Marie-Hélène Comeau
À 81 ans, presque surpris par tant d’attention, l’artiste Jim Robb, celui qui a pris l’habitude de peindre l’histoire des Yukonnais depuis six décennies, dévoilait exceptionnellement la sienne, l’instant d’une présentation. Ému, l’artiste a pris timidement la parole devant une foule attentive au moindre mot de ce doyen des couleurs.
On lui doit l’expression The Colourful Five Pourcent qui décrit les personnages qui ont foulé le sol yukonnais ces derniers 60 ans. Des personnages que l’artiste, dès son arrivée au Yukon en 1955, n’a pas tardé à immortaliser dans ses dessins et aquarelles.
« Un jour, alors que je devais écrire un article pour le journal Whitehorse Star, l’expression The Colourful Five Pourcent m’est alors venue en tête pour désigner les personnages uniques que je rencontrais au Yukon. Chaque époque contient son lot de 5 %, même aujourd’hui. Mais à cette époque, ils étaient plus spectaculaires. Je peux dire que j’ai vécu à une époque où les gens étaient des personnages plus grands que nature », a-t-il confié lors du vernissage de l’exposition Jim Robb’s Yukon, une rétrospective de ses œuvres.
Originaire de Montréal, Jim Robb est arrivé à Whitehorse en 1955 alors que la ville ne comptait que 4 000 à 5 000 âmes. Le centre-ville de Whitehorse de cette époque était composé de quartiers aujourd’hui disparus, comme celui de Whiskey Flats où se trouve aujourd’hui le bateau S. S. Klondike. C’est d’abord cet endroit avec ses bâtiments, des cabanes comme il s’amuse à les nommer, ainsi que ses habitants qui l’ont inspiré durant toutes ses années de création. L’artiste a d’abord gagné sa vie en dessinant sur des peaux tannées des paysages yukonnais. Ensuite, vers 1960, Jim Robb a commencé à créer sur papier des aquarelles représentant les gens qui peuplaient son quotidien. C’est ainsi qu’il a commencé par amour pour ces derniers à archiver à sa façon les gens et les histoires de son temps comme un hommage à ceux qui ont habité ces lieux aujourd’hui disparus.
Plusieurs des œuvres de l’artiste se trouvent d’un bout à l’autre du territoire, du pays et même au-delà des frontières canadiennes. Afin de pouvoir présenter une rétrospective des œuvres de l’artiste, il aura fallu faire appel au public, nécessitant ainsi une recherche de plus de six mois.
« Lorsqu’on m’a approché avec cette idée d’exposition, je me suis dit que ça ne fonctionnerait pas, qu’on arriverait tout au plus à retrouver qu’une douzaine de mes œuvres. Je n’en reviens pas que plus d’une centaine de personnes ont pu répondre à l’appel. Je suis vraiment impressionné et heureux du résultat, car je n’ai jamais pensé qu’un jour mes œuvres seraient toutes réunies à un même endroit », a avoué humblement l’artiste avant d’entreprendre avec un plaisir évident la description de certaines d’entre elles.
C’est ainsi que des histoires yukonnaises ont défilé au fur et à mesure que l’artiste passait en revue les tableaux qui ornent les murs de la galerie d’art du Centre des arts du Yukon. D’abord timidement, l’artiste a rapidement pris assurance et plaisir à partager une partie de l’histoire inconnue pour la jeune génération yukonnaise. L’émotion et surtout l’écoute étaient indéniablement au rendez-vous.
L’exposition est présentée à la galerie du Centre des arts du Yukon jusqu’au 23 août.