le Samedi 14 décembre 2024
le Jeudi 21 novembre 2024 7:55 Actualités

Réforme du système électoral au Yukon : le projet avance

En septembre dernier, l’Assemblée citoyenne du Yukon a proposé le vote par ordre de préférence. Les personnes électrices classeraient alors les personnes candidates de leur circonscription par ordre de préférence. Le premier ministre Ranj Pillai a déclaré par la même occasion qu’un référendum sur la réforme électorale sera organisé l’année prochaine. — Photo : Pixabay
En septembre dernier, l’Assemblée citoyenne du Yukon a proposé le vote par ordre de préférence. Les personnes électrices classeraient alors les personnes candidates de leur circonscription par ordre de préférence. Le premier ministre Ranj Pillai a déclaré par la même occasion qu’un référendum sur la réforme électorale sera organisé l’année prochaine.
Photo : Pixabay
Au Yukon, comme dans le reste du Canada, le système de vote se base sur le modèle du scrutin majoritaire uninominal à un tour pour élire les membres de l’Assemblée législative. Fin octobre, l’Assemblée citoyenne a déposé son rapport final. Quelques jours avant, Ranj Pillai a annoncé qu’un référendum sur la réforme électorale sera organisé en 2025, en même temps que les élections territoriales.

Une assemblée citoyenne avait été créée à la suite d’une consultation publique sur la réforme électorale menée par le gouvernement territorial entre le 4 octobre et le 14 décembre 2018. Cette assemblée s’est réunie pendant quatre fins de semaine, de mai à septembre 2024.

En septembre dernier, elle a recommandé d’abandonner le système actuel de scrutin uninominal à un tour et de le remplacer par un vote par ordre de préférence dans lequel l’électorat classe les candidat·e·s de leur circonscription par ordre de préférence.

Ainsi, si aucun·e candidat·e dans une circonscription n’obtient au moins 50 % des suffrages exprimés, les deuxièmes, voire les troisièmes choix des électeur·rice·s seraient utilisés pour déterminer la ou le vainqueur.

L’Assemblée citoyenne recommande également que l’ordre des noms des personnes candidates sur le bulletin de vote soit tiré au hasard au lieu d’être par ordre alphabétique, par exemple, et qu’Élections Yukon lance un programme d’éducation pour informer les électeur·rice·s. Le groupe de citoyens et citoyennes recommande également que le seuil pour gagner un vote public soit le même que dans le système de vote par ordre de préférence proposé.

On peut trouver les détails dans le rapport final intitulé The Yukon Citizens’ Assembly on Electoral Reform – the first citizens’ assembly in the territory (L’Assemblée des citoyens et citoyennes du Yukon sur la réforme électorale – la première assemblée de citoyens et citoyennes dans le territoire), publié fin octobre dernier.

Pour Réal Lavergne, la meilleure option serait de passer à un système de vote proportionnel. Système qu’il juge plus démocratique et plus représentatif du vote citoyen.

Photo : Fournie

Mode de scrutin proportionnel

Réal Lavergne, ancien président de Représentation équitable au Canada à Ottawa (Fair Vote Canada), se dit déçu de ce choix. Selon lui, le pays devrait passer à un système de vote proportionnel, car il bénéficierait d’un système davantage démocratique. L’adoption d’un système proportionnel profiterait, selon lui, entre autres, aux partis politiques minoritaires.

La représentation proportionnelle permet à chaque vote de compter pour élire un ou une représentante. C’est ce qui permet à un parti qui obtient 40 % des voix de remporter également 40 % des sièges, par exemple.

« Des recherches comparatives ont démontré que les pays à mode de scrutin proportionnel obtiennent de meilleurs résultats en termes de démocratie, de qualité de vie, d’égalité des revenus, de résultats environnementaux et de croissance économique », peut-on lire sur le site de Fair Vote Canada.

« Au Yukon, ils ont accepté l’idée d’une assemblée citoyenne, mais il y a eu deux problèmes. Le premier, c’est qu’on a promis un référendum par après, sachant très bien que c’est très difficile de gagner un référendum. Toutefois, s’il y a suffisamment de leadership politique, ça peut passer. Et la deuxième chose, c’est qu’ils ont supposé que le Yukon, étant un territoire avec une population très modeste, n’a pas besoin d’une assemblée citoyenne qui va durer [sur un terme assez long], qui pourra faire une étude très approfondie. Donc, on va leur donner quatre week-ends pour discuter de cette question et arriver à une conclusion. Finalement, on n’a pas vraiment donné les ressources et le temps nécessaires à l’Assemblée citoyenne pour arriver à une conclusion plus approfondie », critique Réal Lavergne.

Jean-Paul Pinard, Franco-  Yukonnais, fait partie de Fair Vote Yukon. Il se dit lui aussi déçu du résultat. Il rapporte que l’Assemblée citoyenne souhaitait que le vote du premier ministre se fasse séparément des autres candidats. « On aimerait avoir deux votes, un pour le candidat local et un autre vote pour notre leader territorial. »

Selon lui, depuis le début, les politiciens ne souhaitent pas passer un système de vote proportionnel. « C’est comme si on laissait les employés décider de comment on les emploie. […] Les politiciens ont décidé eux-mêmes comment voter pour eux. Ce n’est pas correct ». Il informe que le groupe de l’Assemblée citoyenne a décidé de prendre une pause.

Implication de l’électorat

Selon Réal Lavergne, le système actuel ne représente pas correctement les personnes électrices. Il s’agirait selon lui davantage d’un vote « symbolique ». Cela entraînerait la baisse de la participation et de l’engagement de l’électorat. Par exemple, lors des dernières élections municipales à Whitehorse, le taux de participation aux élections n’était que de 27 %.

« Au Canada, avec notre système élu nominal à un tour, 60 % des voix n’élisent personne, n’ont aucun pouvoir », dit-il.

Selon l’ancien président de Fair Vote Canada, la lenteur pour changer le système s’explique par le fait que le sujet est compliqué et ce n’est donc pas la priorité des personnes citoyennes, même si c’est important.

« Il y a d’autres enjeux, comme l’inflation, le logement, l’éducation, la santé, etc. », explique-t-il. « Quand les politiciens se présentent à la porte, c’est très rare que quelqu’un aille dire ‘’Moi, mon gros problème, c’est notre système électoral’’. Les gens ont tendance à se référer à des choses plus immédiates. C’est un peu ça le problème. Et pour les politiciens, c’est tout le contraire. Pour eux, c’est un conflit d’intérêts. Et notre système est tel que malgré le fait que les politiciens sont en conflit d’intérêts, c’est eux qui doivent porter changement. C’est une contradiction. »

Pourtant, selon l’expert, changer le système de vote pourrait contribuer à régler les problèmes, comme l’inflation et l’accès à la propriété. « Ce qui arrive, c’est que les gens sont habitués, ils sont déconnectés, en partie à cause du système. Ils s’en rendent compte, mais pas de façon consciente, leur voix ne compte pas pour grand-chose. »

Réal Lavergne espère que le passage au système de vote proportionnel se fera lors des prochaines élections dans les différentes provinces.

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

Le rôle d’une assemblée citoyenne

Les assemblées de citoyens et citoyennes sont un moyen d’apprentissage collectif et de résolution de problèmes. Elles rassemblent généralement des membres sélectionnés au hasard pour discuter d’une question spécifique, parvenir à un consensus et formuler des recommandations à l’attention du gouvernement qui les étudiera et pourrait les mettre en œuvre.

L’Assemblée citoyenne du Yukon sur la réforme électorale avait pour mission d’examiner les différentes façons d’élire le gouvernement territorial et de formuler une recommandation sur le maintien du système de vote actuel ou l’adoption d’un nouveau système.

Les membres de l’Assemblée citoyenne ont été choisis parmi les participant·e·s à une enquête menée par le Bureau des statistiques du Yukon entre janvier et mars 2023 sur l’intérêt d’une assemblée citoyenne. À partir de ce groupe, les membres ont été sélectionnés au hasard en tenant compte de critères démographiques, tels que l’âge, le sexe et l’ascendance autochtone afin de refléter la diversité de la population du territoire.