Marie-Hélène Comeau
Ces jours-ci, les bureaux de l’organisme Yukon Film Society grouillent d’effervescence et pour cause; l’organisme fête 30 ans de présentation de cinéma indépendant en sol yukonnais.
« Nous avons très peu d’information sur les débuts de l’organisme qui remontent à 1984. Il s’agissait d’un groupe de citoyens bénévoles qui s’est réuni dans le but de pouvoir faire venir des films à caractère politique et social au Yukon », explique Andrew Connors, directeur de l’organisme Yukon Film Society. « Nous ne sommes toutefois pas des pionniers dans ce domaine au territoire puisque de tels organismes ont déjà existé aussi loin qu’au début des années 1960 », ajoute-t-il.
Il faut rappeler qu’avant l’arrivée du support vidéo, il était dispendieux d’acheminer les bobines de film au nord du 60e parallèle.
« On devait négocier des commandites avec la compagnie aérienne de l’époque, car les caissons métalliques de par leur dimension et leur pesanteur, rendaient leur transport inabordable », se souvient Carole Trottier qui était au moment de la création de la Yukon Film Society, agente en développement culturel de l’Association franco-yukonnaise. « Je me souviens que nous avions déjà une belle collaboration avec la Yukon Film Society qui nous aidait à présenter des films en français au Yukon. À l’époque, on faisait venir un film qui pouvait être présenté dans les écoles le jour et à la communauté en soirée », ajoute-t-elle.
D’organisme modeste qui présentait à l’occasion des films à caractère social et politique dans les salles communautaires ou dans les gymnases des écoles, les activités de la Yukon Film Society ont pris de l’ampleur au fil des ans. L’organisme présente désormais un festival annuel de films Available Light Festival, un certain nombre d’ateliers de formation, le prêt d’équipement et cette année un projet d’envergure invitant quatre artistes du Yukon à créer chacun un court documentaire sur le territoire.
« Nous sommes à la fois très stimulés et heureux de ce projet qui permet l’exploration multimédia du film », souligne Andrew Connors. « Les artistes ont un an pour réaliser chacun une œuvre à saveur sociale, politique ou environnementale en lien avec le Yukon. Ils ont carte blanche dans le processus de création et il devrait être possible de voir le résultat des œuvres à l’automne 2015 », confie Andrew Connors.
Les quatre artistes sélectionnés sont Allan Code, Carol Geddes, Dan Sokolowski et Maten Berkman. Ce dernier se dit privilégié de participer à cette aventure créative. « Ça coûte très cher de faire un film et nous avons souvent les mains liées dans notre création puisque nous devons satisfaire aux exigences de nos commanditaires. Lorsqu’un projet comme celui de la Yukon Film Society arrive dans notre vie, un projet qui supporte et fait confiance aux artistes, c’est un vrai cadeau qui nous permet de poursuivre notre exploration créative », explique-t-il.
Le 30e anniversaire a été lancé officiellement cet automne avec la tenue au Centre des arts du Yukon d’une rétrospective de quelques films que l’organisme a pu présenter au fil des ans. Parmi les films marquants au programme, soulignons les films québécois CRAZY de Jean-Marc Vallée et Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau, « Nous avons essayé de présenter des films provenant des différentes provinces et des territoires du pays. Le choix n’a pas été facile. Nous y sommes allés avec les suggestions du public et notre sélection. Au final, nous sommes heureux de notre programmation », affirme Andrew Connors. Questionné sur l’avenir de l’organisme, ce dernier avoue rêver d’une collaboration accrue entre les trois territoires qui pourrait éventuellement permettre la présentation d’un symposium nordique sur le film.
« Il est bon de continuer de rêver », confie-t-il. « Malgré les changements des dernières années, il y aura toujours un désir des gens de se réunir pour voir un film. Bien qu’il y ait de nouvelles façons d’aborder le cinéma (écran d’ordinateur, téléphone intelligent, etc.), en ce qui me concerne, ça n’a pas affecté mon plaisir de visionner des films sur grand écran. Mais je suis de la vieille génération. J’ignore quelle sera la relation qu’aura la prochaine génération avec ce médium », explique-t-il. « Une chose est certaine toutefois, la Yukon Film Society va continuer à enrichir l’expérience cinématographique au Yukon. Et puis, il ne faut pas oublier; peu importe la technologie empruntée, ce qui est important, c’est avoir une histoire à conter », conclut Andrew Connors.