Dans un reportage appelé Who is the real Buffy Sainte-Marie? et diffusé le 27 octobre 2023, les trois journalistes qui ont mené près d’un an d’enquête pointent les contradictions des différentes déclarations de l’artiste. Buffy Sainte-Marie aurait déclaré être Crie, Mi’kmaq ou encore Algonquine lors de différentes entrevues données à des magazines dans les années 1960, alors que sa carrière musicale prenait son envol.
Dans une déclaration publique sur sa page Facebook, l’artiste a réaffirmé son identité autochtone et a rappelé qu’elle a été adoptée, en tant que jeune adulte, par Emile Piapot et Clara Starblanket de la Première Nation Piapot en Saskatchewan.
« Je suis fière de mon identité autochtone américaine et des liens profonds que j’entretiens avec le Canada et ma famille Piapot. Tout ce que je peux dire, c’est ce que je sais être vrai : je sais qui j’aime, je sais qui m’aime. Et je sais qui me soutient. »
Sur son site Internet, Buffy Sainte-Marie indique « être née en 1941 dans la réserve de la Première Nation Piapot en Saskatchewan et avoir été enlevée à ses parents biologiques alors qu’elle était bébé. Elle a été adoptée par un couple visiblement blanc et a grandi dans le Maine et le Massachusetts ».
Il y a ici une référence à la rafle des années 1960. Cette politique gouvernementale canadienne est responsable de l’enlèvement de milliers d’enfants autochtones, métis et inuits pour les faire adopter par des familles blanches au Canada et aux États-Unis. Cependant, cette politique qui a touché plus de 22 000 enfants a débuté dans les années 1950 (jusque dans les années 1980), soit près de 10 ans après la naissance de l’artiste.
Une différente approche journalistique
Le journaliste et producteur métis au sein du média autochtone APTN, Dennis Ward, a fait part de son incompréhension et a demandé à CBC que l’article soit retiré de leur plateforme numérique. Selon lui, une approche différente aurait dû être prise par ce média, car l’identité autochtone est un sujet complexe qui peut raviver de nombreux traumatismes, en particulier pour les survivants de la rafle des années 1960.
« Je vous exhorte à retirer cet article, à présenter des excuses publiques à Buffy et à tous les adoptés autochtones pour le préjudice que cela a causé, et à vous engager dans une approche dirigée par les Autochtones et tenant compte des traumatismes dans les enquêtes sur l’identité autochtone », a-t-il déclaré dans un message publié sur X (anciennement Twitter).
Pour le collectif féminin autochtone Indigenous Women Collective, prétendre à une fausse identité autochtone est un acte de violence colonial qui engendre des souffrances et des divisions dans les communautés autochtones.
« Nous comprenons que l’adoption traditionnelle comporte de grandes responsabilités; elle ne donne à personne la permission de revendiquer faussement son identité d’origine autochtone. Être adopté dans une famille et une communauté autochtone n’autorise personne à parler au nom de tout notre peuple […] S’approprier le traumatisme intergénérationnel autochtone est intolérable et constitue un acte de violence coloniale », peut-on lire dans la déclaration publiée par l’organisme sur X, le 29 octobre 2023.
Une récompense remise en question?
Suivant leur déclaration, le collectif a aussi demandé au conseil d’administration de l’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement (CARAS), qui remet chaque année les prix Juno, de retirer la récompense octroyée à Buffy Sainte-Marie en 2018 pour le meilleur album autochtone de l’année.
« Cette année-là, une jeune artiste et compositrice inuk talentueuse, Kelly Fraser, a également été considérée dans la même catégorie. Cette jeune femme a consacré sa vie à aider les autres aux prises avec des traumatismes intergénérationnels, mais elle est décédée tragiquement un an plus tard. Nous invitons le comité des prix Juno à revisiter cette catégorie 2018 et à explorer les moyens de réparer un tort passé. »
IJL–Réseau.Presse – L’Aquilon