Pierre-Luc Lafrance
L’autoroute 16 est aussi appelée autoroute des larmes (Highway of Tears) à cause de toutes les histoires d’enlèvement qu’il y a eu sur le tronçon de l’autoroute entre Terrace et Prince Georges en Colombie-Britannique.
Quand il est passé dans ce coin en auto, Keith Barker n’avait jamais entendu l’histoire de ces disparitions de jeunes femmes dans ce coin de pays. Mais, après avoir vu une affiche qui annonçait l’autoroute des larmes, il a questionné les gens à ce sujet. Il a découvert une histoire qui hante les gens du coin avec des dizaines de disparitions de jeunes femmes sur plus de trois décennies, dont la plupart ne sont toujours pas expliquées à ce jour. De retour chez lui, il a fait des recherches sur cette situation, entre autres, dans les archives de journaux. Finalement, il s’est dit qu’il devait en faire une pièce de théâtre afin que les gens en entendent davantage parler, autant au Canada qu’à l’extérieur. Cela a donné la pièce « The Hours That Remain ».
La pièce raconte donc l’histoire de Denise, une femme déchirée par la disparition de sa sœur sur cette route maudite. Incapable d’attendre l’avancée de l’enquête officielle, elle se met à fouiller dans les rapports de police et les archives de journaux dans l’espoir de trouver sa sœur. Elle réussira à faire des recoupements entre sa sœur et d’autres cas dans la région. En même temps, on suit les déchirements que cette quête amène dans son couple avec son époux Daniel. La pièce de 60 minutes suit l’enquête de Denise, mais met surtout l’accent sur les sentiments et la psychologie de ceux qui restent et qui doivent vivre avec ce deuil incomplet tant qu’on ne retrouve pas le corps. Ce deuil teinté d’espoir… souvent vain. « Keith a écrit une histoire difficile, mais avec beaucoup d’amour. C’est tellement beau que je n’ai pas dû y penser longtemps avant d’entreprendre ce projet », soutient l’actrice Christine Wesley Grenier.
La pièce a été présentée une première fois en 2011 avant d’être montée une deuxième fois ce printemps par le Théâtre Gwaandak. La troupe a d’abord joué à Vancouver à la fin février avant de faire deux représentations à Dawson. Enfin, le Centre des arts du Yukon accueillera la pièce du 5 au 8 mars à 20 h.
Les trois acteurs sont Eli Ham qui incarne le rôle de Daniel, Christine Wesley Grenier tient le rôle de Denise et Melaina Sheldon se met dans la peau de différents personnages, dont celui de la sœur disparue. Le Théâtre Gwaandak était particulièrement fier d’avoir pu trouver du talent local. En effet, les deux femmes sont yukonnaises (Christine est d’origine amérindienne du côté de sa mère et Franco-Ontarienne du côté de son père, alors que Melaina, qui est également membre des Premières nations, est originaire de Teslin). Quant à Eli Ham, c’est un acteur de Toronto. Ami de Keith Barker, il est associé au projet depuis le début. Le sujet a une résonnance particulière pour lui. « Ma sœur travaille dans la région de Vancouver et elle est en contact avec des gens qui travaillent dans ce segment de l’autoroute. Ma mère travaille dans le domaine de la violence faite aux femmes, alors je connaissais ce sujet avant de commencer la pièce. Je crois que c’est un problème national qui va au-delà des frontières d’une seule province. »
Cette pièce a été pensée en fonction d’un public de 14 ans et plus. La pièce est donc aussi présentée à un public scolaire. D’ailleurs, il y a un guide pédagogique qu’on peut télécharger sur le site de Théâtre Gwaandak. Un document qui peut intéresser non seulement les professeurs, mais le public en général qui voudrait aller plus loin dans cette histoire. Des ateliers sont aussi offerts dans les écoles.
Bien que plusieurs membres de l’équipe soient capables de s’exprimer en français, la pièce est présentée seulement en langue anglaise.