Les députés du Comité permanent des langues officielles sont tombés d’accord à l’unanimité à trois reprises, en faveur de causes qu’ont à cœur les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM), lors de la séance du 10 mars.
Demandée depuis des années par les organismes francophones minoritaires, la première avancée concerne la négociation de clauses linguistiques pour les CLOSM, lors d’ententes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Cette proposition de la néo-démocrate Niki Ashton a été adoptée à l’unanimité. « Le gouvernement fédéral ne pourra plus oublier les minorités linguistiques du pays [avec cet amendement, NDLR] », a soutenu la députée.
Néanmoins, son collègue indépendant Alain Rayes a fait remarquer que même avec cette mesure néo-démocrate, la négociation des clauses lors d’un accord n’en devenait pas pour autant imposée au fédéral.
« Il s’agit souvent de la compétence des provinces et territoires, a développé Julie Boyer, sous-ministre adjointe des Langues officielles au ministère du Patrimoine canadien. Toutefois, ça crée une obligation systémique d’en discuter ».
Le sujet des clauses linguistiques est sensible notamment pour la Fédération des francophones de Colombie-Britannique (FFCB) qui s’est battue devant les tribunaux contre le gouvernement fédéral à ce sujet.
Le 2 mars, la Cour suprême a assuré qu’elle refusait d’entendre la cause de la FFCB, ce qui a mis fin à un combat judiciaire de plus d’une décennie.
Assurer la construction d’écoles pour les minorités linguistiques
Autre amendement d’importance pour les francophones en situation minoritaire : la prise en compte, par les ministères et institutions fédérales, des besoins des minorités francophones ou anglophones de faire construire des écoles sur des terrains immobiliers fédéraux excédentaires.
Le député acadien de la Nouvelle-Écosse Darrell Samson, auteur de cet ajout au projet de loi, a également inscrit avec ses collègues libéraux l’impératif que le fédéral consulte les communautés linguistiques « ou autres intervenants, notamment les conseils et commissions scolaires » sur leurs besoins de construction d’écoles.
« Il y a 600 000 élèves potentiels [d’âge scolaire et admissibles à l’instruction dans la langue minoritaire, NDLR] dans les écoles à travers le Canada. C’est bien beau, mais il y a plus de vingt ans d’attente pour la construction d’écoles. Ils ont le droit à l’éducation, mais n’ont pas de terrain! C’est crucial que le gouvernement fédéral puisse appuyer les minorités sur cette question », a soutenu avec émotion Darrell Samson.
Le député en a profité pour illustrer ce besoin à travers son expérience d’ex-surintendant des écoles du Conseil scolaire acadien provincial, le seul conseil scolaire francophone de la Nouvelle-Écosse.
La proposition libérale a été appuyée par les conservateurs et le NPD, mais pas par le député du Bloc québécois, Mario Beaulieu.
Consensus sur le renforcement des mesures positives
Un autre amendement du NPD a fait l’unanimité sur le renforcement des mesures positives pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, dans le projet de loi C-13.
Qu’est-ce qu’une mesure positive?
Il n’y a pas de définition exacte, mais l’article 41 de la Loi sur les langues officielles précise trois critères : « […] Le gouvernement du Canada s’engage :
- à favoriser l’épanouissement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada;
- à appuyer leur développement;
- à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. »
Ces mesures figurent à la partie VII de la Loi.
Bien que le concept existe déjà à l’article 21 du projet de loi C-13, l’idée de la proposition néo-démocrate est d’atténuer les effets négatifs potentiels de certaines de ces mesures, comme dans le cas qui opposait la Fédération des francophones de Colombie-Britannique et le ministère d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) en 2021.
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, avait illustré par communiqué, dans la foulée de ce jugement : « Les institutions fédérales devront désormais prendre des mesures positives déterminées pour chacune de leurs décisions ou initiatives. Plus particulièrement, elles devront […] prendre des mesures pour pallier les effets négatifs de leurs programmes ou initiatives sur ces communautés. »
« Avec cet amendement, la mesure positive aurait des résultats positifs qui pourraient bénéficier à la communauté minoritaire de façon égale à la majorité », a précisé Julie Boyer, de Patrimoine canadien.
Rétablissement du poids démographique des francophones en situation minoritaire
Les membres du Comité se sont aussi prononcés à l’unanimité sur « le rétablissement et l’accroissement du poids démographique des minorités francophones », un amendement déposé par la libérale Arielle Kayabaga.
Comme la proposition libérale laissait supposer que le fédéral avait le choix de rétablir ou non le poids démographique, les conservateurs l’ont renforcée en faisant inscrire que le gouvernement devait « assurer le rétablissement et l’accroissement démographique ».
Le Comité permanent a repris ses travaux le mardi 21 mars, après la semaine de relâche parlementaire.