Pierre-Luc Lafrance
Pour une deuxième année, Marie-Hélène Comeau a décidé de développer un projet d’art communautaire à travers La Caravane des dix mots. Cette fois-ci, elle a décidé d’explorer les mots à l’honneur par le biais de l’art éphémère (ou land art, une expression anglophone qui représente mieux la démarche).
Qu’est-ce que l’art éphémère? « Traditionnellement, les artistes s’inspiraient du paysage. Puis, dans les années 1960, certains ont décidé d’aller plus loin en utilisant la nature comme matériel de création. »
Le choix d’utiliser cette forme d’art contemporain au Yukon s’est rapidement imposé. « On vit dans un super bel environnement, pourtant il n’y a pas beaucoup de land art ici. Lors de mes interventions dans les écoles, j’ai vu quelques professeurs l’utiliser, mais il n’y en a pas tant que ça, alors je me suis dit que c’était une belle façon d’introduire non seulement les mots, mais cette façon de créer. »
Elle a approché Karine Bélanger, une enseignante du programme FACES à l’École F.-H.-Collins pour participer à son projet. « C’est un programme expérientiel qui en est à sa deuxième année et qui met l’accent sur le plein air. Je trouvais que ça se mariait bien avec le land art de voir des mots de français dans un programme en français qui se fait à l’extérieur de la classe et de l’école. »
Mme Comeau est enchantée de l’expérience. « Ça a été au-delà de mes espérances. Il y a un beau potentiel pédagogique avec la Caravane. Je suis d’abord intervenue avec les jeunes en classe et ils ont fait des recherches sur les mots. Ensuite, ils ont formé des équipes et on s’est rendu dans différents lieux : le centre-ville, l’île en face du camping Robert-Service, etc. En changeant d’environnement, on changeait de matériaux. » En effet, la première sortie s’est faite dans le froid de février, avec une neige dure et épaisse, alors que deux mois plus tard, la neige fondait, ce qui exposait le bois et les roches.
« Chaque équipe devait créer une œuvre en se servant du potentiel du lieu. À la fin, on avait une galerie d’art à ciel ouvert qu’il était possible de visiter. Chaque équipe devait expliquer son œuvre et son lien avec le mot choisi. »
La vision des jeunes des différents mots avait quelque chose de saisissant. Par exemple, pour le mot « cibler », une équipe a fait un escalier pour représenter les différentes cibles et les différentes étapes dans le parcours de chaque individu.
Une vidéo de la démarche artistique sera réalisée par trois jeunes du programme Encore (ExpressioN artistique, COmmunication, Recherche, Épanouissement). Ce projet deviendra aussi un travail scolaire qui sera noté.
Comme il s’agit de la deuxième année de la Caravane boréale des dix mots, Mme Comeau sent un effet d’entraînement. Elle a été contactée par différentes écoles pour faire des interventions en classe, elle va même offrir une formation sur l’art éphémère à des adultes qui suivent des cours de français. Au-delà de son partenariat avec les jeunes du programme FACES, elle travaille aussi avec les jeunes de La garderie du petit cheval blanc, du service de garde et de la maternelle à l’École Émilie-Tremblay. « À l’origine, je voulais mettre en relation les étudiants du programme FACES avec les jeunes de la garderie, car j’aime créer des liens. »
Si elle n’a pu le faire pour tous les mots par manque de temps, elle a au moins pu vivre l’expérience avec le mot « inuit ». Les jeunes de la garderie ont fait des recherches sur les Inuits et ont découvert qu’ils aimaient faire des casse-tête avec des os d’animaux. « À partir de cette idée, ils ont ramassé des branches et les ont peintes avant de décider ensemble du type de casse-tête que ça pouvait faire. Cela a donné un gros poisson. » Ensuite, quand l’artiste est retournée voir les jeunes du programme FACES, elle leur a demandé d’intégrer les branches des petits dans leur propre création. »
Exposition ambulante
Comme l’an dernier, Mme Comeau a transformé son ancien camion de Postes Canada en galerie ambulante. Cette fois-ci, l’intérieur du camion est devenu une petite forêt miniature où les dix mots prennent racine. Elle a ainsi présenté le projet lors de Secondaire en spectacle et lors du 5 à 7 au Musée MacBride pour la Journée de la francophonie yukonnaise. « Je trouve ça le fun, car ça donne de la visibilité auprès de la communauté et ça permet aux gens d’avoir une autre expérience d’une exposition que par une galerie d’art, un peu comme le fait Nuit blanche : sortir l’art de ses murs et l’amener dans le quotidien des gens. »
Mme Comeau présentera aussi sa caravane le 11 juin dans le cadre de la kermesse qui aura lieu à l’École Émilie-Tremblay. Le hasard fait d’ailleurs que « kermesse » fait partie des dix mots cette année. Ce sera d’ailleurs l’occasion de voir les créations des plus jeunes. En effet, l’exposition est appelée à évoluer dans le temps, alors ceux qui l’ont déjà vue peuvent revenir et découvrir des éléments qui n’y étaient pas la fois précédente.
Enfin, l’exposition Caravane jeunesse présentée par l’AFY en collaboration avec le JEFY et La Caravane des dix mots sera présentée du 5 juin au 4 septembre dans la salle communautaire du Centre de la francophonie. À cette occasion, plusieurs œuvres de jeunes artistes seront mises en valeur, ainsi que des éléments de La Caravane boréale des dix mots. Par exemple, ce sera possible de jeter un coup d’œil sur le journal de bord des jeunes du programme FACES qui partagent leur réflexion à travers un journal de création. Le vernissage aura lieu le 5 juin dans le cadre d’un 5 à 7 lors du Café-rencontre.
Cette année, les artistes devaient s’inspirer des mots suivant : amalgame, bravo, cibler, grigri, Inuit, kermesse, kitsch, sérendipité, wiki, zénitude.