Mis en place pour la première fois en 2003 sous l’ex-premier ministre libéral Jean Chrétien, cette « Feuille de route » devenue « Plan d’action pour les langues officielles » finance divers programmes dédiés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
« Un Plan d’action pour les langues officielles est un outil d’action publique qui donne des orientations aux fonctionnaires. » C’est en ces termes que Linda Cardinal, professeure à l’Université de l’Ontario français (UOF), définit la nature de cette pièce qui constitue « un coup de pouce à la Loi » sur les langues officielles. Une manière de mettre en œuvre des actions à entreprendre pour réaliser les objectifs de la Loi.
Les quatre Plans d’action, deux conservateurs et bientôt trois libéraux jusqu’ici, ont attribué des fonds pour des secteurs de la francophonie tels que la santé, l’accès à la justice, la culture, l’immigration, le postsecondaire et la petite-enfance.
Les langues officielles, une opportunité de développement social
Le premier Plan d’action 2003 – 2008 s’insérait dans les orientations du gouvernement et prévoyait des programmes de financement gérés par Patrimoine canadien (PCH).
L’un des exemples qui illustrent cette volonté d’investir dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) est la création du Consortium national de formation en santé (CNFS). Sous l’égide de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), le Consortium, qui existe encore en 2022, a pour mission « d’accroître le nombre de professionnels [de la santé, NDLR] francophones dans les communautés en rendant les programmes de formation existants plus accessibles », assure le document.
C’est à travers ce type d’initiatives que Linda Cardinal voit que Stéphane Dion « est arrivé avec un projet ». Dans le préambule, celui qui est à l’époque président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales sous Jean Chrétien veut « remettre les langues officielles au centre du projet national canadien » dans une perspective de développement social.
Cette volonté est arrivée après « un ensemble de compressions budgétaires au pays qui affectait la cohésion sociale. Il y avait besoin d’investissements. On parlait de mondialisation, on voulait investir dans des domaines importants pour accroître la productivité du pays. Les langues officielles passaient un peu à la trappe dans tout ça », précise Linda Cardinal.
Pour éviter que les CLOSM ne soient marginalisées, le gouvernement investit dans les groupes communautaires. « Ils ont ainsi eu des moyens, pour qu’ils puissent mieux revendiquer leurs volontés auprès des provinces, compétentes dans le domaine du développement social », rappelle la politologue.
Pas d’établissements en immigration sans Plan d’action pour les langues officielles
Au fil des différents Plans d’action, des services d’établissement se sont développés et multipliés pour les immigrants. Ainsi, les immigrants francophones peuvent bénéficier de ces services en français dans chacune des provinces et territoires.
Financement de projets culturels en français
Dès 2008, des fonds sont alloués plus spécifiquement au secteur des arts et de la culture en français. Dans le Plan d’action 2013 – 2018, sous Stephen Harper, le Fonds d’action culturelle communautaire (FACC) a permis de financer « près de 200 projets au Canada, surtout dans les collectivités rurales, dans des disciplines variées (théâtre, chanson, musique, arts, arts médiatiques, littérature, patrimoine, etc.) » au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Conservé dans le Plan d’action 2018 – 2023 de Mélanie Joly, ce Fonds a été doublé, de 11,2 millions $ pour totaliser 21, 2 millions $.
Un grand « fourre-tout »
Dans les années suivantes, Linda Cardinal assure que le Plan d’action est devenu une « espèce de fourre-tout dans lequel on mettait tout ce qui appartenait aux langues officielles ».
Sous les conservateurs, le document a pris une direction économique. « Là, il fallait démontrer que le français avait une valeur ajoutée au pays », observe la chercheuse.
Par exemple, le Plan d’action de 2008 – 2013, le premier adopté sous Stephen Harper, a créé le Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (FH-CLOSM). Cette enveloppe de 69 millions $ a appuyé le développement de l’économie et du marché du travail des communautés en situation minoritaire.
Le Fonds s’est étoffé dans le Plan d’action 2013 – 2018, pour améliorer « l’accès communautaire aux programmes, réseaux, services et projets de développement économique dans des secteurs comme la rétention des jeunes, l’intégration au marché du travail et la création d’emplois, ou encore développement de compétences améliorant l’employabilité […] ».
Selon Linda Cardinal, le Plan d’action de Mélanie Joly [2018 – 2023, NDLR] s’est inscrit dans la continuité des autres plans : « Il n’y avait pas de vision nette comme le Plan de Dion, mais il y avait une volonté d’investir. Il y avait aussi l’objectif d’accroître l’apprentissage des langues, de favoriser l’immersion, de créer plus d’engouement pour l’apprentissage du français. »
Mélanie Joly a en effet ajouté près de 500 millions $ sur cinq ans au financement permanent de 2,2 milliards $ annoncé dans le Plan de 2008.
Selon la professeure de l’UOF, c’est le Premier plan d’action de Stéphane Dion qui a eu un véritable succès.
« Peut-être aussi celui qui s’en vient [en 2023], croit-elle. Les autres Plans, c’est plus mitigé, car leurs évaluations restent floues. Aussi, les objectifs mesurables sont très peu nombreux. Il ne faut pas que l’action du Plan soit déconnectée du reste de l’action gouvernementale. Là est tout l’enjeu : comment on intègre cette action à l’ensemble de l’action gouvernementale? »