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le Jeudi 14 janvier 2016 16:14 Art et culture

Du théâtre sens dessus dessous

Un bazar très organisé par Camille Boitel, L’immédiat est un écroulement permanent. Photo: Vincent Baume
Un bazar très organisé par Camille Boitel, L’immédiat est un écroulement permanent. Photo: Vincent Baume

Attention! Un accident va se produire sur la scène du Centre des arts du Yukon à la fin de ce mois de janvier. L’immédiat débarque sur les planches, ici à Whitehorse, un spectacle de théâtre circassien créé et mis en scène en 2009 par Camille Boitel, jeune et talentueux auteur et comédien français.

« L’immédiat, c’est une sorte de situation impossible. Le spectacle commence, et tout s’effondre systématiquement, très vite, on se rend compte que c’est un espace invivable », explique Camille Boitel, et il ajoute : « On dirait la vie quotidienne, c’est comme si on vivait à l’intérieur d’une catastrophe, puis on repart à zéro, on essaie de reconstruire quelque chose, par petits morceaux. »

Un bazar très organisé par Camille Boitel, L’immédiat est un écroulement permanent. Photo: Vincent Baume

Un bazar très organisé par Camille Boitel, L’immédiat est un écroulement permanent. Photo: Vincent Baume

C’est un spectacle qui veut mettre en relief l’insaisissable du moment présent, et pour cela, la mise en scène entraîne le public dans une cascade sans fin, une cascade de rires face à l’absurde de l’immédiat.

Les différents rôles et personnages passent entre les mains des comédiens comme des jongleurs qui ne savent que faire de ces personnalités trop embarrassantes. Un des personnages est atteint de graves crises de lévitation, avec des montées de fièvre et de perte de gravité, elle a besoin d’être régulièrement ramenée au sol pour éviter de s’envoler. Un autre se casse la figure sans cesse, un autre encore est toujours en train d’essayer de s’enfuir.

L’idée première de Camille Boitel était de construire le décor avec des objets trouvés dans la ville où le spectacle se jouerait, idée qui s’avéra difficile à mettre en pratique à chaque représentation. Même si le décor est maintenant plus ou moins fixe, il garde la mythologie de sa création. « Le décor est constitué d’objets rejetés de la société, mis aux rebuts », explique le metteur en scène. « Une armoire trouvée dans la rue, une robe dans la rivière, des cartons, etc. », et tous ces objets sont devenus des vedettes dans ce spectacle méticuleusement fou, même s’ils étaient des épaves auparavant.

Les premières versions de ce spectacle ont été jouées dans une ancienne maison en train de s’écrouler. L’écroulement est certainement un des thèmes récurrents de ce spectacle aux confins du cirque et de la performance physique. Mais également « crouler », crouler sous les décombres pour les acteurs, et crouler de rire pour le public en assistant à ce déséquilibre incessant, cet univers qui se déconstruit et se reconstruit sans fin sous ses yeux.

De son arrière-grand-mère qui jouait avec des chiffons, à Samuel Beckett, l’auteur de En attendant Godot et chef de file du théâtre de l’absurde, en passant également par les performances géniales de Buster Keaton, les inspirations sont variées et les inspirateurs nombreux pour Camille Boitel.

Il confie que cela fait quelque temps que lui et sa troupe essaient d’arrêter de jouer L’immédiat, mais même après plus de 200 représentations, le public et les programmateurs continuent de le réclamer. « Si on a un contrat pour l’Alaska quelque part dans le Nord, alors oui, on pourrait le jouer une dernière fois », avait lancé en plaisantant Camille B. il y a peu de temps. Whitehorse est suffisamment au nord sur la planète pour l’avoir décidé à venir jouer L’immédiat ici, au Yukon, peut-être pour la dernière fois, qui sait? Dans cette tournée nord-américaine, la troupe jouera également à Vancouver, Montréal et New York.

L’immédiat semble être un éloge à l’impermanence, une étude pleine d’humour sur la précarité du moment présent. Comment saisir cet « immédiat » qui s’enfuit aussitôt qu’on prononce son nom? Comment l’empêcher de s’envoler dès que l’on tente de s’en saisir? Réponses sur la scène du Centre des arts du Yukon les 27, 28 et 29 janvier à 19 h 30.

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