Cette tradition est chapeautée au territoire par le Club d’ornithologie du Yukon. Une dizaine de groupes participent bon an mal an, par exemple à Haines Junction, Carcross, Dawson et Watson Lake. À Whitehorse, comme à plusieurs autres endroits, le décompte a lieu le 26 décembre. Il suffit de contacter le Club d’ornithologie du Yukon pour s’inscrire.
Pour chaque région, une personne chargée de la compilation répartit les participant.e.s sur le territoire afin d’avoir un portrait représentatif, tout en prenant soin de jumeler des gens d’expérience avec ceux et celles qui seraient moins aguerri.e.s. Le but est de recenser tous les oiseaux rencontrés. On s’efforcera d’en estimer le nombre et, bien sûr, de les identifier à l’espèce.
Certaines personnes y trouvent une occasion d’explorer une piste en raquette, en ski de fond ou à vélo d’hiver. D’autres optent simplement pour une balade en voiture ou d’avoir la mangeoire de leur cour comme unique point d’observation.
Entre régularités et surprises
Aux dires de Cameron Eckert, membre du conseil d’administration du Club d’ornithologie du Yukon, « chaque année, il y a quelque chose de remarquable ». Il cite en exemple le Bruant de Lincoln repéré l’an dernier à Haines Junction, une tourterelle turque à Riverdale, un merle d’Amérique (rouge-gorge) il y a quelques années, et des cygnes trompettes observables depuis quelques années tout le long de l’hiver au marais de Johnson’s Crossing, juste au nord du lac Teslin.
Avec la neige plutôt hâtive de cette année, M. Eckert est curieux de voir quel impact ça aura sur qui sera présent au marais cette année et sur les « winterer wannabes », comme il les appelle.
Outre les anomalies, une vingtaine d’espèces sont typiquement observables au Yukon à cette période de l’année. M. Eckert mentionne que plusieurs des oiseaux réguliers de nos contrées subarctiques ont besoin de « vraies » températures hivernales. « C’est le cas par exemple du mésangeai (geai gris) qui, à l’instar de l’écureuil roux, cache de la nourriture un peu partout pour les jours de disette. Alors que le climat se réchauffe, cette tactique devient moins sécuritaire, ce qui s’observe dans la diminution de cette espèce dans les décomptes d’oiseaux de Noël plus au Sud », dit-il.
Pourquoi fait-on ça?
Pour plusieurs participant.e.s, l’observation des oiseaux est un moment de communion avec les éléments. Mme Allard, participante régulière du décompte de Noël, raconte à quel point elle aime être entièrement absorbée dans le relevé des oiseaux. « C’est très zen d’y concentrer toutes ses énergies, sans distraction. »
Pour d’autres, c’est l’occasion de transmettre des connaissances et une passion à la prochaine génération. Mme Allard souligne que l’hiver est particulièrement propice à l’initiation des novices, puisque le nombre d’espèces à différencier les unes des autres est relativement limité.
À Whitehorse, comme dans plusieurs autres communautés, un potluck est parfois organisé à la fin de la journée. « On partage nos commentaires, on partage nos impressions et puis on mange ensemble. Ça crée de la communauté », dit-elle.
Comme le dit M. Eckert, « le décompte est aussi une excellente occasion de bouger et de prendre l’air au lendemain de Noël! »
La science comme résultat
Au bout de l’exercice, les données sont partagées avec la personne compilatrice, qui les verse dans une base centrale gérée par la Société Audubon. En retour, l’information colligée à travers les années est entièrement disponible gratuitement pour le public.
Ces données sont particulièrement utiles pour détecter des cycles et des tendances, ainsi que pour mesurer l’impact de phénomènes particuliers. M. Eckert cite en exemple le sizerin flammé, dont l’amplitude des fluctuations annuelles peut être surprenante, mais dont le suivi sur le long terme permet de démontrer une certaine stabilité.
Au-delà des aspects relaxant, communautaire et d’apprentissage, le décompte des oiseaux de Noël est connu comme la plus vaste initiative de science citoyenne au monde, selon la Société Audubon, qui organise cet événement annuel depuis 1900.
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale