Il est minuit à Amsterdam. James Ehnes vient de donner un concert de violon solo. Au programme, les Sonates et partitas de Johann Sebastian Bach. J’entends une voix très calme à l’autre bout de la ligne, voix particulière des artistes après une belle représentation, un mélange de confiance et de détente. Le violoniste mondialement reconnu donne une entrevue exclusive à l’Aurore boréale, lui qui fut le jeune prodige canadien du violon qui à 13 ans donnait son premier concert avec l’Orchestre symphonique de Montréal, et qui se produira régulièrement par la suite au côté des plus grands chefs d’orchestre et entouré des orchestres les plus prestigieux du monde entier. James Ehnes se produira au Centre des arts du Yukon le 22 octobre.
Aurore boréale : Êtes-vous déjà venu au Yukon?
James Ehnes : Oui, la première fois que je suis venu à Whitehorse, c’était juste pour deux jours, j’étais en tournée avec l’Orchestre du Centre national des arts, mais cela m’a donné assez de temps pour découvrir un peu la ville. Particulièrement ce sentier qui passe à côté du bateau Klondike.
A. B. : Vous venez accompagné de quelqu’un de spécial, n’est-ce pas?
J. E. : Oui, je suis vraiment heureux de venir avec mon pianiste Andrew Armstrong qui est un de mes meilleurs amis. Et je suis impatient de pouvoir lui faire découvrir Whitehorse. Ayant grandi au Manitoba, j’ai vu des aurores boréales pendant mon enfance, et j’espère bien pouvoir en revoir lors de mon passage à Whitehorse. Andy (Andrew A.) n’en a jamais vu et ce serait une belle surprise pour lui. On croise les doigts.
A. B. : Pour cette tournée, vous jouez dans presque toutes les provinces et territoires. Qui a eu l’idée de cette super-tournée au Canada?
J. E. : Cette tournée, c’est pour mes 40 ans, et c’est vraiment mon idée, c’est un cadeau d’anniversaire pour moi-même. Je vis aux États-Unis depuis de nombreuses années maintenant, je me languis de ma ville natale, et le Canada me manque. C’est une belle occasion pour reconnecter avec mon pays d’origine.
A. B. : Pouvez-vous nous donner un avant-goût du récital que vous allez donner au Centre des arts du Yukon le 22 octobre?
J. E. : Nous allons sans doute commencer le récital avec une sonate de Haendel qui est un morceau que je connais depuis que je suis tout petit, un morceau qui fait partie de la méthode Suzuki, c’est une pièce magnifique! Pour cette tournée, je voulais construire un programme qui serait adapté à tous nos lieux de concert. Un programme qui marcherait bien pour le public des grandes villes, mais aussi pour de plus petites agglomérations, comme Iqaluit, où certaines personnes n’ont jamais vu ou entendu un violon en vrai. Nous jouerons aussi la Sonate pour violon no 5 en fa majeur de Beethoven, dite « Le printemps », qui est une autre pièce iconoclaste du répertoire violonistique. En deuxième partie, nous interpréterons une pièce qui a été écrite spécialement pour cette tournée par Bramwell Tovey, le directeur de l’orchestre symphonique de Vancouver. C’est un extraordinaire compositeur et il a écrit cette pièce intitulée Stream of limelight, très théâtrale et pleine d’humour. Pour le reste du programme, nous avons un recueil énorme de nos pièces favorites. Nous en choisirons quelques-unes le soir même en fonction de ce que nous ressentons. C’est vraiment un programme informel, nous parlons au public pendant le concert, c’est une célébration de la belle et grande musique.
A. B. : Je sais que vous jouez un instrument particulier, le Marsick Stradivarius de 1715 (estimé à 8 millions de dollars, soit dit en passant). Avez-vous une connexion particulière avec cet instrument?
J. E. : Je joue ce magnifique Stradivarius depuis 17 ans, je crois, maintenant, et c’est vrai qu’il y a nettement une sensation de partenariat avec l’instrument. Je sais comment l’instrument me répondra, et en même temps, il semble que cet instrument soit toujours capable d’être encore plus beau, encore plus coloré, plus précis, c’est très inspirant de le jouer. Il rend mon jeu plus intéressant et plus créatif. Je me sens très chanceux d’avoir une relation si longue avec cet instrument, et je réalise que je le connais depuis plus longtemps que ma femme (rires). Et d’une façon étrange, je sens que ces deux relations dans ma vie ont des points communs : on développe ce sens de la confiance, vous savez, quand on connaît son compagnon ou sa compagne si bien, mais qu’on ne se lasse jamais, c’est toujours excitant et frais.
A. B. : Est-ce que l’actualité du monde influence votre jeu de quelque manière?
J. E. : C’est vrai que particulièrement dans les grandes villes, quand il y a des nouvelles importantes, on le sent dans le public. Je pense que parfois, quand des choses terribles arrivent dans le monde, les gens se tournent vers la musique comme une thérapie, c’est souvent les moments les plus gratifiants pour un artiste, parce qu’on réalise que ce que nous jouons et notre façon de le jouer ont un impact sur des milliers vies, c’est une sensation très particulière. Je pense qu’on ne peut pas se séparer complètement de notre environnement. La musique est pour moi un rappel d’un des plus beaux aspects du genre humain, c’est le testament de la grandeur des gens, et quelquefois, c’est bien de se le rappeler.
Concerts au Centre des arts du Yukon le samedi 22 octobre, à 20 h. Billets en vente au YAC ou sur yukontickets.com / 60 $.