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le Mercredi 25 septembre 2013 18:41 Art et culture

One/Un : sur la trace de notre unicité

Du 8 au 12 octobre prochain, l’auteur et comédien d’origine iranienne Mani Soleymanlou présentera au Old Fire Hall de Whitehorse le monologue One/Un. Comme une ode au multiculturalisme, ce spectacle retrace le parcours identitaire de l’artiste immigré tiraillé entre son Iran natal, une terre d’exil appelée France, et le Québec où il réside aujourd’hui. Un récit autobiographique truffé d’interrogations sur l’authenticité des origines et de l’appartenance.

Identités multiples

Tout a débuté en 2009 lorsque le théâtre montréalais du Quat’Sous propose à Mani Soleymanlou de partager son parcours d’immigrant sur scène. Au fil du texte sur lequel il travaille, le comédien finit peu à peu par se plonger dans une réflexion mâtinée de doutes et de questionnements sur ses identités multiples.

Mani Soleymanlou partagera ses réflexions et questionnements sur les identités multiples. Photo fournie

Mani Soleymanlou partagera ses réflexions et questionnements sur les identités multiples. Photo fournie

Mani Soleymanlou s’était à l’origine réservé une « petite soirée » pour se pencher sur le sujet, mais plus il écrivait, plus il se prenait à ce jeu introspectif.

« Je ne pense pas que je me serais intéressé à ce thème si on ne m’avait pas donné l’occasion d’en parler », explique le comédien. « Quand la porte s’est ouverte, je ne pensais pas avoir à dealer avec un sujet aussi important et chargé de sens. J’étais un peu inconscient par rapport à cela et je ne pensais pas que cela allait autant résonner. »

Entre Paris et Téhéran

Comment nommer ce que l’on est et d’où l’on vient? Que reste-t-il de notre identité marquée par tous ces pays et toutes ces villes, ces langues et tous ces accents? Et comment cette somme d’expériences peut-elle influer sur l’identité que l’on croit détenir?

Autant de questions sur lesquelles s’est penché celui dont la famille a quitté l’Iran pour la France. C’était en 1984 et le petit Mani avait à l’époque deux ans. Jusqu’en 1998, deux voyages à Téhéran rythmeront chaque année les vacances de l’adolescent; jusqu’au jour où la répression finit par le rattraper. Celle-là même à l’origine de l’exil des ses parents.

« J’ai un souvenir relativement clair [de l’Iran] jusqu’à l’âge de 16 ans, quand nous avons arrêté d’y aller », se souvient Mani Soleymanlou. « Après ça, il y avait le service militaire, et tous les jeunes de plus 16 ans nés après la Révolution islamique de 1979 n’avaient plus le droit de quitter le pays une fois en terre iranienne », précise-t-il.

En perte de repères

Quinze ans ont passé depuis la dernière fois où le comédien a foulé le sol de son pays natal. Le temps a fait son œuvre et les souvenirs que l’artiste garde de l’Iran finissent par se dissiper peu à peu. Son appartenance même à la société iranienne et à sa jeunesse n’est à ses yeux plus une certitude.

« Aujourd’hui, je ne sais plus ce que l’Iran représente. C’est un souvenir qui devient de plus en plus flou. Ce qui était un jour viscéral est maintenant devenu un vague souvenir; même si j’y retourne aujourd’hui, tellement de choses auront changé », explique-t-il. « Quand je vois dans quel état se trouve la jeunesse iranienne et la façon dont elle se bat pour son pays, je me demande moi-même si, confortablement installé dans ma vie d’exilé, je suis en droit de porter ce titre-là d’Iranien. Je ne le sais pas. Quand je rencontre des Iraniens qui viennent de quitter l’Iran, je réalise qu’il existe un écart énorme entre nous, et je pense que ce serait encore plus troublant une fois sur place. »

Décrypter l’Iran

Un retour au pays que le comédien n’envisage guère pour le moment. Son monologue n’épargne en effet pas le régime. Fait du hasard, Mani Soleymanlou a écrit sa pièce au moment où les révoltes postélectorales de 2009 grondaient. La médiatisation des événements – notamment grâce au réseau social Twitter – lui a donné une vision « un peu plus claire » de la situation en cours en Iran.

« La répression me donnait l’heure juste sur ce qui se passait. Aujourd’hui, avec le départ d’Ahmadinejad et l’élection d’un nouveau président modéré, je trouve que la situation est devenue un peu plus tiède », confie-t-il. Si le régime chutait, précise-t-il encore, l’Iran serait sans nul doute sa première destination de voyage.

One/Un sera présenté les 8, 11 et 12 octobre en anglais, et les 9 et 10 octobre en français. Une pièce bilingue qui ne manquera pas de résonner auprès d’un public francophone composé d’immigrés pour la plupart originaires de France et du Québec.

« J’ai parlé à des Bretons qui me disaient qu’ils se sentaient déracinés à Paris. Je crois que les Québécois hors Québec vivent la même chose, et cela est d’autant plus vrai pour les Français du Yukon », affirme Mani Soleymanlou. « Certaines personnes sentent ce déracinement à l’intérieur même du pays, d’autres l’ont quitté, mais se foutent de leur pays d’origine et d’autres encore le vivent un peu partout. C’est une quête personnelle qui se traduit de façon universelle une fois que tout le monde se l’approprie. »