Certaines personnes étaient même en froid avec les francophones. C’est pour cela que nous voulions nous regrouper, car l’union fait la force! »
En 1981, André Côté et quelques-uns de ses amis – Robert et Thérèse Nantel, Raymond Charbonneau – se lancent ainsi dans la création d’une petite association francophone. Selon lui, près de 3 000 d’entre eux vivaient à cette époque au Yukon, notamment à Dawson City.
« J’étais loin de ma place natale, le Québec, mais je savais qu’il y avait plusieurs personnes de langue française du Québec, du Manitoba, de l’Alberta », raconte André Côté. « J’ai le souvenir d’avoir commencé avec rien. Nous étions un groupe de cinq bénévoles qui parlaient de partir une asso pour rejoindre tous les Canadiens français du Yukon. C’était surtout pour être tous ensemble et participer à différents loisirs, comme la cabane à sucre ou la Saint-Jean-Baptiste… des activités qu’on faisait au Québec et qu’on voulait retrouver au Yukon! »
Voir plus grand
Trente ans plus tard, André Côté a encore du mal à réaliser l’évolution de la chose franco-yukonnaise. Invité par le service des communications de l’AFY à visiter les locaux de l’association, le premier président de l’organisme se montre à la fois fier et impressionné.
« Dans ma jeunesse, j’aimais m’amuser, mais j’avais aussi un côté sérieux et visionnaire, et j’avais déjà confiance dans le peuple canadien-français », raconte-t-il. « On voit qu’il y a eu une très belle continuité. Des personnes ont vu encore plus grand que nous, et cela prouve que nous sommes un peuple capable de faire avancer les choses. »
La diversification des services et l’ampleur prise par le projet initial ne permettent plus, selon lui, la comparaison d’une époque à l’autre. Pour André Côté, un nouvel arrivant canadien-français se sentirait aujourd’hui tout de suite chez lui.
« C’est incroyable de voir tout ce dont l’association peut s’occuper maintenant. Elle touche un peu à tout ce qui a rapport avec le français au Yukon, même recevoir des immigrants », lance-t-il.

André Côté et Angélique Bernard, actuelle présidente de l’AFY, dévoilent le cadre des portraits des 16 présidents qui se sont succédés à la tête de l’organisme depuis 1983. Photo : Thibaut Rondel
Le français comme seule règle
À l’origine de ce retour au Yukon, la volonté de son fils Normand de faire découvrir le territoire de son enfance à ses propres enfants. Bien qu’ayant grandi dans des écoles anglophones – l’école Émilie-Tremblay n’existait pas encore à l’époque –, Normand Côté se souvient qu’en dehors des classes, le français régnait en maître.
« J’étais à l’école élémentaire Christ the King, mais nous faisions toutes nos activités en français », raconte-t-il. « C’est la première fois que je reviens depuis que je suis parti à l’âge de 12 ans. Tout a beaucoup changé, mais je suis content de voir que les enfants de parents francophones peuvent poursuivre leur apprentissage de la langue. »
Même son de cloche chez André Côté. « Mes enfants ont grandi dans des écoles anglophones, mais chez nous, c’était français, et il ne fallait pas entendre parler un mot d’anglais dans la maison », affirme-t-il. « Si un enfant commençait à parler l’anglais, je demandais simplement “c’est quoi votre nom?” et il savait tout de suite… »
André Côté a donc été peiné d’apprendre que l’assimilation avait fait des victimes au sein des familles de quelques anciennes connaissances francophones restées au Yukon.
« J’ai appris que leurs enfants ne parlaient pas français », explique-t-il. « Un nom français, mais tu ne parles pas français… C’est leur décision, mais c’était bien différent chez nous! »
André Côté réside aujourd’hui dans un petit village situé à l’ouest de Val-d’Or, en Abitibi. Selon lui, il ne se passe pas une semaine sans qu’on y parle du Yukon.