Stéphanie Chevalier
« C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de Paul Beurdouche, mon « grand-père » yukonnais. »
Bien qu’ayant quitté le Yukon il y a quelques années, j’ai eu le plaisir de garder le contact avec lui, recevant des nouvelles jusqu’il y a deux mois. Paul était un personnage haut en couleur, qui, je le sais bien, ne faisait pas l’unanimité, car il avait des opinions très tranchées sur bien des sujets et ne se gênait pas pour le faire savoir. Je l’ai connu à travers mon emploi à l’AFY, il y a 10 ans. Avec ses grandes moustaches blanches, sa bonne bedaine et son côté bougon, il m’a tout de suite rappelé mon propre grand-père, si bien qu’au lieu d’être refroidie par son franc-parler, je me suis prise d’affection pour lui et de là est née notre amitié.
Au fil des années qui ont suivi, j’ai appris à le connaître et à l’apprécier tel qu’il était. J’aimais lui rendre visite à Carcross, dans sa petite cabane entre les lacs Bennett et Nares. Chef cuisinier de profession, il mijotait de bons plats français avec lesquels nous nous régalions. Il commençait toujours par se plaindre de tout ce qui allait mal dans le monde — et il adorait commenter les nouvelles du monde entier! — puis commençait à plonger dans ses souvenirs. J’aimais l’écouter raconter ses premières années au Yukon, à Watson Lake dans les années 70, la vie festive qu’il y menait ; ses contrats de par le monde comme cuisinier, que ce soit sur les plateformes pétrolières au large des côtes africaines ou encore dans les grands hôtels des Rocheuses. Il aurait eu de quoi remplir plus d’un livre avec ses pérégrinations. Tous deux amoureux de la bonne nourriture, nous pouvions parler de recettes pendant des heures.
Il y a quelques années il est venu s’installer dans un appartement au centre-ville de Whitehorse, sa santé ne lui permettant plus de gérer la vie en cabane. Il habitait en face de mon travail, si bien qu’il m’y apportait des petits gâteaux, et vérifiait par la même occasion si on m’y traitait bien ; sa bienveillance parfois maladroite me touchait.
Ces derniers temps, nos échanges courriels avaient remplacé nos tête-à-tête, mêlant nouvelles du Yukon, de France, et une curiosité qu’il avait développée pour l’Amérique du Sud depuis que je vivais au Chili. Sa grande curiosité d’esprit fut présente jusqu’au bout. Il suivait des cours d’informatique et avait bien sympathisé avec sa formatrice, Coralie ; il se renseignait sur une grande variété de sujets, et pensait toujours à des solutions pour régler les problèmes du monde, bien qu’il ne fût pas forcément en position de les mettre en œuvre.
Je sentais à travers ses messages qu’il était assez paisible ces derniers mois, j’aime à penser que c’est ainsi qu’il est parti, en paix, après une vie pas toujours simple, mais certainement bien remplie. Merci pour votre amitié Paul, elle m’a nourrie tout au long de cette dernière décennie et j’en garderai un tendre souvenir.