Le merveilleux et la grandeur ont fait quelques envolées ensemble, le samedi 9 avril, à Tagish. Sous un soleil gaillard, Ida Calmegane, une aînée de la Première nation Carcross/Tagish possédant des racines Tlingit a raconté des traditions de sa jeunesse, brossant de vastes pans d’un passé révolu. Un petit public composé de jeunes familles, de touristes et d’ornithologues amateurs a écouté religieusement la belle conteuse âgée de près de 90 ans. Lorsque quelques cygnes bruyants survolaient les lieux, la dame qui est presque aveugle demandait aux gens : « Combien y en a-t-il? »

Un petit public composé de jeunes familles, de touristes et d’ornithologues amateurs a participé à la célébration des cygnes, tenue à Tagish le samedi 9 avril. Photo: Cécile Girard
L’écoute
« Bien avant la construction de la route de l’Alaska, nous voyagions sur la rivière; c’était notre moyen de transport. C’est pourquoi Tagish est bâti sur le bord de la rivière. Jadis, il y avait beaucoup plus de maisons dans ce village. Plusieurs bâtisses ont maintenant disparu, emportées par les flots. Lorsque j’étais petite, j’ai appris à écouter les aînés. C’était très important de les écouter. Voici une histoire que ma grand-mère m’a racontée.
Le petit bonhomme
Un jour, un homme guettait les cygnes. À sa grande surprise, il remarqua un tout petit homme perché sur un cygne. Ce petit bonhomme mangeait la même nourriture que les oiseaux. Il traînait avec lui une petite chaudière qu’il remplissait d’herbages. L’homme décida de capturer ce drôle de petit gnome et le ramena au village. Le petit bonhomme parlait la langue Tagish, il pouvait donc communiquer avec les gens de l’endroit.
Temps difficiles
Au moment où ma grand-mère m’a raconté cette histoire, elle datait les événements à quatre grand-mères avant elle. À ce cette époque, des temps difficiles sont arrivés. Deux hivers s’étaient succédé l’un à la file de l’autre. Les provisions étaient épuisées. Les résidents de la région des lacs du Sud mouraient de faim. Un sorcier est venu à leur secours. Il chassa un caribou, le saigna et nourrit les gens avec le sang de l’animal. Ensuite, une femme du village fit un énorme bouilli avec la viande du caribou. Elle n’avait pas le goût de cuisiner quelque chose de différent pour le petit bonhomme. Elle lui proposa donc quelques cuillerées de bouilli de caribou. Il avait tellement faim qu’il accepta. Dans le milieu de la nuit, on l’entendit se plaindre. La viande de caribou l’avait rendu très malade. Avant de mourir, il dit aux gens : Je dois partir, mais je ne vous abandonne pas. Je serai de retour à chaque pleine lune et vous pourrez me voir dans la lune! »
Mme Calmegane était l’invitée du ministère de l’Environnement du Yukon, dans le cadre de la célébration annuelle des cygnes.
Arrivée hâtive
Les cygnes sont arrivés plus tôt cette année, et en plus grand nombre. Le 4 avril dernier, ils étaient plus de deux mille à chanter dans la nuit au havre des cygnes situé dans la baie de la rivière M’Clintock. Du jamais vu, ou plutôt du jamais entendu! Les statistiques tenues à cet endroit révèlent que toutes les moyennes ont été dépassées, voire fracassées. En route pour l’Alaska, ces oiseaux arrêtent à quelques endroits pour se reposer et se restaurer. On peut les voir à Johnson’s Crossing, Tagish, Carcross et au havre des cygnes dans la baie de la rivière M’Clintock.
On peut consulter en ligne un rapport quotidien (en anglais uniquement) préparé par le ministère de l’Environnement du Yukon.
Par ailleurs, le site ebird.org offre aussi un décompte des oiseaux du Yukon. Ces informations sont également en français, ce qui permet de bien nommer nos beaux amis ailés.