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le Jeudi 7 novembre 2019 7:31 Art et culture

Le rapport à la terre septentrionale (Article sur l’Arctique)

Extrait du film Sovereign soil.
Photo : ONF
Extrait du film Sovereign soil. Photo : ONF

Denis Lord (l’Aquilon)

Le réalisateur David Curtis donne une voix aux fermiers du Yukon.

 

Extrait du film Sovereign soil.
Photo : ONF

 

Dans Sovereign Soil, le documentaire de David Curtis qui prendra l’affiche en première nordique au Yellowknife International Film Festival (YKIFF), les fermiers du Yukon ne cultivent pas que des légumes, mais un rapport à la terre qui, pour le réalisateur, a quelque chose de spirituel.

Citoyen de Dawson, David Curtis a passé une partie de son adolescence à Deline. Alors qu’il a déjà réalisé des courts métrages et des installations vidéos, il rejoint dans sa première œuvre de longue haleine, des éleveurs de chèvres, des cultivateurs de choux de Bruxelles et des producteurs de sirop de bouleau. Ceux-ci partagent leur labeur, leurs pensées et leurs apprentissages sur les territoires des Tr’ondëk Hwëch’in et des Na-Cho Nyäk Dun ainsi qu’à Dawson.

La caméra sait merveilleusement bien s’attarder sur toutes les expressions de la nature et Sovereign Soil tient de la poésie et de la méditation plutôt que d’un monologue didactique et idéologique en faveur de l’agriculture locale ou biologique.

Si l’un de ses personnages déplore que le Yukon produise moins de 10 % de la nourriture qu’il consomme, un autre constate qu’il lui faut trop mettre de choses dans la terre pour que le jardinage soit profitable. « Mais ça me permet de vivre ici, nuance-t-il. C’est le seul succès dont j’ai besoin. »

« J’espère que les gens saisiront cette poésie, dit David Curtis. Le film est basé sur la structure d’une symphonie […], avec plusieurs voix explorant différents thèmes. Je n’ai pas voulu être trop littéral, factuel, et j’espère que les spectateurs apporteront leur propre interprétation, leurs propres expériences. »

En partie prenante de cette polyphonie, le réalisateur a tenu à ce que différentes générations puissent exprimer leurs perspectives. « C’est une grosse partie de la philosophie du film », signale-t-il, précisant que ces générations se reflètent métaphoriquement dans la structure du film, qui commence et se termine avec l’hiver.

Une relation spirituelle

David Curtis connaissait à différents degrés tous les protagonistes du film avant le tournage.

« À travers le processus, je les ai connus plus intimement, j’ai vu leurs défis, les grandes choses qu’ils font, explique-t-il. […] Je voulais faire le focus sur l’agriculture dans un environnement difficile.

Mais c’est aussi un film sur la relation spirituelle et philosophique à la terre et comment ça se développe à travers le fait de faire pousser de la nourriture. Il y a plusieurs moments dans le film où les gens expriment ça avec beaucoup de sagesse et d’émotions. » Dans sa serre, une femme dit que voir croître une plante depuis la semence jusqu’aux fruits aide à comprendre sa propre mortalité. Dans Sovereign Soil également, des Autochtones témoignent des difficultés de faire la transition à une approche fermière de la terre. « Je suis un chasseur et un trappeur, déclare le jeune Josh Moses, perplexe, à l’école fermière des Tr’ondëk Hwëch’in, et ils veulent faire de moi un fermier. »

« Être sur la terre où tu contrôles la croissance des choses est une expérience très différente de celles que procurent leurs traditions », observe David Curtis.

« Sylvia Frish […] a été élevée dans cette région. Elle a une forte connexion avec la forêt. Elle a appris tant de choses avec les ainés des Premières Nations sur comment vivre de manière respectueuse dans la nature. Et maintenant, elle doit être une agricultrice et elle a un conflit. J’aime vraiment quand elle parle de ça dans le film. »

Compagnonnage

Le réalisateur du Yukon Andrew Connors est crédité comme producteur de Sovereign Soil. Il a joué, souligne David Curtis, un grand rôle dans le processus créatif du film. Il a participé à son écriture et au montage et a filmé des scènes.

« C’est mon meilleur ami depuis longtemps, révèle le réalisateur. Nous avons commencé le film il y a six ans. Au début, j’ai eu peur que notre amitié en souffre, mais elle n’est que plus forte. Nous travaillons bien ensemble. […] Andrew rend les choses faciles. »

Les deux partenaires seront sur place pour répondre aux questions de l’audience lors de la projection de Sovereign Soil au YKIFF, le dimanche 10 novembre à 19 h. Il sera aussi présenté à Dawson, à une date pour l’instant indéterminée. Si les réactions au film sont positives, deux suites auront lieu.

La première sera consacrée aux rapports à la terre des gens travaillant dans les ressources, mines, trappage, etc. La seconde sera axée sur la façon dont l’esthétisation de la terre conditionne notre rapport à celle-ci.