Fred Lauk
Un nouveau super héros vient de faire son apparition dans la galaxie DC (Detective Comics, le plus important éditeur de bandes dessinées occidental avec Marvel), et preuve de sa volonté d’ouverture, Equinox est une femme et qui plus est, fait partie des Premières nations.
Quel est selon vous le vrai marqueur de l’état de la société? La liberté de la presse? L’écologie? L’alphabétisation? Les droits de l’homme? De la femme? Le travail des enfants? Non. Le vrai marqueur de notre société ce sont les super héros!
Si à première vue, le sujet peut paraître futile, il est en réalité très profond. D’ailleurs, les premiers super héros n’étaient-ils pas Hercule, Prométhée, Ulysse, Thor? Lorsqu’on lit des bandes dessinées, avec du recul, on s’aperçoit très vite de leur complexité psychologique. On y parle de traumatisme infantile, de troubles de la personnalité, de moralité, de frustration, de schizophrénie (au sens commun), de la transformation corporelle à l’adolescence… mais surtout, surtout, de sexualité! D’érotisme, de fantasmatique et de sublimation de la libido, etc. Ça y est, vous êtes intéressés?
Au début des comics, dans les années 1940 aux États-Unis, un Superman quadragénaire très « WASP » défendait les braves Américains habillé des couleurs de l’Amérique (avec son slip par dessus le pantalon), Captain America luttait avec les mêmes couleurs contre les nazis en Europe. Puis, avec la peur de l’arme atomique, on a eu Hulk ou encore Docteur Manhattan qui résultent d’expériences sur le rayonnement qui ont mal tourné.
Puis, avec la libération des mœurs et aussi ce que l’on nomme la modernité, les super héros se sont mis à être différents de la « norme » (pour faire simple, l’archétype du grand blond aux yeux bleus) : Hancock ou Tony Stark sont alcooliques, Daredevil est aveugle, Green Lantern ou Batwoman sont homosexuels, Hellboy a des problèmes d’humeur, etc. Sans oublier les super héros farfelus comme Super-Résistant, le bedonnant Monsieur Indestructible ou Captain Orgazmo (on vous laisse deviner son super pouvoir!).
Si les femmes ou les Noirs sont apparus relativement rapidement dans l’univers des super héros (respectivement en 1941 et 1966), il est un peuple qui n’était jusqu’alors pas représenté : celui des Premières nations. C’est désormais chose faite avec Equinox, l’adolescente crie dont les pouvoirs changent avec les saisons.
Son créateur est un Torontois de quarante ans du nom de Jeff Lemire. Une fois que ce dernier a reçu les rênes de la Ligue des justiciers unis (ex-Ligue des justiciers Canadiens, le pendant de la Ligue des justiciers américains ou des Vengeurs chez Marvel), ce dernier est allé chercher de l’inspiration directement dans le Nord, dans les communautés de Moosonee ou Moose Factory du côté de la baie James.
C’est une adolescente de 16 ans de la communauté crie qui a servi de modèle à Equinox. Elle est quasiment homonyme et lui ressemble trait pour trait. La classe!
Dans une entrevue avec nos collègues de CBC, l’auteur dit beaucoup respecter la culture aborigène et apprécier leur sens de l’humour. L’ambiance nordique et reculée des lieux (on y accède par avion) est assurément propice à l’imagination. Ainsi, une ancienne base du Norad datant de la guerre froide devient sous le crayon du dessinateur un repaire d’extra-terrestres! Il n’en reste pas moins que ce sont les problèmes liés à l’alcoolisme qui ont touché Jeff Lemire et dont on peut supposer qu’ils seront les préoccupations de la lycéenne aux pouvoirs surhumains.
Ainsi, l’émergence d’Equinox montre l’ouverture des peuples premiers à la bande dessinée, et réciproquement.
On trouvera les aventures d’Equinox dans les pages de la Ligue de justice unie. On lui souhaite le même succès qu’à Wolverine qui était jusque-là quasiment le seul super héros canadien (Captain Canuck est trop discret). Et qui sait, un jour les éditeurs décideront peut-être de leur faire croiser leurs chemins respectifs? Aux dernières nouvelles, Wolverine était toujours célibataire.