Philippe Lavezzari
Est-ce bizarre de mettre côte à côte un mode de transport et un régime alimentaire, surtout dans une chronique sur l’environnement? Si une telle chose nous intrigue, c’est parce que nous considérons nos déplacements comme étant la partie la plus importante de nos émissions de carbone.
La future taxe carbone, par exemple, nous pousse à ne penser qu’en termes de carburant, donc de transport.
Et pourtant, dans son rapport L’ombre portée de l’élevage de 2009, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) écrit que les 60 milliards d’animaux consommés chaque année « [sont] responsable[s] de 18 % des causes du réchauffement de la planète, soit plus que la part imputable au secteur des transports ».
En plus de prendre en compte les émissions de CO2 de l’élevage, ce classement intègre les émissions de méthane et d’oxyde nitreux produites par ces animaux.
C’est tout bête (sans jeu de mots), mais il ne faut pas oublier que ces deux gaz sont inévitablement produits lors de la digestion animale et de l’épandage du lisier.
Des gaz naturellement produits, c’est quoi le problème?
• Le méthane est 25 fois plus puissant que le CO2 en termes d’effet de serre, et l’oxyde nitreux 298 fois! Ainsi, rien que pour le méthane, un steak de 200 g rejettera l’équivalent de 5 kg de CO2 avant de finir dans votre assiette!
• À cela, il faut ajouter le CO2 produit par l’acheminement de ces animaux et de leur nourriture, l’énergie nécessaire à leur abattage et à la chaîne du froid, les coupes à blanc de forêts au profit de pâturages (qui séquestrent bien moins de CO2), etc.
• Pour ce « prix » écologique, vous pouvez manger sept repas 100 % végétaliens, ou rouler 100 km en VUS.
• Les répercussions environnementales d’un régime carné sont donc bien supérieures à celles de nos véhicules.
Élargir le débat sur les changements climatiques
Élargissons la question au rendement alimentaire global de l’élevage. Il faut 3 calories végétales pour faire une calorie de poulet, 7 pour 1 de porc, et 9 pour 1 de bœuf! Cela veut dire que si la production de maïs, de blé et de soja actuellement destinée à l’alimentation animale était consommée directement par les êtres humains (au lieu d’alimenter le bétail que l’on mange par la suite), la Terre aurait de quoi nourrir sans peine les 9 milliards d’êtres humains prédits pour 2050.
D’autres options?
À défaut d’aller voir notre famille à vélo à l’autre bout du continent, nous pouvons faire évoluer notre diète vers un régime plus faible en viande et plus riche en protéines végétales.
Globalement, nous serions tous en meilleure santé, car nos aliments ne contiendraient pas de stéroïdes, d’antibiotiques, ou de toutes ces substances cancérigènes issues de la cuisson de la viande rouge.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des avantages, nous mettrions fin aux conditions de vie misérables des animaux d’élevage (à ce propos, l’ouvrage Eating Animals de Jonathan Safran Foer est une référence).
Le défi est stimulant, recentre le débat sur ce qui a réellement un impact, et nous donne une bonne occasion de nous surprendre en nous plongeant dans les nombreux livres de recettes végétariennes!
Article rédigé pour le compte du PCS
Sources :
– Rapport de 2009 de la FAO — L’ombre portée de l’élevage, impacts environnementaux et options pour leur atténuation : fao.org/
– Potentiel d’effet de serre par type de gaz : fr.wikipedia.org/
– Comparaison entre la consommation de viande et les transports : theguardian.com/environment/2014/jul/21/giving-up-beef-reduce-carbon-footprint-more-than-cars
– Nombre d’animaux tués chaque année pour notre consommation : planetoscope.com
– Ouvrage de référence sur l’élevage animal : Eating Animals de Jonathan Safran Foer