Cécile, quand et comment avez-vous intégré l’équipe du journal?
J’ai commencé quelques mois après les débuts. Je crois que j’ai rejoint l’équipe en octobre 1983. Je faisais des illustrations, un peu de relecture, un peu de rédaction. On faisait tous un peu de tout, à vrai dire!
Pourquoi avez-vous voulu vous impliquer pour cette publication?
Parce que dans l’équipe, c’était des gens formidables! Des gens ouverts, qui avaient la cause [de la francophonie] à cœur. Et aussi, ça rassemblait deux de mes passions. L’écriture. J’ai toujours aimé écrire. Et aussi, j’étais formée en graphisme, donc j’ai pu mettre ça au service du journal, et avoir l’impression de construire quelque chose.
Comment ça se passait, à l’époque, pour fabriquer le journal?
Au début, on faisait tout à la photocopieuse. On est passé sur du papier journal en 1986. Et c’est là qu’on a commencé à imprimer avec le Yukon News.
Un autre tournant, c’est quand j’ai eu accès à un ordinateur. C’était un IBM. Les articles étaient tapés à la machine, je les recevais puis je les tapais à l’ordinateur. Ensuite c’était transféré sur une disquette souple (floppy disc) qu’on apportait au Yukon News. Ils nous imprimaient alors les articles sur des longues bandelettes de papier, sur une seule longue colonne. Ils nous remettaient aussi les cartons sur lesquels on devait faire la mise en page. Donc pour un journal de 12 pages, on recevait 12 cartons.
C’est là que le travail était complexe. Il fallait juger, selon le nombre de mots, comment on allait découper cette bandelette et la placer sur notre carton. Au début on utilisait un petit fusil à cire pour coller les textes sur le carton. C’était l’enfer cette affaire-là! Et ensuite, on a acheté une cireuse. Ça, c’était la Cadillac!
Et puis, on laissait la place pour le titre, et on plaçait les autres articles. Une fois que tous les articles avaient été mis en colonnes, on retournait au Yukon News, qui mesurait l’espace libre et nous faisait les titres avec une titreuse. Puis on retournait les coller. Ça prenait beaucoup de minutie!
Est-ce que c’était compliqué de travailler avec le Yukon News, en anglais?
Non, car le propriétaire du Yukon News (Dave Robinson) avait laissé son entreprise à son fils, Steven Robinson, qui était bilingue. C’était super facile de travailler avec eux et ils étaient très pro-francophones. Ils étaient vraiment gentils et m’ont beaucoup aidée lors de mes nombreuses visites impromptues à mes débuts!
Et pour les photos, quel était le processus?
Ah ça, c’était la cerise sur le gâteau! Il fallait faire « tramer » les photos. C’est un processus qui dissèque l’image en points ou en ligne pour avoir des nuances de gris.
Il nous fallait des photos en noir et blanc, mais personne en ville ne développait du noir et blanc. Alors on utilisait des pellicules (InformXP) qui étaient un semblant de noir et blanc, c’était un peu rosé. Donc on prenait les photos, puis il fallait les faire développer en ville (ça pouvait prendre jusqu’à une semaine avant de voir les photos!) et enfin on pouvait les choisir. Ensuite, il fallait les apporter au Yukon News, on leur disait sur quel nombre de colonnes on allait utiliser chacune des photos, et eux, ils les tramaient. Puis ils nous les remettaient, on repartait avec, et on allait les placer sur nos cartons et on ajoutait la légende.
On était un mensuel, mais on ne pouvait pas prendre de photos au-delà de la deuxième semaine, après ça il était trop tard! S’il y avait une remise de diplôme la troisième semaine, on ne pouvait pas avoir de photo, alors on faisait seulement un article. Les embûches de temps étaient vraiment multiples!
Quand est arrivée la technologie informatique?
L’ordinateur Macintosh est arrivé en octobre 1988, et là, tout a changé! J’ai développé une maquette.
On a quand même gardé le même modèle de travail. On montait le journal sur l’ordinateur, avec le logiciel Page Maker. L’avantage, c’est qu’on pouvait corriger les fautes jusqu’à la dernière minute. Notre date de tombée était beaucoup plus proche de l’impression.
On l’imprimait en format tabloïd, puis on collait chaque page sur les cartons et on les apportait au Yukon News, qui nous les imprimait. On devait quand même apporter nos journaux. On avait essayé de les envoyer en PDF, mais il y avait beaucoup de choses qui se transféraient difficilement. Notamment les accents ou les signes comme le $. Il y avait plein d’accrochages, alors on a continué d’apporter nos pages sur des grands cartons, qu’on cirait.
On a utilisé ce système jusqu’en 2013, jusqu’à ce que le Yukon News soit acheté par Black Press. Ensuite, on a pu envoyer nos journaux en impression en format PDF. Mais ça, c’était après que je sois partie à la retraite.
Comment imagines-tu le journal dans dix ans?
Maintenant, tout est explosé! Je n’ai aucune idée! Les choses changent vraiment vite. Je me souviens quand on m’a parlé des tablettes, je pensais que c’était de la science-fiction, mais c’est arrivé dès l’année d’après!
Une chose est certaine, je pense que le journal a de l’avenir, car, contrairement aux médias sociaux, un journal papier, c’est quelque chose qui est redevable à sa communauté, ça laisse des traces. Mais est-ce que le format papier va pouvoir continuer… Je ne sais pas, je l’espère.
Je pense que le mouvement va augmenter vers l’individualisation des fils de presse. Mais on verra!