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le Mercredi 26 juin 2013 13:05 Art et culture

La Franco-Yukonnie sous les projecteurs

Parcourir les routes des Amériques à la recherche de francophones en situation minoritaire afin de découvrir les nuances qui se cachent derrière cette minorité linguistique partagée. Telle est la mission de l’équipe de la Caravane des Amériques, de passage dans la Franco-Yukonnie pour le tournage du documentaire Intimités francophones.

D’un bout à l’autre des Amériques, la parole est de nouveau donnée aux francophones afin de leur permettre d’exprimer leur vision de leur expérience vécue en situation minoritaire. L’an dernier, la Caravane s’est déplacée de la Louisiane jusqu’au Nouveau-Brunswick. Cette année, c’est au tour de l’Ouest canadien et du sud des États-Unis jusqu’au Mexique de faire partie du second volet du documentaire.

De nombreuses entrevues faites auprès des francophones du Yukon feront partie du film documentaire Intimités francophones. Photo : Marie-Hélène Comeau

De nombreuses entrevues faites auprès des francophones du Yukon feront partie du film documentaire Intimités francophones. Photo : Marie-Hélène Comeau

« Nous poursuivons deux buts. L’un est d’arriver avec ce projet à mieux connaître les réalités des francophones minoritaires des Amériques. Ensuite, de promouvoir un autre projet qui nous tient à cœur, celui de la Caravane des dix mots », explique Anne-Céline Genevois, coréalisatrice du film documentaire.

Créé en 2003 en Rhône-Alpes, « La Caravane des dix mots » est un projet d’action artistique et linguistique fondé sur le partage de la langue française : il est partagé depuis par des équipes artistiques et des citoyens du monde entier.

Il s’appuie sur le dispositif des « dix mots » proposés chaque année par le ministère français de la Culture et ses partenaires francophones (Québec, Belgique, Suisse et Organisation internationale de la Francophonie), dans le cadre de la Semaine de la langue française. À travers ces quelques mots, le projet révèle la richesse et la vision, mais aussi la réalité d’un monde propre à chaque citoyen. Car, bien que ces dix mots soient tous les mêmes, ils ont une résonance différente que l’on soit francophone des Antilles françaises, de la Côte d’Ivoire, de Marseille ou du Québec. Une résonance tout autre que l’on soit jeune, vieux, adolescent, parent, célibataire, banquier ou soldate.

« Le projet a été fondé dans un but de démocratisation afin de parler de la réalité de terrain des francophones. On a décidé de partir de là pour faire des micros-trottoirs afin d’entrer dans une certaine intimité linguistique des gens. Par exemple, le mot dimanche peut vouloir dire un jour de la semaine pour l’un et une journée de visite à sa grand-mère pour l’autre. Ce sont ces différences vécues par rapport aux mots partagés que nous désirons explorer », explique Anne-Céline Genevois. « En permettant aux gens de s’approprier les mots, on se rend compte qu’il n’y a pas de langue française, mais bien des langues françaises », ajoute-t-elle.

Partagé par de nombreuses équipes artistiques (175 projets portés en huit ans – plus de 100 000 participants par an), dans plus de 48 territoires différents (en France et dans le monde), ce projet est entouré de « complices » qui, par leurs contributions linguistique, philosophique ou littéraire, participent à montrer cette richesse et faire entendre la voix des gens. Sur chaque territoire, des artistes proposent à tous les publics de s’exprimer autour des dix mots dans le cadre d’ateliers de pratique artistique : théâtre, écriture, conte, danse, photo, vidéo, arts plastiques, marionnettes ou autre. En lien, un réalisateur porte son regard sur les activités menées, et interviewe ses concitoyens sur les mots. Les films ainsi réalisés permettent de collecter ces paroles et de les partager avec le plus grand nombre. Chaque année, ces films de 13 minutes sont réunis dans un coffret DVD diffusé à travers le monde et se transforment en un outil pédagogique et de valorisation des Caravanes.

« On a tellement de réalités différentes alors que nous partageons la même langue! », confie Anne-Céline qui a créé son entreprise Projet Ose une fois établie au Québec. « Mon entreprise permet à l’artiste à travers différents projets de devenir un passeur plutôt qu’un One Man Show », souligne-t-elle. Elle réalise toutefois bien vite que peu de gens connaissent le projet de la Caravane des dix mots qui jouit pourtant d’une belle popularité dans plusieurs pays francophones. D’où est née l’idée d’en faire la promotion au moyen d’un film documentaire en espérant voir un jour un chapitre de la Caravane des dix mots s’implanter au Yukon.

Volet franco-yukonnais

Dans le cadre du film documentaire, l’approche de l’équipe avec l’Association franco-yukonnaise a eu lieu l’an dernier à Québec lors du Forum de la francophonie canadienne.

« L’Association franco-yukonnaise agit dans ce projet comme facilitateur », explique Roch Nadon, directeur du secteur culturel de l’Association franco-yukonnaise. « Le projet est intéressant et permet aux gens de prendre la parole dans un autre contexte que celui de la recherche. Le projet donne également une belle visibilité à la Franco-Yukonnie », ajoute-t-il.

Au moment de l’entrevue, seules quelques rencontres avec les francophones du Yukon avaient été filmées. Pourtant, l’équipe de tournage pouvait déjà cibler quelques particularités à cette franco-yukonnie qui se dévoilait devant l’œil de leur caméra. Une francophonie, disent-ils, qui se distingue par sa construction alors que partout ailleurs où la Caravane des Amériques avait déposé son trépied, on y parlait surtout de disparition de la langue et de tension entre le français et l’anglais « Cette tension n’est pas présente dans le discours des gens d’ici. Au contraire, en entrevue, on me parle plutôt d’harmonisation », confie Alex Lachapelle-Raymond, coréalisateur du film documentaire qui devrait être présenté au Yukon en mars 2014.