le Dimanche 8 décembre 2024
le Jeudi 21 décembre 2023 7:51 Culture

Les spéciaux de fin d’année, plein fun sur l’actualité

Le quintette franco-ontarien Improtéine est aux manettes d’Improtéine expose 2023 sur ICI Radio-Canada le 31 décembre. — Photo : Unis TV
Le quintette franco-ontarien Improtéine est aux manettes d’Improtéine expose 2023 sur ICI Radio-Canada le 31 décembre.
Photo : Unis TV
Avec le temps des fêtes, ils sont de retour… les spéciaux de fin d’année. Deux groupes d’humoristes nous confient leur mécanique de l’humour, avec comme leitmotiv de rire de tout, avec intelligence.

Le trio acadien des Newbies propose 16 sketchs pendant Le Grand ménage des Fêtes.

Photo : Unis TV

Les abus sexuels commis par des prêtres dans le Nord de l’Ontario, la suspension des nouvelles par Meta, les heures du conte animées par des drag queens, la pénurie de main-d’œuvre ou encore la crise du logement…

L’actualité de 2023 n’a pas manqué de controverses et de scandales pour inspirer les humoristes aux commandes des émissions spéciales de fin d’année.

Le trio acadien des Newbies animera Le Grand ménage des Fêtes sur Unis TV, le vendredi 15 décembre, tandis que le quintette franco-ontarien Improtéine sera aux manettes d’Improtéine expose 2023 sur ICI Radio-Canada le 31 décembre.

Les Newbies proposeront 16 sketchs sur l’actualité pancanadienne, dont un consacré à la francophonie. Six comédiens ainsi que la drag queen acadienne Rose Beef leur donneront la réplique.

Quant aux cinq comparses d’Improtéine, ils joueront aux apprentis journalistes en quête des fausses raisons derrière les vraies informations qui ont marqué l’actualité ontarienne et franco-ontarienne.

Ils offriront aux téléspectateurs un faux documentaire de trente minutes retraçant leurs « presque recherches » et leurs « presque enquêtes », selon les mots de Nadia Campbell, l’une des cinq improvisatrices du groupe.

Démêler le vrai du faux

« L’actualité, c’est l’élément déclencheur. À partir de là, on explique les événements à notre sauce, on lance de fausses pistes, on prend plaisir à embrouiller le public », partage-t-elle.

« À l’ère de la postvérité, on s’amuse sur cette ligne entre actualité et fiction. On joue avec les vraies fausses nouvelles », renchérit David Baeta, producteur d’Improtéine expose 2023.

Des acteurs joueront également de faux personnages, tandis que de vraies personnalités franco-ontariennes endosseront leur propre rôle.

Au total, une vingtaine de personnes apparaitront à l’écran et le public devra démêler les personnalités réelles des protagonistes inventés.

Du côté du Grand ménage des Fêtes, l’ambition affichée est claire : s’adresser au plus grand nombre de Canadiens, d’un océan à l’autre.

« Les politiques nous ont donné de quoi nous amuser »

« On parle de phénomènes de société avec un côté universel, qui n’ont pas besoin de mise en contexte. On veut que ça parle tout de suite à tout le monde », souligne André Roy, membre des Newbies et coscénariste de l’émission. Il cite en exemple la fin du partage de compte Netflix entre personnes de différents foyers.

« On n’est pas dans la caricature. Si un politicien commet une bévue, on est moins là-dessus. On est plutôt sur comment la population réagit », continue-t-il.

La capacité des humoristes à capter l’air du temps demande de longs mois d’écriture et de scénarisation.

Si le travail de rédaction, supervisé par une cheffe scénariste, n’a débuté formellement qu’à l’été pour s’achever en septembre, Improtéine a commencé à réfléchir à son faux documentaire dès le 1er janvier.

« On est tout le temps branchés. Parmi les nouvelles qui font couler le plus d’encre, on traque les plus pertinentes, celles qui vont piquer notre curiosité », détaille Vincent Poirier, membre d’Improtéine.

« Après, ce sont des heures de débats et de chicanes entre nous pour savoir lesquelles on retient. Ce sont des choix difficiles », ajoute-t-il.

Nadia Campbell se souvient elle aussi des sueurs froides, particulièrement en début d’année : « L’actualité était plutôt tiède, il a fallu attendre pour avoir de gros dossiers. Mais, finalement, les politiques fédéraux et provinciaux nous ont donné de quoi nous amuser. »

Des heures de discussions

Elle évoque pêle-mêle la décision du gouvernement de Doug Ford de retirer des terres de la ceinture de verdure afin d’y construire 50 000 maisons, ou encore la démission de l’infidèle maire de Toronto.

Les auteurs du Grand ménage des Fêtes ont également les yeux rivés sur les informations, constamment à l’affut de la nouvelle la plus inspirante.

André Roy confie avoir créé, dès février, un groupe sur Facebook Messenger avec les cinq autres auteurs pour partager des blagues autour d’événements marquants, comme la séparation du couple Trudeau.

En juin, les scénaristes se sont plongés dans l’écriture avec l’aide d’une recherchiste et d’un chef scénariste pour aboutir à une version définitive du texte fin septembre. En revanche, les comédiens n’ont découvert les sketchs qu’à l’automne.

« Le plus difficile dans ce genre de production, c’est d’imaginer la porte d’entrée. Il faut vite que les gens comprennent le gag si on ne veut pas les perdre », analyse André Roy.

Quelle que soit l’émission, les auteurs tentent de trouver le bon angle d’attaque pour parler avec humour d’une actualité souvent morose et anxiogène.

Aux yeux de Vincent Poirier, la clé consiste à trouver « une histoire voisine dont on peut rire et de tisser des liens avec le sujet plus grave ».

Rire de tout, mais avec bienveillance

« En tant qu’humoriste, je dirais qu’on peut rire de tout, mais il faut toujours se demander dans quel but. Il faut éviter les jugements et le côté moralisateur », poursuit André Roy.

L’artiste acadien essaie de faire rire les gens en les amenant à réfléchir, « sans être méchant ni blessant, avec la volonté de rassembler plutôt que de critiquer ».

Il prend l’exemple des gigantesques feux de forêt qui ont frappé une grande partie du pays l’été dernier : « C’est un gros sujet sur lequel il est difficile de faire des blagues. Beaucoup de gens qui ont perdu leur maison vivent encore des situations extrêmement précaires. »

« Pour les sujets les plus difficiles à aborder, on peut faire un clin d’œil à ce qui s’est passé, sans être forcément drôle », observe David Baeta.

Un avis que partage Nadia Campbell : « Il ne faut pas avoir peur d’aborder certaines choses, mais on doit rester bienveillants. Notre manière à nous, c’est de faire rire, non pas de l’actualité, mais des fausses explications qu’on lui donne. »

En Ontario, David Baeta explique que l’équipe de tournage s’était laissé une marge de manœuvre afin d’ajuster le scénario si « un événement explosait ». À moins de trois semaines de la fin de l’année, il croise désormais les doigts pour « qu’il ne se passe rien ».