Journalistes en herbe
La classe de 10e année du programme en français FACES (French Achievement, Challenge, Environment and Stewardship) de l’École Wood Street a fait deux longs voyages cette année : l’un à vélo, l’autre sur la rivière Teslin.
Lors de ces voyages qui les ont menés à Atlin, Hootalinqua, Carcross et autres endroits, les élèves ont fait de nombreuses rencontres passionnantes.
À leur retour, les élèves ont invité l’Aurore boréale pour obtenir quelques conseils d’écriture journalistique et la journaliste Laurie Trottier s’est rendue en classe pour initier les élèves aux notions fondamentales du journalisme. Elle les a invités à rédiger leurs propres textes, permettant ainsi aux jeunes de se mettre dans les souliers de journalistes et de vivre une expérience unique.
Dans cette série que vous pourrez suivre à travers les prochaines éditions, nous publierons quelques-uns des meilleurs textes proposés par la classe. L’objectif, pour l’équipe du journal, était d’initier les jeunes à l’importance du journalisme communautaire et de leur présenter une carrière que nous jugeons accessible, passionnante et essentielle pour le relais de l’information.
Chaque journaliste en herbe dont le texte est publié a reçu une rémunération symbolique.
Pour cette deuxième publication, les élèves nous invitent à découvrir l’écosystème fragile des sources d’eau tiède d’Atlin.
Atlin : des sources d’eau tiède remplies de vie
Stella et Robyn Mueller
Une nouvelle perspective sur la flore et la faune de la source d’eau tiède près d’Atlin. Notre classe a fait une visite écologique avec Alex DeBruyn à la fin de septembre.
C’était une belle journée ensoleillée d’automne quand la classe FACES de l’École Wood Street est allée à vélo visiter les sources d’eau tiède près d’Atlin, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Cette petite piscine naturelle d’eau tiède se déverse en plusieurs ruisseaux vers la forêt et dans Warm Bay, dans le lac Atlin. Alex DeBruyn, biologiste et écologiste qui a fait sa maîtrise en étudiant les relations entre les animaux des sources d’eau tiède d’Atlin pendant trois ans, a répondu à nos questions.
Avec beaucoup d’entrain, il nous a expliqué cet écosystème incroyable. Cette place est importante et unique à cause de la chaleur et de la formation de tuffeau, une mousse minéralisée devenue de la roche calcaire, qui fournit un environnement parfait pour les plantes et poissons de cet habitat.
Autour de ce site spécial, il y a la forêt boréale, le lac Atlin et la neige fraîche sur la grande montagne Sentinel. Les sources d’eau tiède naturelles sont sur le territoire traditionnel des Premières Nations Taku River Tlingit.
Effets de l’activité géologique sur la flore
Cette source d’eau tiède est chauffée par l’activité géologique de plaques tectoniques sous la terre. L’eau qui sort pendant toute l’année dans la piscine est de 28 degrés Celsius. En moyenne, la température de l’eau dans le reste du cours d’eau est de 22 degrés. Alors, même en hiver, l’eau ne gèle pas.
Des plantes uniques y poussent toute l’année, comme le cresson de fontaine, qui est épicé et délicieux à manger, les algues et la stellaire intermédiaire (appelée chickweed en anglais).
Interactions et adaptations de la faune
Plusieurs espèces fauniques utilisent ce terrain comme habitat, comme les sangsues, escargots, crapauds, libellules, souris, ours, orignaux et certains oiseaux. Les plus intéressantes sont les crevettes et les poissons qui peuvent survivre pendant tout l’hiver du Nord à cause de l’eau tiède.
Les crevettes cerise, rouges et mesurant de 15 à 30 mm de long, sont une espèce envahissante qui vient de Taiwan et de Chine. Elles sont omnivores et peuvent vivre de un à deux ans.
Toutes les deux ou trois semaines, elles pondent une vingtaine de nouveaux œufs. Elles sont souvent utilisées dans les petits aquariums pour ajouter de la couleur. Une personne a versé le restant de son aquarium dans le ruisseau il y a plusieurs années et les crevettes ont prospéré à cause de leur tolérance élevée pour les températures variables.
Elles ont mangé toute l’algue présente, ce qui a affecté le reste des espèces aquatiques. Mais avec l’adaptation, une population isolée de poissons qui s’appellent les ménés de lac, mesurant de 5 à 10 cm de long, a commencé à les manger, et le système est ainsi redevenu plus balancé.
Ces petits poissons menés territoriaux vivent partout dans de l’eau fraîche, mais préfèrent les lacs froids. Le lac Atlin qui reste à moins de 6 degrés pendant l’année n’a aucune population connue. Il y a longtemps, le mouvement des glaciers a créé de nouveaux ruisseaux pour donner aux poissons l’accès à l’eau tiède d’Atlin. Ils devaient tous s’adapter et changer leur métabolisme pour survivre dans l’eau plus chaude.
Alex DeBruyn a estimé au cours de sa recherche qu’il y a à peu près 2 000 à 6 000 poissons dans cette source d’eau. Pour le savoir, il a utilisé une façon de capturer les poissons, les marquer, puis les recapturer pour les compter. Selon lui, leur population est stable en ce moment, mais reste très fragile.
C’est un système exceptionnel et cette partie de l’environnement n’est pas encore protégée. Lors d’une visite à cet endroit, il est important de tout respecter, de ne rien mettre dans l’eau et de laisser le site intact. Les sources d’eau tiède d’Atlin sont à la fin de la route Warm Bay.
Sources d’Atlin : un écosystème fragile
Mathias Frostad
Les sources d’eau tiède sont un petit système de ruisseaux et d’étangs qui se déversent dans le lac Atlin. L’eau est réchauffée par l’activité géologique sous la terre, dont la température maximale est de 28°C. Quelques animaux ont évolué pour y vivre plus au chaud que ce qui serait normal pour leur espèce, comme le méné de lac et le crapaud boréal. Ils sont séparés de leur population normale et vivent seulement dans les sources d’eau tiède.
À cause de sa petite taille, l’écosystème est très fragile. Même une toute petite perturbation peut avoir un grand impact sur les plantes et animaux des sources. Parce que l’eau ne gèle pas en hiver, c’est également un endroit parfait pour les espèces envahissantes.
Des cerises dans les sources chaudes?
Alex DeBruyn, expert avec une maîtrise en zoologie, étudie les sources tiède depuis 2015.
Alors qu’il était en train de capturer des ménés de lac, une espèce qui s’est adaptée aux sources tiède, pour les étudier, il a trouvé dans ses pièges des petits animaux de 5 à 30 mm d’une couleur rouge foncé.
Quelques jours plus tard, en marchant à côté du ruisseau, il a remarqué une pile de gravier bleu. Les petits animaux qu’il avait trouvés étaient des crevettes cerise, un crustacé très populaire en aquariophilie et qui vient de Taiwan. Il était évident (à cause des graviers bleus) que les crevettes cerise venaient d’un aquarium vidé dans les sources.
En quelque temps, leur population a explosé jusqu’à 2 millions de crevettes. Elles ont mangé les algues et, quand leur nourriture a disparu, leur population s’est écroulée. Maintenant leur population est stable et permanente.
Alex DeBruyn estime qu’il n’y a pas, à court terme, un grand risque de les voir se propager, parce que les crevettes juvéniles ne peuvent pas survivre au froid du lac Atlin. Mais à long terme, les sources sont un endroit parfait pour les espèces envahissantes parce que le gradient de température est doux entre les sources et le lac.
À cause de leur rapide reproduction, les crevettes cerise sont déjà envahissantes en Europe et en Asie. Si elles évoluent, les crevettes pourraient se propager dans le lac Atlin, selon l’expert. Après ça,elles seraient donc partout : aux lacs Tagish, Bennet, Marsh, Laberge, Teslin et beaucoup d’autres.
Évolution en action
Il y a également une population de poissons rouges qui a été introduite dans un système à côté des sources chaudes. Les poissons rouges sont terribles pour les espèces indigènes. Ils ont surpeuplé le système, consommé toute la nourriture et réduit la qualité de l’eau.
Alex DeBruyn a essayé de les capturer et d’exterminer tous les envahisseurs. Il n’a pas réussi et les poissons rouges qui restent ont évolué : ils sont devenus bruns, semblent plus intelligents et sont plus difficiles à attraper.
Une pandémie chez les crapauds
Le crapaud boréal des sources tiède est une espèce qui s’est adaptée à la chaleur. Ces crapauds se réveillent de l’hibernation plus tôt pour qu’ils puissent se reproduire plus tôt. En 2008, une infection fongique a tué toute la population des crapauds des sources tièdes.
L’infection est probablement venue d’un crapaud non indigène, explique Alex DeBruyn. Selon lui, il y a parfois des gens qui ont des crapauds comme animal de compagnie, et certains finissent par les rejeter dans la nature. Maintenant, cette épidémie a laissé les sources d’eau tiède vide de crapauds boréaux adaptés.
Le méné de lac des sources d’eau tiède est une espèce dont la population est d’environ 2500 poissons et dont plusieurs traits physiologiques ont évolué, ce qui leur a permis de persister dans ces milieux extrêmes.
Leur petit habitat, les risques posés par les humains et l’introduction d’espèces envahissantes pourraient entraîner en peu de temps la disparition de l’espèce, comme ce qui s’est passé avec le crapaud boréal.
Il n’y avait rien qui puisse arrêter l’introduction des poissons rouges et crevettes cerise. Leur habitat n’est pas protégé par le gouvernement et ça doit changer, parce que c’est un lieu fragile et un endroit propice pour les espèces envahissantes.