Propos recueillis par Thibaut Rondel.
Justin Ferbey dirige la Carcross Tagish Management Corporation (CTMC), la division de développement économique de la Première nation Carcross/Tagish. À l’origine du projet commercial Carcross Commons, M. Ferbey a bien voulu répondre aux questions de l’Aurore boréale.
L’Aurore boréale : L’inauguration de Carcross Commons a eu lieu le 17 mai, mais la plupart des commerces ne sont pas encore opérationnels. Y a-t-il eu des retards?
Justin Ferbey : Il n’y a pas vraiment eu de retard. Tous les espaces étaient prêts à temps, et tous ont déjà été loués. Les commerces commencent à ouvrir, mais cela dépend maintenant des locataires. Le café Caribou est par exemple déjà ouvert, et la pizzeria de Frank Deramo devrait ouvrir cette semaine, peut-être également la galerie d’art.
A.B. : Quelles sont les conditions de location?
J.F. : Pour inciter les gens à lancer leur commerce, il fallait que les loyers soient très bas dès le départ. La location coûte 6 000 $ par an, soit moitié moins que pour un espace semblable à Whitehorse. Le contrat de location court sur trois ans, et si au bout de cette période, le commerce remporte le succès et planifie un développement sur dix ans par exemple, le loyer augmentera au fil du temps.
A.B. : Carcross Commons a été développé pour relancer l’économie locale, mais aucun nouvel exploitant n’est pourtant issu de la communauté…
J.F. : La première chose que nous avons faite a été d’ouvrir la maison Skookum Jim pour des entrepreneurs locaux. Maintenant, certaines personnes peuvent dire qu’elles sont déçues que les gens de la communauté n’aient pas loué les espaces, mais la réalité à Carcross est telle qu’il n’y a vraiment pas beaucoup d’entrepreneurs locaux qui sont en mesure d’ouvrir leurs propres commerces. Des gens savent certes faire tourner leur entreprise à Carcross, mais ce ne sont pas des commerces de détail [NDLR comme des sociétés de construction].
De notre côté, nous avions besoin de louer ces espaces, et en obtenir un était vraiment très facile, il suffisait de demander. Ce n’était pas non plus une course de vitesse, puisque l’espace abritant la galerie d’art a été loué seulement il y a deux semaines. Donc oui, nous avons trouvé des gens de l’extérieur pour occuper ces bâtiments. Idéalement, nous aurions voulu avoir des entrepreneurs locaux.
A.B. : Le projet va-t-il néanmoins créer de l’emploi dans la communauté?
J.F. : Ce que j’espère, c’est que les jeunes vont travailler pour leur employeur pendant quelques années, comprendre le fonctionnement de l’entreprise et lancer leur propre affaire par la suite. Dans ce genre de commerce, vous bénéficiez souvent du principe de mentorat. Vous travaillez pour votre patron, et après un bout de temps, vous voyez si vous arrivez à faire mieux!
A.B. : Un des objectifs du projet est de retenir les touristes plus longtemps dans la communauté. Cela passe-t-il par une sensibilisation des organisateurs de voyages?
J.F. : Nous avons actuellement un grand plan marketing pour Carcross, mais la communauté est une économie qui démarre, et cette année fait office d’expérience. Les gens ne savent donc rien de ce qui se crée ici, et il est donc bien normal qu’ils ne s’attendent pas à voir quoi que ce soit.
Il en va de même pour les chauffeurs de bus, car rien n’était là quand ils sont venus l’année dernière. Cette année, le monde va commencer à voir qu’il y a des choses à faire à Carcross Commons, des endroits où manger par exemple, et ce qu’on espère en fin de compte, c’est qu’ils resteront plus longtemps.
A.B. : Quelle est en résumé la stratégie économique de CTMC pour Carcross?
J.F. : Nous développons l’idée d’une nouvelle économie à Carcross. Notre stratégie n’était pas basée sur les touristes de passage en bus (NDLR Holland America, etc), mais sur la création d’un nouveau marché ciblant les jeunes, les sportifs et les touristes voyageant avec leurs propres véhicules.
La première stratégie était donc de développer les sentiers de vélo de montagne qui viennent de remporter une réputation mondiale. La deuxième était de développer un marché pour que les visiteurs puissent rester dans la communauté pour se détendre, faire des achats, prendre un café ou une bière. La troisième, c’était de se pencher sur l’hébergement, une fois que les deux premières stratégies auraient été établies. Et la quatrième était d’essayer de créer une économie active à longueur d’année.
A.B. : Quelles seront les prochaines échéances?
J.F. : Cet été, nous serons probablement OK pour le volet économique, mais en hiver, la population sera trop restreinte pour soutenir des activités d’affaire de masse. Nous pensons donc qu’il faut développer des propriétés riveraines dans le but d’augmenter la taille de la population, et nous essayons de développer une route qui mènerait jusqu’au lac Bennett, ainsi que des parcelles pour l’année prochaine. Nous pensons créer 70 propriétés sur les rives du lac, et si tout va bien, nous ouvrirons une maison modèle l’hiver prochain.