Certains se sentent jugés par leur accent ou leur manière de s’exprimer en français. Ce phénomène a un nom, il s’agit de l’insécurité linguistique, un complexe qui semble affliger surtout les francophones en contexte minoritaire. Des élèves de l’école Émilie-Tremblay se sont attardés de façon créative sur la question.
L’expression « insécurité linguistique » désigne un sentiment d’infériorité ou d’incompétence vécu par plusieurs francophones en contexte minoritaire lorsqu’ils s’expriment en français, même s’il s’agit de leur langue maternelle. Cette insécurité vient de l’idée que sa langue n’a pas la même valeur qu’une autre, par exemple l’anglais. Elle peut aussi venir de la peur d’échouer à s’exprimer dans une bonne qualité langagière, par exemple en français standard.
Selon les données d’une récente recherche menée par le ministère de l’Éducation de l’Ontario, ce complexe peut parfois se transformer en une crainte de prendre la parole, allant jusqu’à refuser ou à abandonner l’idée de s’exprimer en français. Ainsi, les gens vont préférer utiliser l’anglais parce qu’ils sont mal à l’aise avec la qualité de leur langue. L’insécurité linguistique n’est pas un phénomène nouveau. En revanche, l’expression circule de plus en plus dans la francophonie canadienne. Depuis quelques années, différentes stratégies nationales ont d’ailleurs vu le jour afin de pouvoir mieux répondre à ce phénomène.
Une préoccupation des jeunes francophones en milieu minoritaire
Au début du mois de mai, un premier Symposium national sur la sécurité linguistique se déroulait à Ottawa à l’initiative de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF). La jeunesse franco-yukonnaise a été représentée par Marguerite Tölgyesi, à la fois vice-présidente du comité Jeunesse Franco-Yukon (JeFY) de l’Association franco-yukonnaise (AFY) et de la FJCF.
Le symposium a permis, entre autres, de s’attarder sur les différentes répercussions de ce phénomène vécu par des francophones, mais également par des élèves dont le parcours se fait en immersion française. « Les francophones en milieu minoritaire et les élèves de l’immersion française ont des réalités très différentes et pourtant, nous pouvons tous être affectés par l’insécurité linguistique. Le symposium a permis d’y réfléchir. D’ailleurs, beaucoup d’étudiants en immersion y ont participé », explique Marguerite Tölgyesi, qui participait en tant que panéliste.
« L’insécurité linguistique est un enjeu qui intéresse les jeunes, mais pour l’instant, nous n’avons pas de données concernant ce phénomène pour le Yukon », confie Josée Jacques, agente de projets Arts et culture + jeunesse de l’AFY. « La participation de Marguerite au symposium était importante puisqu’elle nous permettra de partager auprès des jeunes du Yukon ce qu’elle a appris », ajoute-t-elle.
L’engagement des élèves de l’école Émilie-Tremblay
Toujours en mai, le Comité culturel jeunesse, unissant les élèves de la 5e et 6e année de l’école Émilie-Tremblay, a décidé à son tour de passer à l’action. Avec l’appui du cinéaste Jonathan-Serge Lalande, le comité a décidé d’aborder le sujet par la réalisation d’une courte vidéo qui sera mise en ligne prochainement sur le site Web de l’école. « Tous les membres du comité ont décidé du contenu et c’est Jonathan qui nous a dirigés à partir de là », explique Samuel Martin, élève de 6e année et membre du comité.
Le film montre, entre autres, des reconstitutions de situations vécues à l’école et des entrevues effectuées avec le corps enseignant. « On a été surpris de constater, en faisant le film, que finalement peu d’enseignants étaient au courant du phénomène de l’insécurité linguistique », explique Noémie Laframboise qui a également participé au projet.
Plusieurs rencontres ont eu lieu en aval du projet avec le cinéaste franco-yukonnais pour recueillir les idées qui jaillissaient de toute part. « C’est un sujet intéressant que j’ai découvert pendant le projet. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai décidé de donner un coup de main aux élèves », confie-t-il.
La vidéo, qui était principalement destinée à sensibiliser les élèves de l’école Émilie-Tremblay et de l’Académie Parhélie, commence à avoir un écho au-delà du cadre de l’école francophone à la surprise des membres du comité. « D’autres écoles devraient aussi voir cette vidéo et on en parle en ce moment. Car beaucoup de gens sont affectés par ça, mais personne ne dit rien. Si tu n’en parles pas, ça pourrait devenir à la longue un plus grand problème, car tu pourrais perdre ta langue », conclut Samuel Martin.
Pour visionner le résultat du travail des jeunes :