De nombreux scientifiques provenant de partout au pays se sont réunis à Whitehorse afin de présenter les résultats de leurs recherches axées sur les contaminants dans le Nord canadien. Pour la première fois, des artistes yukonnais étaient également invités à l’événement scientifique afin d’envisager une éventuelle collaboration.
Les contaminants du Nord canadien, comme le mercure et les polluants organiques persistants (POP), proviennent principalement de sources extérieures au Canada. Ces contaminants, sujet principal de la rencontre scientifique qui se tenait au début octobre à Whitehorse, sont produits par les activités des différentes industries ainsi que des pesticides agricoles utilisés. Ils sont émis pendant leur production, leur utilisation et leur élimination.
Transport des contaminants sur longue distance
Selon le Rapport de l’évaluation des contaminants dans l’Arctique canadien de 2017, il ne faut pas longtemps pour que les contaminants émis atteignent le Nord canadien. En passant par l’atmosphère ou les courants océaniques, il ne leur faudra parfois que quelques semaines pour se déposer au sol, dans l’eau ou sur la glace et la neige. Comme le climat y est froid, les contaminants ont alors tendance à persister dans l’environnement arctique où ils peuvent s’introduire aisément dans la chaîne alimentaire.
C’est alors que les animaux et les humains y sont exposés, notamment par les aliments qu’ils consomment. Les contaminants pénètrent par les plantes et les algues dans la chaîne alimentaire, puis remontent des proies aux prédateurs.
Ainsi, une forte exposition aux contaminants peut avoir un impact important sur la santé des espèces sauvages et humaines. Cette situation est particulièrement inquiétante pour les habitants du Nord, dont les collectivités autochtones, qui comptent sur les nombreux bienfaits culturels et nutritionnels des aliments prélevés dans la nature.
La situation demeure préoccupante
Beaucoup de progrès ont été réalisés au Canada et à l’étranger dans la réduction des sources de contaminants grâce à une action internationale marquée. Toutefois, il y a toujours une présence préoccupante de contaminants ayant un effet néfaste sur la santé et le bien-être des espèces sauvages et des habitants du Nord canadien.
Des projets de recherche collaboratifs
La manière de procéder pour faire de la recherche scientifique dans le Nord a beaucoup changé. Elle s’opère de moins en moins en vase clos favorisant plutôt une collaboration dynamique avec la population locale étudiée, comme l’explique la chercheuse Mylène Ratelle de l’Université de Waterloo, qui travaille en ce moment sur la mesure des contaminants à Old Crow. « Pour notre recherche, nous avons intégré une approche multidisciplinaire faisant place aux commentaires et questionnements des gens sur place », explique la chercheuse qui participait à la rencontre yukonnaise. « Ainsi, on a pu procéder à de premières rencontres où la population de Old Crow nous a confié désirer connaître le niveau de contaminants présents dans les organes des caribous et l’impact sur leur mode de vie ancestral. C’est donc à partir de leurs préoccupations que nous avons structuré notre recherche. En fonctionnant ainsi, notre travail a une portée beaucoup plus grande chez la population étudiée. », précise-t-elle.
Communication des résultats par l’art
Malgré les progrès technologiques de communication, les défis pour la science à communiquer efficacement les résultats de ses recherches à la population demeurent présents. Le Rapport de l’évaluation des contaminants dans l’Arctique canadien de 2017 insiste d’ailleurs sur ce point. Il est impératif de mieux faire connaître les enjeux relatifs aux contaminants en communiquant les résultats aux principaux groupes intéressés, dont les habitants du Nord.
C’est d’ailleurs en discutant de ce sujet qu’une artiste et une chercheuse, toutes deux Yukonnaises, ont eu l’idée d’unir leurs forces. Ainsi, Joyce Majiski, biologiste de formation et artiste ainsi que Mary Gamberg, chercheuse sur l’Arctique et consultante pour les contaminants au Yukon, ont commencé à formuler le projet de réunir officiellement en 2021 des scientifiques et des artistes du Yukon dans une même conférence. « En discutant, Joyce et moi avons pu voir le potentiel de l’art pour servir de levier de communication », confie Mary Gamberg emballée par cette perspective. « On espère que ce projet prendra forme en 2021. Il s’agirait alors d’ateliers de trois jours permettant principalement aux scientifiques et aux artistes d’explorer l’union de ces deux forces dans le but précis de mieux rejoindre la population », ajoute-t-elle.
Bien que le projet n’en soit qu’à ses balbutiements, plusieurs scientifiques et artistes ont déjà signifié leur intérêt à l’égard d’une telle collaboration. « Près d’une dizaine de scientifiques présents à la conférence et environ 40 artistes du Yukon ont déjà démontré leur intérêt pour ce type de collaboration », explique Joyce Majiski dont le travail de création est intimement lié aux enjeux écologiques.
Pour Leslie Leong, qui explore également les enjeux environnementaux dans sa démarche artistique, ce type de collaboration représente un moteur stimulant de création artistique. « Je crois sincèrement que l’art peut servir de pont important entre la science et la population afin de mieux communiquer les différents résultats de la recherche », confie-t-elle.