Denis Lord
Le Rapport sur le logement dans le Nord de la Société canadienne d’hypothèque et de logement fait état de problèmes multiples et récurrents.
Disponibilité, coût, mises en chantier et autres données, le Rapport sur le logement dans le Nord 2020 de la Société canadienne d’hypothèque et de logement donne le portrait d’une situation critique dans les territoires, particulièrement au Nunavut.
Des trois capitales territoriales, c’est à Iqaluit que le prix d’un logement nordique atteint son apogée. En moyenne, il faut y débourser 2736 $ pour un appartement de deux chambres, comparativement à 1744 $ à Yellowknife et 1227 $ à Whitehorse. Pour louer un simple studio à un prix abordable, c’est-à-dire en dépensant moins que 30 % de son revenu avant impôt, il faut gagner au moins 50 000 $ par année.
Selon les données du Recensement de 2016, au Nunavut, 36,5 % des ménages vivent dans un logement qui n’est pas conforme en termes de qualité, de taille ou d’abordabilité. Il s’agit d’un record canadien. Ce taux descend à 18,1 % à Iqaluit. En comparaison, les taux sont de 15 % au Yukon et de 15,4 % aux Territoires du Nord-Ouest.
Logement social
Au Nunavut, environ une personne sur cinq est propriétaire de sa maison et l’offre sur le marché locatif privé est très limitée. L’essentiel du parc immobilier appartient au gouvernement nunavois et les logements sont hautement subventionnés par le gouvernement fédéral. On y retrouve de multiples créneaux d’habitation, notamment des logements pour personnes à faibles revenus, des refuges pour sans-abris ou des maisons de retraite.
En octobre dernier à Iqaluit, on a inauguré le Uquutaq Transitional Housing, un refuge de 60 places pour des hommes en situation d’itinérance et 11 logements. Le complexe de deux immeubles a bénéficié d’une subvention de 8 M$ du Fonds national de co-investissement pour le logement, un programme de la Société canadienne d’hypothèque et de logement.
Inoccupation record
En termes de logement social, le Nunavut offre les loyers subventionnés les moins chers au Canada. Mais c’est aussi l’endroit où le taux d’inoccupation, à 2 %, est le plus faible. Selon le rapport annuel de 2018 – 2019 de la Société d’habitation du Nunavut, plus de la moitié des 25 collectivités du Nunavut sont aux prises avec une grave pénurie de logements publics.
« La liste d’attente est de 472 personnes à Iqaluit et de 3000 personnes pour l’ensemble du Nunavut, détaille le président de la Société d’habitation du Nunavut, Terry Audla. Mais la liste n’est pas représentative, parce que beaucoup de gens n’appliquent pas, parce qu’ils pensent que ça ne vaut pas la peine, qu’ils n’auront pas d’appartement. Nous les encourageons. Il faut qu’ils appliquent pour que nous puissions recevoir les subventions du fédéral. »
Grandes familles
En raison du taux de natalité élevé, les familles de cinq personnes ou plus représentent près du tiers des ménages du territoire, un sommet au Canada. Mais la construction de maisons ou de grands logements n’est pas la solution préconisée par la Société d’habitation. Ce sont les appartements d’une chambre qui sont les plus en demande.
« Ça nous indique que beaucoup de jeunes adultes veulent sortir d’appartements surpeuplés, observe Terry Audla. La solution, ce n’est pas des maisons plus grosses, mais plus de logements. Nous essayons de voir comment mettre de jeunes adultes sur le marché du travail et dans leur propre logement. »
La Société d’habitation construit en moyenne 120 logements annuellement. On en attend 116 l’an prochain et 130 en 2022. Chaque unité coûte environ 50 000 $ à construire et ensuite surviennent les coûts d’entretien élevés, en aération et en lutte contre les moisissures créées par la condensation. « Nous sommes des novateurs dans ce domaine, assure le président de la Société d’habitation du Nunavut. Le Canada peut en apprendre beaucoup de nos pratiques. »
La Société considère que ce sont les bâtisses de cinq unités de logement qui sont les moins onéreuses.
La pandémie n’a pas de véritable impact sur le rythme de construction dans le territoire, assure Terry Audla. « La construction est toujours un défi logistique. Ça n’a pas changé avec la COVID. L’administrateur en chef de la santé publique sait que les logements sont trop bondés alors il a recommandé que la construction continue. Sauf qu’avec le navettage [fly in-fly out], les travailleurs de la construction doivent s’isoler durant 14 jours à leur arrivée. »
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des territoires : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale, et Le Nunavoix ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.