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le Lundi 28 avril 2014 12:20 Art et culture

Yukonstyle : le film

Photo prise lors d’une représentation de la pièce à Montréal. Photo : Valérie Remise.
Photo prise lors d’une représentation de la pièce à Montréal. Photo : Valérie Remise.

Pierre-Luc Lafrance

La pièce de théâtre Yukonstyle de l’auteure Sarah Berthiaume va connaître une deuxième vie, cette fois sur les grands écrans. En effet, la maison de production La Boîte à Fanny a acheté les droits de l’œuvre. Le projet a depuis été accepté dès sa première demande à la SODEC pour une subvention pour l’écriture d’une première version du scénario.

Au printemps 2008, Sarah Berthiaume est venue visiter un ami qui avait déménagé au Yukon – il y vit toujours d’ailleurs. « Je n’avais pas beaucoup d’argent, alors je suis partie de Montréal en bus Greyhound. Au total, je suis restée un mois, un mois et demi. »

Sarah Berthiaume. Crédit : Jérémie Battaglia.

Sarah Berthiaume. Crédit : Jérémie Battaglia.

Elle a été marquée par les grands espaces yukonnais. « Je me sentais comme les Français qui viennent au Québec et qui sont étonnés de voir l’espace qu’on a », raconte-t-elle. Dès son retour, son expérience lui a inspiré une pièce de théâtre, Yukonstyle. La pièce a connu un beau succès et a été jouée partout dans le monde (Montréal, Toronto, mais aussi en France, en Allemagne, en Belgique, en Suisse et en Autriche).

Des racines de la pièce

« La pièce est très librement inspirée de ce que j’ai vécu et de certaines rencontres que j’ai faites au Yukon. Mais ce n’est pas autobiographique. » Parmi les rencontres marquantes, il y a la conjointe de son ami, une Japonaise qui a choisi d’émigrer au Yukon, car à l’époque, c’était un des endroits d’expression anglaise où il y avait la plus faible immigration japonaise. D’ailleurs, dans les rencontres qu’elle a faites, il y avait une constante. « Les gens étaient au Yukon pour repartir à neuf, pour se réinventer, pour se donner une seconde chance. Et ça m’a inspirée dans la création de mes personnages. »

Elle a connu le Yukon au printemps, mais elle a été impressionnée par ce que les gens lui ont raconté de l’hiver : le froid extrême, l’ensoleillement qui se fait rare.

Elle a aussi lu plusieurs des œuvres de Robert Service et s’est immergée dans la mythologie de la Ruée vers l’or. « Tous ces éléments se sont mélangés avec des éléments de culture japonaise. Et peu après mon retour, je suis allée à Vancouver et on y parlait de Robert Pickton et des femmes qu’il avait assassinées, et ça aussi est venu nourrir mon écriture. »

En quête d’identité

L’histoire se déroule dans une maison mobile au Yukon où quatre personnages doivent cohabiter. Le récit met en relief les grands espaces du Yukon et le destin individuel de chacun de ces personnages enfermés dans cette maison mobile de deux pièces. Il y a Yuko, une Japonaise en exil après le deuil de sa sœur; Garin, un Métis amérindien, son colocataire un peu ours; Dad’s, son père, un vieux loup solitaire et Kate, une adolescente paumée qui vient de traverser le pays en autobus. On découvre la quête de chacun de ses personnages partis au bout du monde pour se trouver eux-mêmes.

Le tout raconté dans un style propre au réalisme magique avec, à l’occasion, l’apparition du corbeau, personnage important de la mythologie amérindienne du Nord-Ouest, qui vient ici pour pousser les personnages à se révéler. « Par moment, il y a une brèche dans le quotidien à travers le corbeau, mais aussi par des moments plus poétiques. Il y a deux niveaux de langage dans la pièce : celui des dialogues qui est plus cinématographique et un autre plus poétique lorsque le territoire prend parole. À certains moments, les personnages quittent la situation et offrent un monologue dans une langue poétique et formelle. Dans ces moments, ils prennent du recul par rapport à ce qu’ils vivent, c’est comme si le Yukon parlait à travers eux. »

Des défis de l’adaptation

Pour l’auteure, le plus grand défi est de faire passer la langue théâtrale dans le film. « Pour les dialogues, c’est facile, mais pour l’autre niveau de langage, il faudra s’appuyer sur les images. En ce moment, j’explore pour trouver la façon de transposer cet effet de réalisme magique en jouant avec l’espace, le silence et les images. Je dois trouver une façon d’intégrer cet élément magique, sans tomber dans le quétaine. »

Elle a beaucoup écrit pour le théâtre et la télévision, mais il s’agit pour elle d’une première expérience au cinéma. « C’est très excitant. Et j’ai la chance d’être bien appuyée. Fanny-Laure Malo la productrice m’accompagne là-dedans. Je me sens épaulée et non avalée par la grosse machine. »

La pièce n’a jamais été présentée ici, mais elle aimerait bien qu’elle voie le jour dans l’endroit qui l’a inspirée. « En ce moment, il n’y a pas de projet en ce sens, mais le texte existe, alors s’il y a des gens de théâtre au Yukon qui veulent le faire, que ce soit en français ou en anglais, je suis ouverte. » Sinon, le film devrait paraître en 2016.

Photo prise lors d’une représentation de la pièce à Montréal. Photo : Valérie Remise.

Photo prise lors d’une représentation de la pièce à Montréal. Photo : Valérie Remise.