Sous l’initiative de George Black, futur Président de la Chambre des communes du Canada, la Compagnie d’infanterie du Yukon recrute des volontaires pour le front entre juin 1916 et janvier 1917. Au total, près de 230 hommes se sont enrôlés pour l’unité, venant principalement de Dawson et de Sidney en Colombie-Britannique, mais aussi de Whitehorse, Carcross, Atlin, Victoria et Vancouver.
Les Alliés en mauvaise posture
La Première Guerre mondiale promettait d’être de courte durée. L’Empire allemand prévoyait une victoire rapide sur la France avant de se tourner vers la Russie.
Suivant le plan Schlieffen, les Allemands attaquent la France en passant par la Belgique. Forcées en retraite, les forces britanniques et françaises freinent l’avancée allemande sur les bords de la Marne en septembre 1914. Après quoi, la course à la mer prolonge le front jusqu’à la Manche. C’est le début des tranchées et de la guerre d’usure. Sur le front de l’Ouest, l’année 1915 est marquée par des petites avancées au coût de milliers de vies.
Les effets de la guerre se font sentir de plus belle sur les Alliés en 1916. La France arrête l’offensive allemande après une bataille sanglante à Verdun. Les gains obtenus à la bataille de la Somme sont minimes, considérant les pertes humaines. À elles seules, ces deux campagnes cumulent un peu plus d’un million de morts, blessés et disparus chez les Alliés.
Des mines du Klondike au front de l’Ouest
Après avoir donné leur nom et passé les examens médicaux, François Prégent et ses frères d’armes sont détachés auprès du 231e bataillon à Victoria. Ils s’entraînent et apprennent les rudiments de la vie de soldat. Sous le commandement du capitaine Black, la Compagnie d’infanterie du Yukon se retrouve à Halifax en janvier 1917. Elle monte à bord du SS Canada le 26 janvier, direction l’Angleterre.
À peine arrivés à Liverpool le 6 février, les Yukonnais voyagent jusqu’à Seaford, ville portuaire sur la Manche. Ils sont détachés au 7e bataillon de réserve pour continuer leur formation. Au programme : exercices de tir et de bombardements, cours de premiers soins, exercices militaires, fonctionnement des tranchées et du matériel anti-gaz, et entraînement physique.
Dans les journaux de guerre du 7e bataillon de réserve, au 23 février, on peut lire que le progrès de la Compagnie d’infanterie du Yukon est prometteur. La troupe est « bien équilibrée et disciplinée ». Le 17 mars, la base militaire reçoit même la visite du premier ministre canadien, Robert Borden. Il « fait particulièrement attention à la Compagnie du Yukon qui s’entraînait sur le terrain d’exercice et semble satisfait de la démonstration que les hommes ont faite ».
À la fin du mois de mars, les Yukonnais sont transférés au camp de Witley, dans le Surrey, et deviennent le 17e corps de mitrailleuses. François Prégent est soigné à l’hôpital militaire de Bramshott pour une bronchite à la mi-avril. Vite remis sur pied, il retourne au 7e bataillon à Witley pour un mois.
Le soldat Prégent et 27 autres sont sélectionnés pour traverser la Manche le 26 juin, vers Le Havre. Au cours de l’été, ils iront rejoindre le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI, ou les Patricias), qui se trouve pour le moment à La Targette, dans le Pas-de-Calais.
Les Patricias
Cette unité d’infanterie canadienne était formée à l’origine de vétérans canadiens de la guerre d’Afrique du Sud. Elle est nommée en l’honneur de la princesse Patricia de Connaught, petite-fille de la reine Victoria. Les Patricias figurent parmi les premiers Canadiens de la Grande Guerre à arriver au front et donc le PPCLI a déjà participé à de nombreuses batailles significatives lorsque François Prégent les rejoint à Lapugnoy le 18 août 1917.
Les ordres reçus pour ce jour-là sont clairs : avancer.
À 9 h 10 le lendemain, les Patricias prennent donc le chemin vers Passchendaele, le prochain objectif des Alliés.
Le 30 août, alors qu’il pleut depuis cinq jours et que les hostilités font des blessés et des morts quotidiennement, le soldat Prégent est blessé à son tour. Il reçoit des éclats d’obus dans la jambe gauche et est évacué de Petit-Sains. Le Yukonnais passe le mois de septembre aux soins de la 10e ambulance avant de retourner dans les tranchées.
Octobre 1917. Les derniers préparatifs pour l’assaut de Passchendaele sont en cours. Les Patricias s’entraînent à Caëstre, prenant le train pour Ypres le 23. Les avions ennemis bombardent la ville.
Les hommes reçoivent les ordres pour l’offensive le 28.
Les derniers ajustements sont apportés le 29. À 23 h, les quatre compagnies de Patricias se rendent à leur point de rassemblement, sous le feu des Allemands. Tous prennent leur position dans leur tranchée d’assaut.
L’offensive est lancée à 5 h 50 le 30 octobre, lors d’une journée claire, mais froide et venteuse. À 11 h 15, le quartier général reçoit un message : le front a grandement besoin de renforts. On estime qu’il reste alors 250 soldats pour les quatre compagnies, dont 40 dans la 1re. Il se met à pleuvoir en après-midi.
Malgré tout, les Patricias et les bataillons canadiens persévèrent. Ils atteignent la montée Meetcheele, un point stratégique sur le champ de bataille. Le lieutenant Mackenzie crée une diversion lui coûtant la vie, mais qui permet au sergent Mullin de prendre contrôle du fortin allemand. Ils seront par la suite décorés de la Croix de Victoria pour leur héroïsme.
À 18 h, les brancardiers soignent et transportent les blessés, alors que le terrain conquis est toujours la cible de l’artillerie ennemie. À 20 h, il reste 180 hommes au bataillon. À 2 h du matin, les Patricias sont remplacés par le 42e bataillon.
Difficile de savoir exactement où est le soldat Prégent tout au long de l’offensive. On sait seulement qu’il ne passera pas la nuit. François Prégent est porté disparu après les combats, le 30 octobre. Son parcours dans les forces canadiennes aura duré à peine un an. Il est l’un des 15 600 Canadiens à perdre la vie dans la bataille de Passchendaele, entre juillet et novembre.
Les Patricias, avec les forces alliées, continueront leur avancée jusqu’à atteindre Passchendaele le 6 novembre 1917. Le vent a enfin tourné en faveur des Alliés, mais la guerre n’est pas terminée. Les combats prendront fin un an plus tard, le 11 novembre 1918, quand l’Allemagne signe l’Armistice.
Parmi les 420 000 Canadiens ayant fait leur service outremer, plus de 61 000 sont morts et 172 000 ont été blessés. Ce sont ces sacrifices qui sont honorés chaque année, le 11 novembre. L’histoire de François Prégent en est une parmi des milliers.
En 1914, bien que politiquement indépendant sur son territoire, le Canada n’est pas responsable de sa politique étrangère. Lorsque le Royaume-Uni déclare la guerre en août 1914, c’est tout son empire qui entre en conflit.
Les Alliés rassemblent les forces du Royaume-Uni, de la France et de l’Empire russe. Ils font face à la Triplice, composée de l’Empire allemand, de l’Empire austro-hongrois et du royaume d’Italie.
À partir de 1915, l’Italie rejoint les forces de l’Entente. Les États-Unis abandonnent quant à eux la neutralité en avril 1917 en faveur des Alliés.