le Samedi 5 octobre 2024
le Jeudi 27 octobre 2022 4:08 Culture

Paul Davis donne une voix aux huards

Paul Davis se déplace à vélo à longueur d’année, toujours vêtu pour être bien vu des automobilistes.  — Photo : Ève Brosseau
Paul Davis se déplace à vélo à longueur d’année, toujours vêtu pour être bien vu des automobilistes.
Photo : Ève Brosseau
Paul Davis, établi au Yukon depuis 1995, est un réalisateur francophile passionné de l’environnement. Ancien collaborateur de la Société Radio-Canada, il s’est lancé dans le film indépendant en 2006 avec -40 °C. Cette année, il sort son deuxième court-métrage documentaire indépendant, Le Loon Ranger des huards, dont la première présentation est prévue la semaine prochaine, à Toronto.

Bien que sa première langue soit l’anglais, Paul Davis a longtemps étudié et travaillé en français : « J’ai eu la chance de suivre des cours d’immersion à l’âge de 13 ans. J’ai passé un été à Trois-Pistoles, et un autre à Rimouski. » Il a même été guide touristique dans la capitale québécoise.

« J’ai étudié partout au Canada en faisant l’effort d’apprendre […] à cette époque où les communautés francophones minoritaires étaient presque clandestines, explique-t- il. Aujourd’hui, les réseaux sociaux nous permettent de nous retrouver aisément. […] C’est une langue commune et elle fait partie de la diversité de la communauté. C’est beaucoup plus large qu’il y a 15 ans! »

Le Yukon comme terrain de jeu

Pour les personnes passionnées de plein air et de nature comme Paul Davis, le Yukon est l’endroit rêvé où vivre : « C’est une beauté naturelle qui est très intense. Ce n’est pas toujours facile d’accès, mais tout le monde est en contact avec l’environnement. »

Ses courts-métrages ont d’ailleurs un lien très fort avec le territoire. -40 °C suit un enseignant suppléant qui se rend au travail à vélo par un matin glacial à Whitehorse. Le Loon Ranger des huards raconte quant à lui l’interaction entre humains et animaux au Yukon. Le personnage principal entend l’appel des huards, et suit leur période de couvaison jusqu’en été.

« Quand on dit “out on the land”, c’est presque un appel magique d’avoir cette connexion avec la nature », dit le réalisateur. C’est de ce phénomène de l’appel de la nature qu’il est question dans son plus récent film.

Au printemps 2019, la montée des eaux a perturbé la ponte et l’incubation des œufs des huards. Ces oiseaux nichent sur les rivages, notamment au lac Hidden, où a été filmée une partie de Loon Ranger des huards. L’ancien titre du film, Le rouleau compresseur numérique contre la nordicité, changé pour une formule plus courte, témoigne d’ailleurs de l’intérêt de M. Davis pour la protection des milieux et des espèces qui y vivent.

Un travail de longue haleine

Après avoir été écrivain, et malgré une offre intéressante de faire de la télévision avec Radio-Canada, Paul Davis a préféré opter pour le format documentaire. « Je n’étais jamais confortable avec la télé. Alors j’ai commencé à penser : “Qu’est-ce que je peux faire comme film, comme projet d’art ?” » C’est lors de la rencontre annuelle du Front des réalisateurs indépendants du Canada (FRIC) il y a plusieurs années que lui est venue l’idée pour son prochain film.

M. Davis raconte que, lors de sa présentation, un homme a affirmé qu’il n’y avait pas de cinéaste francophone dans les territoires. « J’étais tellement piqué que j’ai commencé à faire un scénarimage pour montrer qu’on a des cinéastes au nord du 60e parallèle. » Avec son collègue Simon D’Amours, ils ont réutilisé l’emballage de leur repas pour faire leur ébauche.

« Ce morceau de carton tiré de notre boîte à lunch fournie par le FRIC est devenu le scénarimage pour le film Le Loon Ranger des huards », explique Paul Davis. On y voit des scènes qui se retrouvent dans le court-métrage, exactement comme elles avaient été prévues.

Effectuer une reconnaissance du terrain et amorcer le tournage ont été des étapes ardues et sans garantie de succès. Certains plans captés par drone n’ont d’ailleurs pas pu être filmés comme prévu à cause de la proximité avec l’aéroport de Whitehorse.

« Je dois faire cavalier seul ce que [l’Office national du film du Canada] (ONF) fait avec toute une équipe administrative, car on n’a pas le même niveau de ressources. » Le cinéaste yukonnais note toutefois qu’on peut faire beaucoup avec presque rien : « C’est un côté fort des artistes dans le Nord canadien, on a une discipline minimaliste. »

Après un trajet de quatre jours en train, Paul Davis présentera publiquement pour la première fois son film, auprès du public torontois, le 13 novembre prochain dans le cadre de Cinéfranco. L’oeuvre sera également présentée le même jour au Festival International du Cinéma Francophone en Acadie (FICFA).

Si Paul Davis souhaite également présenter son film au Yukon, aucune date n’est confirmée pour le moment. L’artiste indique notamment qu’il a mis son film en candidature pour le festival yukonnais Available Light Film Festival, bien que son œuvre soit « un peu longue, [car] 23 minutes c’est un bloc considérable pour un festival de court métrage », selon lui. La sélection du jury n’a pas encore été dévoilée.

Le cinéaste indique finalement qu’une version en DVD sera disponible prochainement dans toutes les bibliothèques du Yukon.