C’est l’histoire d’un livre qui raconte une histoire, celle de ceux et celles qui sont venus s’installer au bord de la route de l’Alaska, les pionniers, les rêveurs, les rebelles, les courageux. Paru aux éditions Harbour Publishing, Beyond Mile Zero : The Vanishing Alaska Highway Lodge Community est sorti en avril dernier. Deux Yukonnais, l’auteure Lily Gontard et le photographe Mark Kelly, ont collaboré et travaillé durant deux ans et demi à ce projet multimédia.
Ils ont voyagé et exploré la route de l’Alaska en photographiant, réalisant des vidéos, interrogeant les gens qui vivent là et se rappellent, mais aussi ceux qui y vivaient autrefois et qui sont partis. Un vrai travail d’enquête. Ils découvrent également des lieux abandonnés ainsi que des stations d’essence et des auberges fantômes délaissées et exposées à l’usure du temps et aux caprices des saisons. Les photos de Mark Kelly capturent avec sincérité et émotion des scènes désertes qui trahissent l’autre réalité d’un passé lointain. L’auteure et le photographe relatent et partagent dans cet ouvrage les longues, sinueuses et passionnantes vies de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu au bord du mythique couloir du nord de l’Amérique.
Une amitié de longue date
Amis depuis vingt ans, Mark et Lily se connaissent bien. Mark Kelly a fait sa première photo avec l’appareil Kodak Instamatic 110 qu’il a reçu pour son huitième anniversaire. Sa passion pour la photographie l’a emmené partout dans le mondeet après un voyage en canot en 1997 au Yukon, il est revenu en 1999 pour faire de Whitehorse sa maison.
De père francophone et de mère anglophone, Lily Gontard est aussi une passionnée. L’écriture et elle, c’est une longue histoire. « J’ai toujours écrit, même quand j’étais enfant, c’est une passion », confie-t-elle tout de suite comme un aveu. Plutôt habituée à écrire de la fiction et des essais, Lily Gontard dévoile ici un intérêt méticuleux pour l’histoire. « Ce qui m’a poussée et inspirée à faire ce travail d’historienne, c’est tout d’abord les photos de Mark. J’étais vraiment émue. Puis, j’ai commencé à interroger les gens. La première entrevue était avec Linda et Denis Bouchard, et j’ai découvert des histoires tellement passionnantes de gens qui vivaient selon leurs propres règles. À partir de là, mon intérêt n’a cessé de grandir », explique l’auteure.
On se rappelle…
En 1942, l’Amérique du Nord se sent menacée sur sa côte ouest après l’attaque de Pearl Harbor. Le gouvernement américain construit une route militaire de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, à Delta Junction, en Alaska. Après une utilisation restreinte nécessitant un laissez-passer pendant les quelques années d’après-guerre, la route de l’Alaska ouvre enfin ses portes au public en 1948.
C’est le début de l’âge d’or de l’automobile. Silvertip, Swift River, Silver Dollar, Krak-R-Krik, Chickaloon et d’autres établissements pittoresques et excentriques surgissent le long de la route, proposant aux voyageurs un café, de l’essence, un peu de conversation et un endroit où passer la nuit.
Pendant cette période faste, les propriétaires et les employés vivaient à la frontière et gagnaient de bons salaires. Certains cherchaient un engagement à vie et un endroit pour élever une famille, d’autres cherchaient l’isolement. Aujourd’hui, la plupart des gens voyagent sur la route de l’Alaska dans des voitures économes en essence et des véhicules hyper- autonomes (RV). La demande de services d’auberges a drastiquement diminué et les entreprises ont du mal à survivre.
Le dernier moment
Bien des endroits ont déjà disparu. Certains propriétaires sont partis loin, il y a longtemps, et ne payent plus de taxes depuis des années. Alors, des bulldozers font disparaître en une journée les restants d’une époque un peu oubliée. Durant ces deux ans et demi de travail ensemble, Lily Gontard et Mark Kelly ont été témoins de ces disparitions. « C’était un peu le dernier moment pour prendre des photos, et recueillir ces histoires », confie l’auteure.
Le duo Gontard/Kelly est déjà parti en tournée au mois de juin pour présenter son livre à Edmonton, mais aussi en Alaska. Ils sont retournés voir les personnes interrogées pour leur offrir le résultat de leur travail.
Le livre est en vente à Mac’s Fireweed, Well Read Books et au Musée des transports. Cet ouvrage est disponible en anglais. Les auteurs souhaitent le faire traduire en français bientôt. On retrouve plus d’informationsur le site de l’auteure.