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le Vendredi 12 septembre 2014 9:34 Art et culture

Entretien avec le photographe nature Nicolas Dory

Nelly Guidici

Nicolas Dory est un photographe autodidacte. C’est sa passion pour les oiseaux qui l’a mené vers la photographie nature en 2003. Originaire de la région parisienne en France, il a posé ses valises au Yukon à l’automne 2008. Depuis, il ne cesse de photographier le Yukon à travers des portraits animaliers ou des paysages.

Un lynx photographié pendant la saison hivernale. Photo : Nicolas Dory — www.nicolasdory.com.

Un lynx photographié pendant la saison hivernale. Photo : Nicolas Dory — www.nicolasdory.com.

Il s’est confié à l’Aurore boréale sur ses plus belles expériences et rencontres au territoire.

Quels sont vos premiers souvenirs de photos au Yukon?

C’est l’ambiance hivernale avec les premières neiges. À partir du mois de novembre, quand on a eu de belles neiges, quand les ruisseaux et les lacs ont commencé à geler et à avoir une couleur bleu-turquoise, c’était vraiment magnifique. Ce sont ces premières séries de photos qui m’ont vraiment marqué et donné envie de rester.

Qu’est-ce que vous aimez dans la photo nature?

L’observation des comportements des animaux, c’est vraiment ce que j’aime. Je pense qu’il faut avoir un côté naturaliste quand tu fais de la photo animalière, car tu es obligé de connaître des espèces. Tu dois connaître leur habitat, leurs différentes habitudes, leurs comportements et faire du repérage aussi. Sur certaines espèces, il y a parfois pas mal de repérages avant de sortir l’équipement photo. Par repérage, j’entends aller repérer des zones où les animaux ont l’habitude d’aller, faire des observations à la jumelle. En hiver, il faut voir des zones où l’animal passe souvent et où il a ses habitudes. Mais parfois, il y a des animaux qui bougent en permanence. La chance joue aussi, mais le plus important est de savoir chercher et repérer l’habitat de l’espèce que l’on veut photographier.

Est-ce que ça vous est arrivé de partir plusieurs jours et de ne rien voir malgré des pistes que vous aviez repérées?

Ça m’est arrivé, oui! J’étais parti en ski plusieurs jours dans la vallée Ibex. J’avais repéré une zone avec des traces fraîches de lynx. J’ai bivouaqué plusieurs jours là-bas, mais sans succès.

Vous avez descendu la rivière Porcupine en canoë en août 2013. Quel était le projet en amont du voyage?

On voulait faire une descente de rivière avec un ami et notre choix s’est porté sur la rivière Porcupine pour observer la migration des caribous. On a été chanceux, car on est tombé en plein dedans. Pendant trois jours, on a pu observer des caribous toute la journée. Ils étaient tous séparés en petits groupes de 15 à 30. Ils étaient tous un peu indépendants le long de la rivière. On les a vus traverser, faire des va-et-vient dans la rivière, se reposer. Le nombre de fois où on les a vus nager devant notre canoë, c’était vraiment impressionnant. On ne s’attendait pas à voir ça. Ils nous ont complètement acceptés et on était intégré au paysage pour eux. Je pense que c’est l’avantage du canoë comparé au bateau à moteur. Souvent, ils associent le bruit du moteur à la chasse, car les membres de la Première nation Vuntut Gwitchin de Old Crow montent la rivière en bateau à moteur pour la chasse. Ils n’étaient pas du tout nerveux avec nous, et plus d’une fois, quand notre campement était posé, ils s’approchaient vraiment très près de nous. Ça nous a vraiment surpris. Ils étaient juste curieux, et comme ils n’ont pas une très bonne vue, ils voulaient, je pense, nous sentir.

Êtes-vous satisfait des photos que vous avez faites lors de ce voyage?

Oui, je ne pensais pas avoir autant de chance avec les caribous. Le ciel était pourtant bien couvert et sombre, mais c’était une super expérience et j’ai rapporté de superbes images pour moi. C’était une belle expérience de descente de rivière et d’observation animale.

Est-ce que vous recommandez aux personnes qui seraient tentées par la photo animalière de faire l’expérience de descendre une rivière en canoë?

Oui, je pense que le canoë de manière générale, que ce soit en lac ou en rivière, est un super moyen d’observation. Dès que tu es sur l’eau, les animaux se méfient moins. Quand tu es sur un canoë ou en kayak, ça casse la forme humaine, alors que dès qu’ils voient une forme humaine souvent ils ont peur. Le fait d’être assis ça aide beaucoup. Puis tu fais beaucoup moins de bruit aussi que quand tu marches.

En février dernier vous avez pris une photo de loup noir, comment ça s’est passé?

C’était vraiment une belle rencontre avec un loup noir solitaire et curieux qui se baladait dans les environs du lac Snafu. On a vraiment eu de la chance, le loup ne se méfiait vraiment pas de nous et il était en train de renifler les odeurs dans la neige et essayer de trouver des choses à manger.

Quelle est l’une des plus belles rencontres animalières que vous avez faites?

Une des plus belles rencontres que j’ai faites, c’était avec un lynx dans les montagnes Ogilvies en plein hiver. J’avais repéré un des seuls ruisseaux qui n’était pas encore gelé, et j’avais repéré des traces de loup qui remontaient le long de la rivière. À la suite de cette découverte, j’ai pris mon matériel et j’ai suivi les traces de loup en ski. Après trois ou quatre kilomètres, aux derniers rayons de soleil, j’ai vu un lynx de l’autre côté du ruisseau. Il était à dix mètres de moi, en boule en train de dormir. Du coup, je me suis arrêté, car une occasion comme ça ne se rate pas. Je me suis posé là et j’ai attendu qu’il se réveille. On a passé trois heures ensemble et j’ai eu droit à la sieste, aux étirements, aux séances de chasse au lièvre dans les buissons.

Proposez-vous un calendrier de photos pour l’année 2015?

Oui, c’est la deuxième édition. L’année dernière, j’ai vendu tout mon stock et comme j’avais eu des retours positifs, j’en ai sorti un aussi pour l’année prochaine.

Combien en avez-vous imprimé cette année?

Ce n’est pas fixe, car j’imprime beaucoup à la demande. Dès que les revendeurs ont des ruptures de stock, ils repassent commande. L’année dernière, j’en ai vendu 500, je pense que cette année je suis proche de 1000 exemplaires. Cette année, ils sont en vente à Whitehorse, à Carcross et à Dawson. Je fais aussi beaucoup de vente directe par mon site Internet.