le Mardi 21 janvier 2025
le Jeudi 9 janvier 2025 7:52 Actualités

René Rivard : pour l’amour de la nature

  Photo : Manon Touffet
Photo : Manon Touffet
En 2021, René Rivard a pris sa retraite et a décidé de laisser la piste Chilkoot derrière lui. Aujourd’hui âgé de 69 ans, cet homme aux mille et un talents se consacre à la transmission de ses deux passions : les animaux et l’histoire.
Photo : Manon Touffet

Originaire de la Gaspésie, il développe dès son plus jeune âge une curiosité pour la nature.

« J’ai perdu ma peur d’être dans les forêts quand j’avais 11 ans, ce qui m’a ouvert à m’aventurer partout et sans limites », se remémore-t-il. À l’âge de 12 ans, il rencontre Ernest Blanchard, un Québécois de 86 ans, qui devient son mentor. Ce dernier avait travaillé à Causapscal comme garde forestier et guide de chasse et pêche.

René Rivard passe, entre autres, deux semaines dans le bois avec lui. « Je suis devenu passionné d’écouter ses histoires, alors je le visitais souvent. Il me ramenait dans l’ancien temps, de la façon dont les gens pensaient. […] C’est lui qui m’a donné les passions que j’ai aujourd’hui », confie-t-il.

Pour comprendre René Rivard et sa passion pour la nature et les animaux, il faut connaître son parcours. Il est né en Gaspésie en 1955. Pourtant, il quitte sa terre natale pour étudier à Hauterive, aujourd’hui connue sous le nom de Baie-Comeau. Il devient technicien de la faune.

Très vite, il obtient un emploi à la Société d’exploitation des ressources de la Vallée. Dans les Chic-Chocs, sur le territoire Faribault, il s’occupe de la première chasse contrôlée de l’orignal.

Mais une grande récession touche le Québec et il perd son emploi. Il rend alors visite à l’un de ses cousins, à Edmonton, où il découvre le travail du bois. Le temps de la saison estivale, il travaille comme aide-charpentier dans la construction de logements.

À la fin de la saison, il ne sait pas où aller et part visiter les Rocheuses. Il s’installe à Hinton. Là-bas, il rencontre Charlotte, qui deviendra sa femme. Le couple décide de partir au Yukon, en 1988, pour que René puisse trouver un emploi permanent en lien avec les animaux.

Dès l’hiver 1989, René Rivard devient technicien des bêtes à fourrure pour le gouvernement du Yukon. Il prend alors part à une étude de population des lynx, la plus grande menée en Amérique du Nord à ce moment-là.

« Le but était d’étudier leur adaptation en réponse au surtrappage attribuable au prix élevé de leur fourrure et de la vulnérabilité à les trapper », commente-t-il. « Nous passions deux semaines à la fois dans le bois pour faire la trappe vivante au collet à pattes pour leur mettre des colliers émetteurs. Nous voulions suivre leurs déplacements et comprendre leur dispersion en simulant un endroit protégé où les trappeurs ne pouvaient aller. »

 

Photo : Fournie

Après une première participation à la réintroduction du lynx dans les monts Adirondacks (État de New York, États-Unis) au début des années 1990, René Rivard prend part à un autre projet de réintroduction en 1999 dans les monts San Juan (Colorado).

Chez lui, dans la vallée de l’Ibex, René a construit un centre d’accueil avec des cages pour placer les lynx capturés par une douzaine de trappeurs. Il s’occupait des animaux avant qu’ils ne soient transférés à Denver par avion. Au total, en huit hivers, au moins 65 lynx ont été capturés et relocalisés au Colorado avec succès.

Photo : Manon Touffet

Au printemps 1990, René Rivard devient garde de parc pour Parcs Canada sur la piste Chilkoot. « C’est un des meilleurs parcs où tu passes beaucoup de temps dans l’arrière-pays. Je patrouillais environ 70 km à pied avec mon sac à dos sur neuf jours! Puis je me reposais cinq jours auprès de ma femme Charlotte avant de recommencer », détaille-t-il. Il y a un côté très historique sur la piste Chilkoot lié à la ruée vers l’or du Klondike de 1898 qu’il appréciait énormément.

Sur les sentiers de la Chilkoot, René Rivard veillait au bien-être des randonneurs et randonneuses, mais aussi à protéger le sentier et les artéfacts en minimisant les impacts. Très vite pendant ses patrouilles, il se met également à étudier les espèces en danger, telles que les caribous, les carcajous et les crapauds boréaux.

En 2003, la Loi sur les espèces en péril est adoptée. Pour la mettre en œuvre, René Rivard collecte des données pendant l’hiver : entre autres, il se met à traquer le carcajou.

Quand il ne parcourt pas la piste Chilkoot, René Rivard s’aventure sur la piste du col White du côté américain. Il y développe un nouveau passe-temps : retracer les sentiers que les chevaux ont utilisés pendant la ruée vers l’or. C’était comme une chasse au trésor. « Après une journée à lire le terrain, dans ma tente sous une chandelle, je traçais au crayon à papier des lignes pour faire des cartes de la façon des explorateurs. Pour moi, c’était la meilleure façon d’illustrer la valeur culturelle d’un sentier historique, surtout à grande échelle pour illustrer les détails. »

Aujourd’hui, il estime avoir découvert les sections les plus difficiles pour les chevaux à l’aide de plusieurs indices des archives. « Trois mille chevaux y sont morts ici, c’est vraiment un endroit qui te donne un pressentiment étrange, surtout dans le “ravin des chevaux morts”, pas très accueillant. Les prospecteurs utilisaient leurs omoplates comme des cales pour stabiliser les murs de roches. J’ai aussi retrouvé un crâne de cheval que tu peux entendre le boulet dedans quand tu le secoues! »

René Rivard avoue montrer ses cartes quand on le lui demande, mais elles ne sont pas accessibles au public afin de ne pas divulguer précisément les endroits.

Photo : Manon Touffet

Lors de son temps à Hinton, René Rivard a appris le métier de sculpteur de selles de portage pour chevaux auprès du Métis Iroquois-Québécois Felix Plante alors âgé de 93 ans. « Comme avec Ernest Blanchard, je me suis emballé à connaître une autre personne âgée à qui j’ai souvent rendu visite pour écouter ses histoires. En échange, je l’aidais à réparer des choses autour ou je lui apportais de la viande sauvage. […] Il ne voulait pas montrer son métier pour éviter la concurrence, mais, après deux ans de confiance en moi, il m’a offert de me le montrer », se souvient-il.

Durant les années 1990, en faisant ses patrouilles sur la piste Chilkoot, René a trouvé plusieurs selles de la ruée vers l’or qui semblait se détériorer rapidement. « J’ai appris la méthode des années 1800, je pouvais donc reconnaître les selles de cette époque, un art qui a disparu dans l’Ouest canadien. Ce qui a conservé le peu que je voyais, c’est qu’elles étaient sur la roche. Sur la mousse, elles auraient disparu parce que le bois est organique », précise le passionné.

Étant à la retraite, René Rivard souhaite retourner à la fabrication de selles de portage et envisage d’enseigner cet art à de jeunes adultes.

Ce texte est une republication du portrait de René Rivard initialement publié dans les pages 24 à 27 du magazine estival de l’Aurore boréale du 4 juillet 2024 dans lequel des erreurs s’étaient glissées. Nous nous excusons auprès de M. Rivard et le remercions de son temps pour rectifier le tout.