Yves Lafond
En tant qu’enfant, de toutes les histoires qui nous sont contées, sûrement que celle de Noël est une des préférées. Peut-être est-ce parce que tous autant que nous sommes, grands comme petits, nous faisons tous partie de cette réalité où la magie se mêle allègrement sans que personne ne la remette en question.
Ou est-ce à cause de toutes ces décorations et ces lumières couleur bonbon qui envahissent la ville et les maisons? Il y a bien sûr ce message de paix des gens de bonne volonté qui est là pour de bonnes raisons.
Mais les enfants ne sont pas dupes. Ils le savent bien qu’en réalité ce sont eux les vrais jubilés. À preuve, le soir du grand soir, on n’a qu’à regarder sous le sapin pour constater que la majorité des cadeaux leur est réservée.
Autre preuve, ce sont les adultes qui doivent se démener comme des condamnés pour s’assurer que tout soit prêt pour la grande soirée. À part fabriquer quelques décorations à l’école à ramener à la maison, les enfants n’ont presque rien à préparer.
Et comme ces tâches prennent la plupart du temps la place des mathématiques ou du français, on ne peut pas appeler ça de grands sacrifices. Ça fait partie des joies de préparation. Il y aura bien sûr la soirée du réveillon où on devra bien s’habiller de vêtements propres et quelque peu inconfortables ; mais à part ça, rien de trop ardu.
Ah! oui, j’oubliais : pour mettre toutes les chances de notre côté, il ne faut pas oublier d’avoir envoyé quelques semaines à l’avance sa lettre au père Noël pour lui faire part de notre liste de souhaits de cadeaux.
C’est justement sur ce dernier point que j’aimerais attirer l’attention des tout-petits. Il est difficile de s’imaginer à quel point parfois certaines traditions qui sont en apparence farfelues peuvent s’avérer d’une grande clairvoyance.
Cette histoire que je m’apprête à raconter m’a été rapportée par une connaissance en qui j’ai la plus grande confiance. À part les dates, les noms, quelques faits et quelques détails ici et là pas assez colorés, je peux vous assurer que pour le reste, c’est la stricte vérité.
L’histoire commence dans cette campagne, il y a fort longtemps. Louis-Paul, huit ans, avait emménagé au cours de l’été précédent avec son petit frère Claude, six ans, et leur mère dans cette nouvelle maison. Ce déménagement avait impliqué un changement d’école aussi.
Tout ne se déroulait pas toujours comme sur des roulettes. Louis-Paul était souvent contrarié par un motif quelconque. De nature exubérante, il avait tendance à exprimer ses désaccords de manière on ne peut plus explicite. Ça se traduisait la plupart du temps par de hauts cris accompagnés de brusqueries contre des chaises ou son frère. Le tout avant de se renfrogner juste se renfrogner, sans ne plus émettre un seul son.
Il est vrai qu’il y avait eu beaucoup de nouveautés dans sa vie depuis quelque temps. Il lui était difficile de naviguer dans cette mer d’inconnus. Une nouvelle maison, une nouvelle école, de nouveaux amis.
Parlons-en, des nouveaux amis : ils n’avaient pas été longs à découvrir qu’il était facile à faire choquer, alors ils en profitaient autant qu’ils le pouvaient. À cause de ses réactions disproportionnées, il était devenu rapidement la tête à claques de la cour de récréation.
Mais ce qui était encore plus rigolo était de le voir en classe sursauter dans les airs en hurlant des insanités après quelques petits coups de crayon pointu bien placés dans les côtes ou dans le fessier. D’autant plus que c’était lui qui attirait l’attention et recevait la retenue. Hilarant.
À ses yeux, des élèves au directeur en passant par l’institutrice, il y avait chez tous un consensus : Louis-Paul était un enfant déplaisant et méchant.
Alors quand vint le temps d’envoyer la liste de cadeaux au Pôle Nord, il n’est pas surprenant qu’il ait commencé sa lettre ainsi : « Père Noël, je sais que je ne mérite aucun cadeau cette année parce que je ne suis pas une bonne personne. Mais si jamais tu veux bien m’en envoyer un ou deux, j’aimerais bien recevoir… » Et venait ensuite cette liste de cadeaux désirés.
On comprendra facilement que les quelques tristes mots écrits dans sa lettre n’étaient que le pâle reflet de la souffrance et du chagrin accablant son cœur et son âme.
Heureusement qu’il y a un père Noël qui est toujours touché par ces enfants à la mine basse. Comment s’y prend-il pour remettre de la joie dans ces cœurs fragiles? Un grand mystère. Mais à voir comment il s’y est pris pour chasser la tristesse de Louis-Paul, ça prouve qu’il a plusieurs tours dans son sac.
Quand vint le soir du grand soir, la maison était pleine à craquer de gens et de victuailles, et – évidemment – de cadeaux débordant de chaque côté du sapin. Il y en avait pour tous les goûts, de toutes les grosseurs et de toutes les couleurs. Entre les Nintendo et les Lego s’étaient discrètement glissés de manière anonyme un petit radio et un drôle de microphone en plastique rose et jaune.
Au cours des jours suivants, pour accompagner la construction de châteaux en Lego, Louis-Paul eut l’idée de syntoniser sa nouvelle radio à un poste de musique classique. Ça l’apaisait. De la musique de chevaliers, qu’il disait.
Puis son attention fut attirée par le microphone qui traînait sur le bord d’une fenêtre depuis le réveillon. Il l’essaya pour entendre comment ça sonnait. Il aimait le son qu’il produisait. Mais s’il chantait un peu plus haut cette chanson et un peu plus bas cette autre, il chanterait dans le bon ton à tous les coups. Il devait pratiquer ; ce qu’il fit, sans jamais se fatiguer.
Sans s’en apercevoir, sa voix éloquente et sa personnalité débordante serviraient enfin à autre chose qu’à attirer les réprimandes. C’était comme si chaque note s’envolait en scintillement. Il se transformait peu à peu.
Graduellement, il découvrit la joie. Non seulement elle ne lui était plus interdite, mais il en avait tellement qu’il pouvait en donner à tout le monde. Dans sa voix, il venait de découvrir sa voie.
Aujourd’hui, on le retrouve sur les plus grandes scènes du monde. Épée à la main, sa personnalité toujours aussi flamboyante illumine ces costumes grandioses et sa voix tonitruante fait vibrer les colonnes des temples. Alors, tout-petits, n’hésitez pas à vous confier au père Noël quand vous lui écrirez. Peut-être vous offrira-t-il un cadeau apte à changer votre destinée.
Joyeux Noël à tous.