Le Projet Pilimmaksaijuliriniq est mené par le Conseil de l’alphabétisation du Nunavut appelé Ilitaqsiniq. Cette initiative, conçue et dirigée par les Inuits, a été élaborée en réponse à la Stratégie nationale inuite de prévention du suicide, à la Stratégie de prévention du suicide Inuusivut Anninaqtuq du Nunavut et au Plan d’action en matière de bien-être mental des Inuits d’Alianait.
Ce projet propose d’intégrer des compétences supplémentaires en santé mentale ainsi que des enseignements basés sur le savoir traditionnel inuit dans les programmes de soutien et de prévention du suicide. Le territoire du Nunavut avait le taux de suicide le plus élevé parmi toutes les provinces et tous les territoires canadiens en 2020, en particulier chez les jeunes.
Culture et guérison : trois projets récompensés
Le programme de soutien destiné aux familles appelé Shäwthän Näzhi a reçu 500 000 $. À l’annonce de la nouvelle, Nataschaa Chatterton, directrice clinique des programmes, a ressenti un mélange d’émotions : « J’étais à la fois nerveuse, fière et excitée ». Ce programme d’un an vise à fournir un soutien intensif et continu aux familles vulnérables qui souffrent des traumatismes intergénérationnels, avec une approche basée sur la terre.
C’est au cœur d’une ferme dans le village de Haines Junction, dans l’ouest du Yukon, que les familles enrôlées dans le programme suivent des thérapies au contact des animaux de la ferme comme des chevaux, des vaches ou des lapins. Des thérapies artistiques, énergétiques et corporelles sont aussi proposées. Des cérémonies de purification autour du feu sacré ont lieu tous les jours et sont implantées au cœur du savoir autochtone.
À ce jour, 13 familles suivent ce programme et les fonds reçus lors de la cérémonie permettront de proposer davantage de thérapies pour faciliter le processus de guérison. Aujourd’hui, Mme Chatterton ainsi que Diane Strand, avec qui ce projet a démarré, travaillent en collaboration avec les Premières Nations Champagne & Aishihik, Kluane, White River et le Conseil des Tlingits de Teslin.
« L’approche de ce programme est multidisciplinaire, rappelle Mme Chatterton, et dès avril 2023 nous prévoyons une formation intensive pour notre groupe de praticiens autochtones qui ont une assise territoriale. »
Au Nunavik, le projet Atanniuvik, qui signifie « l’endroit où demander une permission » en inuktitut, a aussi reçu la somme de 500 000 $. Cette initiative est pilotée par un comité directeur composé de sept organismes régionaux : la Société Makivik, l’Administration régionale Kativik, la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, Kativik Ilisarniliriniq, l’Office municipal d’habitation Kativik, le Conseil de gestion des ressources fauniques de la région marine du Nunavik et l’Institut culturel Avataq.
Le projet vise à l’établissement d’un nouvel organisme de gouvernance de recherche scientifique au Nunavik, et est un pas important vers l’autodétermination du peuple inuit en matière de recherche. Il permettra de prioriser les projets de recherche dont les axes d’étude auront été identifiés comme importants et nécessaires par les collectivités du Nunavik. Ce prix en argent devrait permettre au projet de renforcer ses capacités humaines et mettre en place des sessions de consultations communautaires sur les priorités en matière de recherche.
« Nous voulons avoir cette autorité et décider quels types de recherches sont menées sur notre terre et dans nos communautés. Avec cette organisation, nous pourrons savoir quelles recherches sont en cours, quels sont les résultats, et nous pourrons faire un suivi avec les données recueillies, » précise Aleashia Echalook, directrice du projet.
Le projet « Lessons from Our Elders » (Leçons de nos ainés) du Gwich’in Tribal Council des T.N.-O. a reçu la somme de 450 000 $. Il propose d’impliquer les jeunes dans l’identification des artéfacts historiques présents dans les histoires racontées par les ainés de la communauté. Les jeunes auront ensuite l’occasion de se rendre dans les musées abritant ces artéfacts et d’observer comment la technologie de numérisation 3D peut être utilisée pour créer une copie virtuelle de ces objets. En parallèle, ils réaliseront une entrevue avec une personne ainée capable de placer les artéfacts dans leur contexte culturel.
En travaillant avec dix communautés Gwich’in et Inuvialuit sur une période d’un an, ce projet vise à produire une exposition virtuelle avec des artéfacts que la plupart des habitants du Nord ne pourraient pas voir autrement. Le fonds reçu permettra notamment d’acheter l’équipement nécessaire à la phase de numérisation des artéfacts.
« C’est un grand honneur d’avoir été récompensés pour ce projet de création d’un musée virtuel qui permettra à un public plus large d’avoir accès à ces histoires que nous voulons raconter, » explique Arlyn Charlie, coordonnateur au département culture et patrimoine du Gwich’in Tribal Council.
Dans la catégorie Jeunesse, trois projets reçoivent 100 000 $ chacun
Aux T.N.-O., la Northern Game Society (NGS), en partenariat avec la Corporation Communautaire de Tuktoyaktuk et le hameau de Tuktoyaktuk, propose la création d’un programme de développement pour les jeunes. Appelé « Inuvialuit Piuyausiq », que l’on peut traduire par « Jouer aux jeux Inuviualuit », ce programme vise à aider les jeunes à construire leur propre identité nordique à travers les jeux traditionnels Inuvialuit. Certaines épreuves de ces jeux mettent en valeur l’équilibre, la force et l’endurance et s’inspirent des différentes conditions que chaque saison apporte lors des sorties de chasse et de pêche.
Ces jeux ont aussi un aspect relationnel avec les jeux sociaux. Cet aspect des jeux tient aussi une part très importante selon Donald Kuptana, directeur général de NGS, car ils permettent aux jeunes de créer des relations fortes avec les personnes ainées de la collectivité. Tout en permettant un épanouissement personnel et une meilleure estime de soi, les jeunes font preuve aussi d’une grande résilience selon M. Kuptana.
Au Yukon, le camp traditionnel N’’tsaÜw Chu’ Kedts’edán Kù, à l’initiative de la Commission Scolaire des Premières Nations du Yukon, sera construit dès le printemps 2023 sur le campus de l’école secondaire Porter Creek à Whitehorse. Afin de proposer un programme culturel approfondi avec les infrastructures adéquates, la somme de 100 000 $ permettra de construire, notamment, un grand foyer ainsi qu’une structure traditionnelle pouvant accueillir les étudiants, les personnes ainées impliquées dans ce projet – aussi appelées les gardiens du savoir – ainsi que les professeurs.
« Ce qui est unique, c’est notre vision à long terme avec des objectifs, indique Nicole Cross, principale de l’école secondaire Porter Creek. Avoir cet espace juste à côté de l’établissement permettra aux personnes ainées d’accéder facilement et de s’impliquer dans les programmes culturels qui sont incorporés dans l’enseignement scolaire. »
Enfin, au Nunavut, le collectif jeunesse Nunavut Youth Creative Collective est une agence qui souhaite être vecteur du changement social par l’accroissement d’images à visée commerciale représentant les Inuits dans la publicité, les médias, les réseaux sociaux et les sites Internet. Seule une petite collection d’actifs numériques des Inuits du Nunavut existe. Ce sont encore et toujours les mêmes images qui sont utilisées pour les campagnes ciblant les Inuits. Ce collectif souhaite également recruter des talents créatifs parmi les jeunes membres des communautés qui ne peuvent pas trouver de travail significatif dans leur domaine de prédilection, et ce, sans avoir à quitter leur domicile.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.