Anthony Boisvert
Je me souviens vraiment bien de mon arrivée à Whitehorse, en voiture, début septembre 2016. Pour n’importe quel amateur de plein air, la première impression est charmante! N’importe qui qui a fait le trajet comprend. Descendre Robert Service, vue sur le fleuve Yukon et Grey Mountain, avec une belle piste cyclable à droite. Une image qui m’avait personnellement marqué.
J’étais venu pour un court séjour. Cette première année-là, j’ai essentiellement apprécié tout ce que ce coin de soi-disant pays a à offrir : randonnées, feux entre ami.e.s, aurores boréales et karaoké toutes les fins de semaine. Comme beaucoup, lors de mon départ du territoire, j’ai quitté avec un fort désir de revenir.
Petit passage pavé d’examens et d’une nouvelle dépendance au café, je suis ensuite revenu de façon un peu inattendue pour compléter un stage d’un an en travail social (deux mots que j’associe toujours difficilement). Outillé comme un charpentier qui achète ses outils au Dollorama (ça pourrait être le sujet d’une autre lettre…!), j’ai repris la même descente sur Robert Service en 2019. Rien n’avait changé. Même image. Même sourire.
Cette deuxième année, j’ai appris à connaître Whitehorse et le Yukon sous un angle différent. Ce que je vais dire va sembler assez évident pour plusieurs et je le dis humblement : travailler dans le domaine de l’intervention m’a donné un électrochoc face aux multiples problèmes sociaux et leur sévérité respective.
Pas que je doutais nécessairement de leur présence ; ce sont de tristes réalités qui sont nommées chaque semaine dans l’actualité. Mais j’avais certes une mauvaise conception du mot crise.
Crise du logement. Crise des opioïdes. Crise d’accessibilité aux soins en santé mentale. Crise au niveau de la violence envers les femmes. Crise de pauvreté. Crise au niveau des ressources disponibles dans la communauté. Crise des crises.
La liste était et est toujours longue. Pour moi, Whitehorse est un peu comme cette nouvelle maison que tu visites en étant complètement épaté dès le premier coup d’œil. Puis, après quelques semaines à vivre à l’intérieur, les bobos sortent : la tuyauterie est finie, l’isolation est à refaire, l’électricité n’est pas aux standards du jour et le toit coule.
Mon point ici n’est pas de dire que Whitehorse n’a rien de bon à offrir. Au contraire, j’ai toujours vu cet endroit comme un milieu où les opportunités et les bonnes idées pleuvent! Il faut cependant garder en tête que cette belle maison ne nous appartient pas et que l’on connaît l’historique derrière les dommages causés et en cours.
Pour 2022, je nous souhaite de pouvoir manger ensemble dans cette maison. Un souper pendant lequel on écoutera enfin plutôt que de parler toujours trop fort. Un souper pendant lequel on pourra parler de nos forces et de nos faiblesses mutuelles dans le respect. Un souper pendant lequel les gens concernés pourront nous guider vers une réelle décolonisation de nos institutions et nous parler des solutions. Comme dessert, je nous souhaite de pouvoir enfin couper la tarte de façon égalitaire et équitable.
Et à la fin de la soirée, j’espère profondément que tout le monde pourra repartir chez soi avec un p’tit restant.
Bonne année 2022 à tous et à toutes.