Le prix le plus convoité, d’une valeur de 1 million $, a été remis à l’équipe du projet Ilagiitigut anngiangijaqatigiinnirq ilurqusivuttigut, basée au Nunavik. Ce projet, dirigé par une équipe de huit personnes du centre Isuarsivik à Kuujjuaq, réunit des personnes aînées, des chasseurs, des intervenants en toxicomanie, mais aussi des universitaires. Il permet aux personnes aux prises avec des problèmes de dépendance de suivre un programme de traitement qui touche aux causes profondes de la toxicomanie, y compris les traumatismes intergénérationnels.
« Nous étions vraiment très contents, car ce prix nous aidera grandement à mettre en place de notre programmation », explique Sarah May, coordonnatrice des valeurs et pratiques inuites au sein de l’organisme et co-cheffe d’équipe.
L’organisme ayant déjà soumis leur projet à deux reprises sans succès, Sarah May indique que la troisième fois était la bonne. La bourse permettra d’entamer des travaux de construction d’un nouvel établissement de 32 lits pouvant accueillir des familles des 14 collectivités du Nunavik. La toxicomanie affecte aussi les parents et les proches des personnes aux prises avec une dépendance.
« Les familles entières pourront être réunies dans ce nouveau centre et les membres auront la possibilité de suivre le traitement basé sur les valeurs et l’identité inuites. Ensemble, ils pourront se soutenir mutuellement pendant le processus de guérison », pense Sarah May.
Sécurité communautaire, bien-être et climat
Au Yukon, le programme de partenariat de sécurité communautaire autochtone (appelé Indigenous Community Safety Partnership Program) a pour but de s’attaquer aux causes profondes des traumatismes, de la violence et de la vulnérabilité intergénérationnelles par le biais de formations, de certifications et de mentorat dirigés par des autochtones. Cette initiative est unique, car elle permet aux gouvernements des Premières Nations de s’approprier, de mettre en œuvre, mais aussi de maintenir des initiatives de sécurité communautaire et de justice à l’échelle locale.
Aux Territoires du Nord-Ouest, deux projets se sont démarqués. Un programme de promotion du bien-être (appelé Supporting Wellbeing) propose des activités de formation sur le territoire et en secteurs éloignés. Ce programme destiné aux intervenants en santé mentale permet de les outiller davantage et de les aider à proposer des ateliers à l’extérieur pour les personnes qui éprouvent des difficultés psychologiques.
« L’objectif direct de ce projet est d’aider les personnes qui offrent des programmes sur le territoire. Il y aura aussi des effets plus importants sur les gens des petites collectivités qui pourront se soutenir davantage les uns les autres parce qu’ils auront plus de compétences et comprendront mieux les problèmes de santé mentale », indique la cheffe de projet, Rachel Cluderay.
Différentes approches permettant la prévention du suicide, mais aussi l’apprentissage des valeurs communautaires, constituent quelques-uns des axes pris en compte par ce programme, guidé par un comité directeur composé notamment de leaders sur le terrain des Premières Nations Dehcho et la corporation régionale inuvialuit. La bourse reçue permettra, en outre, de lancer un programme pilote d’une semaine en mai 2022 pour les intervenants communautaires.
Pour sa part, le projet de résilience climatique de la communauté de Tuktoyaktuk a été récompensé et s’est vu octroyer une bourse. Cette somme permettra à la collectivité au bord de l’océan arctique de faire face aux changements climatiques et à l’érosion de la côte, y compris en cas de délocalisation d’infrastructures à risque. Plus largement, ce projet a pour but de renforcer les capacités et les connaissances des personnes afin de les transmettre aux futures générations.
Reconnecter les générations et combattre l’itinérance
L’équipe de la Maison Hope dans la région désignée des Inuvialuit a reçu 495 000 $. L’itinérance est un problème grandissant à Inuvik, qui accueille un nombre important de personnes itinérantes venant de l’ouest de l’Arctique. La Maison Hope a pour objectif d’ouvrir un établissement pour ces personnes où des services de soutien et de conseil en santé mentale, notamment, seront offerts.
« C’était notre vision de nous rassembler en un seul endroit et d’être ensemble en tant que communauté. [Cet établissement] sera au centre de la communauté et c’est incroyable », s’est réjouie la cheffe d’équipe Peggy Day lors de la cérémonie de remise des prix.
Quant au projet du camp de pêche à Happy’s Landing, il a remporté la somme de 95 000 $ pour la mise en place d’un camp traditionnel en territoire gwich’in et destiné aux jeunes, aux personnes aînées et à tous ceux qui désirent s’initier aux activités traditionnelles comme la pêche et le séchage du poisson.
Deux projets prometteurs pour les jeunes
Le programme de formation de guide de rivière pour les jeunes autochtones (Indigenous Youth River Guide Training) a reçu 100 000 $. Angela Koe-Blake, l’une des responsables de l’équipe, avait de grandes attentes.
« J’avais beaucoup d’espoir pour notre projet, car il se concentre sur la sensibilisation en santé mentale des jeunes pour les aider à apprendre lors d’activités à l’extérieur », indique-t-elle lors d’une entrevue.
À l’été 2022, une formation de six semaines destinée à de jeunes autochtones de 18 à 30 ans du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest leur permettra de partir en expédition sur la rivière Peel. Ils pourront se former au métier de guide tout en apprenant l’importance culturelle de cette rivière pour les Premières Nations.
L’enseignement sera basé sur les techniques d’apprentissage traditionnel autochtone tout en renforçant un sentiment d’appartenance identitaire. La bourse reçue permettra la mise en place de la première semaine de formation qui est destinée essentiellement au leadership et à la communication dans le groupe.
« Notre objectif est d’aider les jeunes autochtones, nous voulons montrer que nos solides compétences, nos enseignements et nos conseils peuvent leur permettre d’être soit des guides de rivière autochtone, soit des leaders. Nous voulons les éduquer afin qu’ils puissent grandir, voyager et partager leur identité en tant que membres des Premières Nations. »
La jeune équipe de Treaty Talks (que l’on peut traduire par « mieux comprendre les traités ») souhaite rendre intelligible le contenu des traités, qui sont des ententes conclues entre le gouvernement du Canada, les groupes autochtones et, souvent, les provinces et territoires, qui définissent les droits et obligations durables de toutes les parties.
Le point de vue autochtone demeure cependant sous-représenté, et il y a une lacune des connaissances qui ne permet pas aux jeunes des Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest de comprendre ces traités. Avec la somme de 100 000 $ reçue, un camp d’enseignement sur le contenu et les enjeux des traités, conçu par et pour les jeunes, permettra de combler ce vide. Ce camp sera également accessible à tous les membres des collectivités qui souhaitent en apprendre davantage sur les traités historiques et modernes.
Une célébration virtuelle, mais pour combien de temps encore?
La remise des prix a eu lieu lors d’une cérémonie virtuelle, accessible en ligne sur la page Facebook de CBC North. La gouverneure générale, Mary Simon, a souligné l’ingéniosité et la créativité des différents organismes lauréats qui, par leurs programmes et projets, permettent d’améliorer la vie des personnes qui vivent en Arctique.
Wally Schuman, administrateur des Territoires du Nord-Ouest pour les prix Inspiration Arctique, ne fait aucune prédiction quant au retour éventuel d’une cérémonie en présentiel pour les années à venir. Il estime cependant que l’organisme a eu beaucoup de chance de pouvoir continuer le processus de sélection et la remise des prix dans un contexte de pandémie.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des territoires : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.