Avec un manque de spécialistes au Yukon, comme partout ailleurs au Canada, la maladie prend souvent du temps à être détectée. Au pays, il faut en moyenne attendre cinq ans pour obtenir un diagnostic, peut-on lire sur le site Internet de l’association EndoAct Canada, une organisation bénévole réunissant des personnes atteintes d’endométriose, des prestataires de soins de santé et des spécialistes en matière d’endométriose.
L’organisme bénévole Endométriose Québec propose quelques raisons possibles à ce délai : la maladie touche plusieurs tabous, comme les règles et les douleurs qui y sont associées et le manque de formation de certains médecins et gynécologues à diagnostiquer l’endométriose. Le diagnostic est souvent aussi difficile à poser, notamment parce que chaque personne est affectée différemment, mais également parce que les symptômes sont nombreux et souvent attribués à d’autres maladies.
Un diagnostic souvent posé par hasard
Pour Amélia Koeppel, Française arrivée au Canada en 2014 et au Yukon en 2020, le verdict est tombé le 7 janvier 2022 : « Non pas parce qu’on cherchait les causes à mes douleurs chroniques, mais parce qu’on cherchait les raisons à ma difficulté à tomber enceinte. »
Début décembre 2021, lors d’une hystérosalpingographie, un examen permettant de visualiser l’appareil reproducteur féminin grâce à un produit de contraste, la femme âgée de 34 ans apprend que ses trompes de Fallope sont complètement bouchées. Une laparoscopie est alors programmée pour en connaître les raisons. L’intervention chirurgicale a été sans appel : Mme Koeppel souffrait d’une endométriose de stade 3 (sur 4).
L’impression de ne pas être comprise
À partir de ce moment-là, tout s’est éclairé pour elle : « J’avais des douleurs chroniques au dos qui se sont accentuées ces deux dernières années, m’empêchant même de courir. Je souffrais d’incontinence. J’avais très souvent le ventre gonflé. Ce sont tous des symptômes de l’endométriose! Et j’ai compris que cela faisait 20 ans que je vivais avec sans que personne ne croie mes douleurs. »
La jeune femme a en effet consulté plusieurs fois le service des urgences de l’Hôpital général de Whitehorse pour des douleurs insoutenables avec toujours la même conclusion : des résultats d’examens médicaux normaux, une prescription d’antidouleurs et des étirements à faire.
« Je viens de faire ma déclaration d’impôts pour 2021, ajoute-t-elle, et j’ai dépensé plus de 5 000 $ en frais de massothérapie diverse afin de m’aider à soulager mes douleurs! » On peut d’ailleurs lire sur le site d’EndoAct Canada que l’endométriose coûte 1,8 milliard de dollars par an à l’économie canadienne.
Une action politique pancanadienne
EndoAct Canada cherche donc à susciter une action gouvernementale, notamment afin d’obtenir davantage de financements « pour que toutes les personnes atteintes au Canada reçoivent les bons soins, au bon endroit et au bon moment ».
Dans la veine des actions de l’organisation pancanadienne, Amélia Koeppel a demandé une entrevue avec le Dr Brendan Hanley, membre du Parlement canadien pour le Yukon, afin de le sensibiliser à la cause et pour qu’il puisse apporter le sujet à Ottawa. Elle croit que le Dr Hanley, en tant que membre du comité permanent de la santé, pourrait être un bon porte-parole.
Des soins à l’étranger?
Mme Koeppel envisage de consulter des spécialistes dans son pays d’origine lors d’un prochain voyage pour une prise en charge plus rapide de sa situation. La France semble en effet avoir une longueur d’avance sur le sujet.
Le président Emmanuel Macron a lancé une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose le 11 janvier 2022. Un mois plus tard, une entreprise lyonnaise, Ziwig, et le Collège national des Gynécologues et Obstétriciens Français annonçaient la mise au point d’un test salivaire qui pourrait révolutionner le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose.
Selon Amélia Koeppel, il faudrait que l’endométriose soit détectée le plus tôt possible. « Dès qu’une adolescente a ses règles, il est possible de savoir si elle sera sujette à la maladie. Comme le test de Papanicolaou pour le cancer du col de l’utérus, un diagnostic précoce de l’endométriose permettrait de prévenir les douleurs chroniques. La cause a besoin de plus de financement pour continuer les recherches », conclut-elle
L’endométriose en bref
L’endométriose est une maladie gynécologique liée à la présence de tissu similaire à l’endomètre (la muqueuse qui tapisse la paroi interne de l’utérus) hors de l’utérus. Ce tissu, peu importe où il se trouve dans le corps, réagit aux fluctuations hormonales du cycle menstruel de la femme.
Lorsqu’il n’y a pas fécondation, l’endomètre présent dans l’utérus de la femme se décompose et s’évacue : ce sont les menstruations. Par contre, les tissus situés à l’extérieur de l’organe reproducteur n’ont aucune issue vers l’extérieur, causant des irritations ou des inflammations menant à des douleurs anormales.