Selon un communiqué de presse du 27 mai 2022, la Section de la santé animale du gouvernement du Yukon et le Service canadien de la faune d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) ont indiqué que l’analyse de deux spécimens d’oiseaux aquatiques – une bernache du Canada et un cygne trompette – du sud du territoire a révélé la présence de la souche H5N1 très contagieuse.
« Les oiseaux sauvages migrateurs sont porteurs du virus. La migration printanière est en cours et d’autres détections de la grippe aviaire hautement pathogène au Yukon sont probables », explique la vétérinaire responsable des programmes du gouvernement du Yukon, Kristenn Magnusson.
Le gouvernement du territoire indique prendre cette situation au sérieux et demande à la population de signaler la présence d’oiseaux sauvages malades ou morts afin qu’ils soient analysés.
Le Yukon est le premier territoire à être touché par la grippe aviaire. Pour Eric Reed, expert en oiseaux migrateurs pour ECCC, basé à Yellowknife, l’arrivée de cette souche dans le Nord n’était qu’une question de temps. Des interrogations demeurent cependant sur l’étendue de la pandémie animale à long terme.
« Il y a une incertitude par rapport à l’effet délétère du virus dans le temps », précise-t-il.
En se basant sur les axes de migration de six espèces de canards et d’oies qui empruntent la voie migratoire du Pacifique, une estimation de l’arrivée probable de la grippe aviaire dans le Nord a été mise au point par les experts d’ECCC. Au 19 juillet 2022, on s’attend à ce que la souche H5N1 soit présente en Alaska et au Yukon sur la côte de la mer de Beaufort, aux Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu’au sud du passage du Nord-Ouest au Nunavut.
Si à ce jour aucun cas n’a été détecté dans ce territoire, le gouvernement du Nunavut se dit pourtant inquiet par la situation.
« La grippe aviaire est une préoccupation au Nunavut, car de nombreux Nunavummiuts chassent les oiseaux sauvages et ramassent des œufs sauvages qui font partie de leur régime alimentaire », indique Chris Puglia, gestionnaire des communications au gouvernement du Nunavut.
L’importance de la cuisson de la viande
Dès le 5 avril 2022, la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik a relaté l’information concernant un premier cas de grippe aviaire au Québec sur sa page Facebook. Partagé plus de 1600 fois à travers ce réseau social, le message a suscité un grand intérêt et des commentaires émis par les membres des différentes collectivités de cette région. La chasse printanière aux bernaches est une activité familiale très répandue, surtout au sein des collectivités cries du territoire Eeyou Istchee dans la région de la Baie-James.
Pour le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, il est toujours sécuritaire de partir chasser l’oie pendant la migration du printemps, une période appelée Goose Break. Si les cas de transmission du virus à l’homme sont rares, le Conseil recommande cependant de respecter certaines règles pour éviter des risques de contamination humaine par une cuisson suffisante de la viande. D’après le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, il est impossible de contracter la grippe aviaire par l’ingestion d’aliments cuits.
« Le virus ne peut survivre à la chaleur, il est conseillé de cuire les aliments à une température de 70 degrés Celsius (la chair ne doit pas avoir une teinte rosée) afin de s’assurer que leur consommation ne pose aucun risque. Quant aux œufs, ils doivent être bien cuits, y compris le jaune », peut-on lire sur le site Internet de l’organisme qui relève du gouvernement fédéral.
Le savoir des personnes aînées
Robbie Kawapit est le chef de la Première Nation Crie de Whapmagoostui au Québec depuis 2020. Il vient de passer quatre semaines à chasser la bernache au cœur du territoire cri. Cette année, la saison de chasse a été différente, car beaucoup d’informations ont été relayées avant et pendant la chasse, à la radio communautaire, mais aussi entre les familles qui étaient dans leurs camps. Selon lui, les aînés de la communauté ont beaucoup de savoirs et d’expertise à partager. C’est dans ce contexte que plusieurs aînés ont pris la parole et se sont adressés aux familles pour apaiser certaines craintes.
« Nous, les chasseurs, nous savons lorsque quelque chose ne va pas avec les animaux ou lorsqu’ils se comportent différemment ou si leur apparence est différente, nous saisissons ces choses. Les personnes aînées ont expliqué que ce n’était pas la première fois que cela arrivait et que cette situation s’est déjà vue dans le passé. Elles ont recommandé de prendre quelques précautions et de ne pas manger un animal [qui n’a pas l’air en bonne santé] », indique-t-il lors d’une entrevue.
La chasse à la bernache est une période importante de l’année où les familles se retrouvent et célèbrent le retour des oies. Cependant, le caractère imprévisible de l’étendue et de la portée du virus chez les populations d’oiseaux migrateurs au cours de l’été soulève des questions, restées sans réponse pour le moment.
Une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.